Deux sièges de la sécurité syrienne ont été frappés par des attaques-suicide hier à Homs, troisième ville du pays actuellement sous contrôle du régime de Damas. L'ONG Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) fait état de 42 morts. Parmi les victimes : Hassan Daaboul, ponte du renseignement militaire en Syrie, chef des services à Homs, et proche du président Assad. Le groupe Fateh al-Cham a émis une revendication. Alors que les négociations patinent actuellement à Genève sous l'égide de l'ONU, entre le régime et les différentes mouvances de l'opposition représentées, plusieurs kamikazes ont lancé une attaque audacieuse, ce samedi dans des lieux pourtant particulièrement protégés de Homs, dans le sud de la Syrie. Le « maître de Damas » perd un proche Ce sont les services de la sûreté de l'Etat et du renseignement militaire, situés respectivement dans les quartiers de Ghouta et de Mahatta, qui ont été visés. « Aux renseignements militaires, il y a eu des tirs contre les gardes. Des officiers ont accouru pour voir ce qui se passait et un premier kamikaze s'est fait exploser », explique le directeur de l'ONGOSDH. « D'autres membres du renseignement se sont précipités et un deuxième puis un troisième kamikaze se sont fait exploser l'un après l'autre », ajoute Rami Abdel Rahmane, qui précise que « des affrontements se sont déroulés pendant deux heures tout au long des attaques ». Parmi les victimes : le chef du renseignement militaire de la ville, Hassan Daaboul, qui est un proche du président Bachar el-Assad et l'une des personnalités les plus connues des milieux du renseignement dans son pays. Il aurait été visé spécifiquement par l'un des kamikazes. Le message : Fateh al-Cham est bien là Le groupe Fateh al-Cham a revendiqué ces attaques. Il s'agit de l'ancien Front al-Nosra, qui avait changé de nom pour acter sa distanciation avec son ancienne maison-mère (al-Nosra était à l'époque la branche syrienne de l'organisation al-Qaïda). A l'heure actuelle, Fateh al-Cham est le deuxième plus important groupe jihadiste après l'organisation rivale Etat islamique (EI). Fateh al-Cham était le principal allié des terroristes opposés au clan Assad. Mais en janvier, les guerres d'influence l'ont emporté, de violents combats ont éclaté. D'où la donne actuelle : d'un côté, des insurgés qui rejettent le processus de paix ont fusionné avec Fateh al-Cham sous le nom Tahrir al-Cham ; de l'autre, les partisans de négociations sont désormais alliés avec les salafistes d'Ahrar al-Cham. Comme le groupe EI, Fateh al-Cham est exclu des négociations de Genève. L'attaque de ce samedi est « un message aussi bien au régime qu'à l'opposition et à la communauté internationale que Fateh al-Cham est là et que personne ne peut l'isoler », analyse le directeur de l'OSDH. Plusieurs attentats-suicide meurtriers ont frappé la ville de Homs ces dernières années, en majorité revendiqués par l'EI. De Mistura rencontre séparément les délégations syriennes L'envoyé spécial des Nations unies sur la Syrie, Staffan de Mistura, a entamé vendredi des discussions bilatérales avec les délégations présentes à Genève afin de définir le format des négociations de paix entre Damas et l'opposition. Le négociateur en chef de l'opposition syrienne, Nasser al Hariri, a déclaré à la presse à l'issue d'une réunion de deux heures avec Staffan de Mistura que l'émissaire de l'Onu lui avait remis un document de travail portant sur "des questions de procédure et quelques idées pour commencer le processus politique". Bachar al Dja'afari, négociateur en chef du gouvernement syrien, s'est lui aussi entretenu pendant deux heures avec le diplomate italo-suédois. "Nous avons uniquement parlé du format des prochaines réunions", a dit le responsable syrien. "A la fin de la rencontre, De Mistura nous a donné un papier que nous avons accepté d'étudier. Nous l'informerons de notre position vis-à-vis de ce papier", a-t-il dit, corrigeant au passage l'interprète qui évoquait un "document". Il n'a donné aucun autre détail. Lors de sa conférence de presse, Nasser Hariri a redit que la priorité de l'opposition était de commencer les négociations sur le volet politique avec un organe gouvernemental de transition. Cela semblait sous-entendre qu'il ne reculerait pas sur la demande de l'opposition de départ du président syrien Bachar al Assad. "Nous avons entendu de la part de M. de Mistura des idées et des suggestions positives (...)", a déclaré Nasser Hariri. Les négociations de paix de Genève, interrompues depuis dix mois, ont repris jeudi sous l'égide des Nations unies en présence des représentants de Damas et d'une délégation de l'opposition syrienne. En dix mois, le contexte a été bouleversé tant sur le théâtre du conflit, où le régime de Bachar al Assad, appuyé par la Russie et des renforts coordonnés par l'Iran, a repris l'initiative face à une insurrection fragmentée, que sur le plan diplomatique, avec l'arrivée de Donald Trump à la Maison blanche et la reprise en main du dossier par le trio Russie-Iran-Turquie depuis la fin de la bataille d'Alep. Il y a dix mois, De Mistura avait dû faire la navette entre les délégations qui ne s'étaient pas retrouvées dans la même pièce. La dégradation de la situation en Syrie avait conduit à la suspension des discussions. Cette fois encore, estime un diplomate occidental de haut rang, Genève ne devrait pas déboucher sur des discussions directes, et ce malgré la cérémonie d'ouverture de jeudi à laquelle participaient ensemble les deux délégations syriennes pour la première fois en trois ans. "Staffan disait récemment que son ambition était d'avoir des discussions directes mais je doute que cela se produire. A mon avis, ce sera comme l'an dernier, des discussions de proximité", a ajouté ce diplomate.