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«La justice a perdu la confiance de l'opinion publique et la mienne aussi»
Publié dans Le Temps le 27 - 11 - 2016

Connu pour sa virulence et ses positions hors du commun, Ahmed Souab est critiqué surtout par ses collègues qui l'accusent, entre autres, d'avoir des inclinaisons politiques claires qui influenceraient son travail. Alors que le pays vient de connaître les élections historiques du Conseil Supérieur de la Magistrature, l'appareil juridictionnel est sujet de plusieurs critiques et ce suite, surtout, à l'annonce du verdict du non-lieu dans l'affaire de Lotfi Naguedh.
Le juge Ahmed Souab revient sur toutes ces questions en nous présentant son analyse et ses lectures.
-Le Temps : Nous sommes au siège du Tribunal administratif et cela nous renvoie à ses différents verdicts qui se font constamment nargués par la présidente de l'Instance vérité et dignité (IVD), Sihem Ben Seddrine. N'existe-il aucun moyen légal pour inciter la présidente de l'IVD à respecter ces verdicts ?
Ahmed Souab:Politiquement, on peut lui demander des comptes. Le quatrième pouvoir doit, aussi, lui demander des comptes. Constitutionnellement, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) peut le faire puisque que l'Instance est tenue par le dépôt d'un rapport annuel et par des séances d'audition de la part des députés. Pénalement, et à travers l'article 315 du Code pénal qui stipule que les actes émis par les autorités légales doivent être appliqués. En cas d'inapplication, la personne concernée peut être condamnée à une amende et à une peine de prison de quinze jours. Cet article a été appliqué lors de l'affaire du chef de la Poste tunisienne à Tozeur. Néanmoins, une telle activation nécessite un certain courage de la part des judiciaires. On n'a rien à perdre à ce que l'intéressé dépose une action pénale contre la représente légale de l'IVD qui est sa présidente.
Il y a, par ailleurs, ce que l'on appelle ‘la faute de gestion' ; il existe une juridiction mixte assez spéciale, la Chambre de discipline financière qui est composée d'une façon paritaire entre des juges financiers et des juges administratifs. Cette Chambre condamne, par des amendes (condamnation pénale), tout agent public coupable de faute de gestion à des sanctions qui seront soustraites de ses rémunérations annuelles. La faute de gestion c'est tout acte ou fait juridique qui entrainerait des dépenses non-imposées par la loi ou qui entrainerait la non-perception des recettes légalement dues. Par exemple, si toute personne qui a un jugement et qui dépose une action en annulation et en responsabilité contre l'IVD devant le Tribunal administratif, logiquement, si le jugement est clair – comme c'est le cas pour les affaires de Zouhaier Makhlouf, de Lilia Bouguirra et de Mustapha Baâzaoui –, l'IVD ou celui qui assumerait sa responsabilité après la fin de sa mission dans une année ou deux, sera traduit par l'Etat devant la Cour des comptes, devant ladite Chambre.
L'effectivité de la justice sans exécution des jugements c'est une violation à l'Etat de droit. Ce paradigme est dicté depuis la nuit des temps sur l'Etat de droit dans la lettre d'Omar Al Khattab à Abou Moussa Al Achaari. L'IVD n'est pas la seule à avoir ignoré les verdicts du Tribunal administratif ; le ministère de l'Intérieur a fait la même chose en empêchant la tenue du congrès d'Ettahrir. La justice est un trait continu et c'est la règle de la règle.
-Cette Instance vient d'organiser les premières séances d'audition publiques des victimes de l'oppression. Ces séances ont surtout été marquées par l'absence des trois présidents. Y voyez-vous un message politique ?
Pour moi qui suis un fervent adepte de mon idéologie qui est celle de l'Etat de droit, qui a été violé par Habib Bourguiba et par le régime qui l'a suivi, je ne peux que défendre l'institution de la Justice transitionnelle, cela est indiscutable.Les juges disent qu'il y a le fonctionnement de la justice et l'organisation de la justice. Quoiqu'il y ait eu quelques polémiques sur le choix, notamment l'omission des blessés des événements de Siliana, ces séances sont sacrées pour moi. Le pire c'est que Ben Seddrine a répliqué, sur la question de l'absence des victimes de la chevrotine, qu'elle ne pouvait pas inviter ces personnes dont les affaires sont encore devant la justice. Or, toutes les affaires qui ont été traitées lors desdites séances sont, aussi, encore devant la justice. On prend les personnes pour des idiots malheureusement.
