A l'approche d'Aïd al-Adha, la Tunisie s'apprête à vivre un énième remaniement ministériel qui anime sa scène depuis que le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a déclaré que ce changement devient inévitable pour son équipe. Avec trois ministères vacants et d'autres dont les bilans ne sont pas à la hauteur des attentes, la déclaration de Chahed n'a pas surpris grand monde mais elle a ajouté de l'opacité à la situation ; on est sûr qu'un remaniement est en route mais on ne sait toujours pas s'il va servir à combler les vides ou s'il va toucher d'autres ministères. Une première réponse nous a été véhiculée par le porte-parole d'Ennahdha, Imed Khemiri, qui, à l'issue d'une réunion du bureau exécutif du mouvement, a indiqué que son mouvement plaidera pour le recrutement de ministres pour remplacer ceux qui sont déjà partis sans plus. En somme, Ennahdha n'est pas très chaud de passer à une large opération de remise en forme du gouvernement ; pour le mouvement islamiste, il suffit de ramener trois nouvelles têtes et le tour est joué. Pour eux, et si Youssef Chahed insiste pour apporter un réel remaniement à son équipe, il devrait attendre la tenue des élections municipales. En réalité, Ennahdha espère éviter deux choses en plaidant pour cette voie ; la première c'est qu'aucun de ses ministres ne soient dérangés – or le ministre du Commerce, Zied Laâdhari, serait parmi ceux que Chahed compte limoger ou, du moins, changer de ministère – et la seconde est relative au ministère de l'Intérieur. Depuis son «départ» du pouvoir en 2013, Ennahdha a tout fait afin de «garder ce ministère loin des tiraillements politiques». On a donc eu droit à Lotfi Ben Jeddou, Najem Gharsalli et, aujourd'hui, à Hédi Majdoub qui avait occupé, lorsqu'Ali Laârayedh était à l'Intérieur, le poste de chef du cabinet. Ennahdha ne souhaite pas voir son ministre partir pour être remplacé par un autre qui risque d'avoir des appartenances partisanes assez prononcées... Les caprices vont bon vent aussi du côté de Nidaa Tounes dont le directeur-exécutif, Hafedh Caïd Essebsi, vient de publier un texte sur sa page officielle Facebook où il a attaqué ceux qui s'étonnent de voir le mouvement essayer de placer «ses enfants» dans des postes ministériels tout en leur rappelant qu'il s'agit là du droit légitime du Nidaa qui a remporté toutes les élections de 2014. Pour Caïd Essebsi Junior, Nidaa Tounes est en train de vivre une injustice qui doit absolument être corrigée lors de ce nouveau remaniement. De là, on comprend que contrairement à son allié, Nidaa Tounes ne cherche pas uniquement à combler les vacances actuelles et qu'il est plutôt dans une optique qui puisse lui permettre d'englober le plus de postes possibles. Rien qu'au niveau de ces deux mouvements, et sans parler des autres partis et organisations signataires du pacte de Carthage – l'UGTT vient d'ailleurs d'exprimer son mécontentement de quelques noms qui ont été proposés pour des postes – la situation semble être extrêmement délicate pour Youssef Chahed. Une intervention du chef de l'Etat, Béji Caïd Essebsi, pourrait intervenir afin de faire jouer son consensus et clamer un peu les esprits.