Pour moi, c'est inconcevable que tout ce qui cristallise au sujet de l'IVD soit sa présidente ; elle casse tous les membres et il existe une certaine myopie qui fait qu'une personne écrase toute une institution. J'ai travaillé avec elle à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu à la Cité des sciences et j'ai du respect pour elle. Toutefois, si l'on abuse de la légitimité historique, elle finit par nous tuer comme cela a été le cas pour Bourguiba. L'autre image c'est comme si on avait un compte en banque ; à l'instant T+x, le dépôt ne peut jamais demeurer statique puisqu'il y des frais qui vont se soustraire du compte et qu'il y a des intérêts qui vont bouger. Malheureusement, certaines personnes qui faisaient l'unanimité mais qui, après la révolution, sont devenues isolées. C'est comme ce qui se passe avec Nidaa Tounes ; il existe des personnes qui nuisent à toute l'institution et, si on n'arrive pas à les en détacher, cela finira par tout bousiller. La preuve c'est qu'en juillet dernier, j'ai été obligé de préconiser des solutions, concernant le projet de loi de la réconciliation économique et financière, et j'ai été critiqué, frontalement devant la Commission de la législation générale, au sujet de l'IVD. Tous les blocs parlementaires étaient présents à cette séance et le seul groupe à avoir défendu l'Instance c'était celui du mouvement d'Ennahdha. Donc, il y a une responsabilité historique et une alliance objective qui ont donné naissance à cette présidente de l'IVD et Ennahdha est obligée de ne pas s'en détacher. Le fait que Ben Seddrine ait présenté le rapport annuel de l'Instance à Rached Ghannouchi avant de le présenter aux trois présidences veut beaucoup dire. Cette perte de légitimité a fait que les faiseurs d'opinion et les personnes influentes du pays ont préféré se retirer des séances. La cerise sur le gâteau était, bien-sûr, l'absence des trois présidents et on ne peut pas dire que, bien qu'ils soient tous les trois Nidaïstes, à part le chef de l'Etat qui faisait partie de l'ancien régime jusqu'en 1992, ils sont de connivence avec le système de Ben Ali. On a un puceau, qui est le chef du gouvernement, et on a un vieux de la vielle qui n'a jamais collaboré avec Ben Ali, qui est Mohamed Ennaceur. Donc, l'absence des trois présidents et d'une grande majorité des figures de la société civile constitue un aveu quasiment express sur la non-adhésion de ces personnes au sujet du processus actuel de la justice transitionnelle.
-Le verdict du non-lieu prononcé dans l'affaire de l'assassinat de Lotfi Naguedh a empiré la crise de confiance entre l'opinion publique et l'appareil juridictionnel. L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a annoncé son soutien aux juges qui ont traité l'affaire et a accusé tous ceux qui ont critiqué le verdict de vouloir porter atteinte à l'indépendance de la Justice. Qu'en pensez-vous ?
En tant que juge et je parle à mon nom, j'ai toujours prononcé des jugements en mon âme et conscience sur la base des lois formelles qui, si elles sont iniques, sont humanisées par une dose d'équité.Ma jurisprudence et mon point-de-vue en termes de Droit n'ont jamais changé. Le 14 janvier, j'ai été devant le ministère de l'Intérieur, le lundi d'après, nous avons organisé la première réunion avec nos dirigeants de l'Association au sein du Tribunal administratif à 9h30. Par ailleurs, j'ai été le dernier à prendre le micro lors du putsch, le 3 juillet 2005, pour dénoncer un tel acte illégal et illégitime. Donc, personne ne peut faire de surenchère sur mon compte. Si je n'ai pas été banni ou dispersé sur une autre région de la République c'est parce que nous n'avons qu'un seul Tribunal administratif basé à Tunis. La différence après la révolution c'est que j'ai la parole libre et que cette parole là, c'est mon peuple qui en était l'unique auteur, je ne dois cela à personne. Vers le 21, nous avons récupéré le local de l'Association. A partir du 22, j'ai commencé à noter des événements louches entre nos dirigeants historiques et le ministère. Vers le 29, il y avait un acte fondateur de la Commission de la défense de la révolution avec tous les partis politiques et j'ai été surpris de voir notre Association signer avec des partis politiques contre d'autres partis qui étaient dans le gouvernement notamment Al Tajdid et le PDP. C'est là qu'ont commencé les déviations et les inclinaisons politiques. On a demandé la tenue d'un congrès refondateur, nos dirigeants historiques, en alliance avec les auteurs du putsch, ont refusé, un certain mars 2011, dans l'Assemblée qui a réuni le plus de juges, ils étaient plus que mille à Tunis. L'été 2011, l'Association a demandé l'épuration des juges corrompus de l'appareil juridictionnel. Après avoir créé une commission, l'Association a arrêté une liste comprenant trois cent juges soit, à l'époque, plus que 15% des juges judiciaires. Presque personne n'a été renvoyé sauf les 78 de Bhiri, dont une bonne partie a repris ses fonctions. De là a commencé les chantages et l'instrumentalisation des juges corrompus dans les actes et objectifs des dirigeants historiques de l'Association.
Lorsque , à cette époque, j'ai dénoncé la corruption existante dans le secteur, tout le monde, et surtout l'Association, se sont dressés contre moi. C'est seulement maintenant qu'ils avouent que cette corruption existe, ce qui explique la lenteur et les dysfonctionnements manifestes dans beaucoup de dossiers notamment ceux d'Abdelfattah Amor, l'affaire de Siliana, les assassinats politiques et l'agression contre le local de l'UGTT du 4 décembre. Maintenant qu'ils ont perdu une bonne partie des élections du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), ils avouent enfin qu'Ennahdha a pris mille fonctions (l'interview d'Ahmed Rahmouni à Ekher Khabar) et que c'est la partie corrompue de l'ancien régime, qui survit toujours dans l'appareil, qui a été l'auteure du putsch de 2005. La justice a perdu la confiance de l'opinion publique et la mienne aussi. Je vous donne deux exemples : le premier, c'est lorsque nous, juges administratifs syndicalistes, avons boycotté le conseil supérieur de la justice administrative sur la base du fait que cela fonctionne encore avec les lois du despotisme corrompu présidé par le pouvoir exécutif. On a actionné une procédure disciplinaire à notre encontre clairement encouragée par l'AMT qui avait tenu une conférence de presse dédiée à cet effet. Le deuxième exemple, réside en les deux affaires qui ont beaucoup secoué l'opinion publique ; l'affaire de Tozeur et celle de Kairouan. Cette dernière a donné, dans des délais scandinaves, une peine complémentaire qui se résume en un bannissement de la ville en question alors que cette sanction est illégale parce qu'elle n'est pas prévue par le Code pénal. L'AMT et sa présidente ont défendu ce verdict. La deuxième, qui est celle de Tozeur, a donné un abus manifeste du juge sur un petit fonctionnaire. Yadh Ben Achour l'a dit depuis 2012 ; on est incrédule devant une justice à deux vitesses. Nous avons des jugements qui sont liquidés en première instance et en appel en quelques mois et d'autres qui durent pendant des années. Le verdict de Kairouan nous laisse déduire qu'il existe une arrière pensée idéologique de la part du juge qui a prononcé la peine complémentaire ; ce jugement est très révélateur. A chaque coup, même s'il y a une catastrophe, il n'y a que l'AMT qui sort pour défendre ce genre de verdict. Ce corporatisme, qui est un syndicalisme dévoyé, nuit beaucoup à la société qui en souffre. Pour revenir à votre question, un juge, pour passer de sa position légale à sa position légitime, doit, d'une façon ou d'une autre, permettre à la société civile, aux acteurs politiques et aux hommes de Droit, de débattre de ses verdicts. Si toi en tant que juge, tu as émis un jugement en ton âme et conscience, bien fondé surtout lorsque tu sais que c'est une affaire qui divise l'opinion publique, tu dois défendre ton verdict et, si tu réussis à le faire, je peux te dire que tu es à même de prendre la parole en public et de défendre ton jugement ! Moi je l'ai fais dans deux affaires ; la première c'était lors des élections du 23 octobre 2011 lorsque l'ISIE a repris cinq sièges à Al Aridha (actuel Courant de l'amour). Nous avons permis à Al Aridha de récupérer ses sièges et j'étais sorti défendre mon verdict le lendemain sur Nessma. J'avais tout dit et personne n'a pu me répondre bien que, sur le même plateau, les avocats des deux parties étaient présents. La seconde fois c'était lorsque nous étions en crise frontale avec l'ANC – et là je rappelle que les dirigeants d'Ennahdha qui disent aujourd'hui qu'ils n'oseront jamais critiquer les verdicts de la Justice qu'ils nous avaient eux mêmes lynchés au cours de cette affaire. Rached Ghannouchi avait dit ‘le Tribunal administratif est en train de paralyser la marche de la transition démocratique' – et que j'étais sorti sur tous les plateaux défendre nos positions sur l'ISIE et sur les primes des parlementaires. Donc, morale de l'histoire, ma liberté d'expression en tant que juge et en tant que citoyen est totale et je ne vois aucune objection à ce que les verdicts soient discutés à condition, bien-sûr, de ne pas diffamer les personnes et d'avoir un minimum de culture juridique.
-Pensez-vous que le CSM représente une lueur d'espoir dans tout ce chaos que vit l'appareil juridictionnel ?
Le CSM provisoire de la justice judiciaire, selon l'article 148 paragraphe 8, continue ses fonctions jusqu'à l'achèvement de la composition du CSM. Donc, le fait d'avancer quelques nominations est manifestement anticonstitutionnel. C'est le dernier soupir avant la mort de ce Conseil provisoire qui est en rapport organique avec l'AMT ; ils veulent changer la composition du CSM.
J'ai toujours dit qu'en vertu de la Constitution, notre CSM a plus de pouvoir que le CSM français. Une fois qu'il sera mis sur pied, j'y serai, sauf si on me fait un sale coup, malgré moi, en tant que membre ès-qualité. J'espère que le chef du gouvernement ne validera pas les propositions de nomination du Conseil provisoire et que le CSM prenne ses fonctions dans les plus brefs délais. Une fois l'achèvement de la composition, qui est, juridiquement, achevée le 14 novembre (quand les résultats définitifs ont été annoncés par l'ISIE), fait, le Conseil provisoire fonctionnera comme un gouvernement de gestion des affaires courantes. Après le serment et la tenue de sa première séance, il aura plein de pouvoirs pour devenir un acteur déterminant et décisif dans l'organisation de la justice avec ses trois ordres. Normalement, il ne va y avoir que des syndicats pour discuter des conditions de travail et, surtout, pour arriver autant que possible à assoir une vie de salaire indépendante. C'est l'un des critères de l'indépendance de la justice dans le monde surtout quand on sait que le juge tunisien est à peu près classé 200/201 pays. Je crois qu'il n'y a que le Bangladesh qui est derrière nous. L'AMT, qui est en perte manifeste de sa légitimité, deviendrait une espèce de mutuelle. Il s'agit d'une courbe historique contre laquelle personne ne peut rien. J'étais en France avec des syndicalistes qui m'ont expliqué qu'il s'agit de la même trajectoire que celle qu'a connue la France.
-L'impunité dans laquelle baigne le pays est-elle une conséquence directe de l'état des lieux actuel de la Justice ?
Avec la légitimité historique de notre Association, on aurait dû être, comme l'est l'UGTT, la locomotive de la société civile. On a raté cette occasion historique. Si on avait bien géré notre Association, il n'y aurait pas eu un Quartet du prix Nobel.
Pour l'impunité, la clé de la prison, c'est le juge ! Notre rôle, c'est le rôle final, décisif et cardinal et on a été hors du coup. Quand il y a un excès du corporatisme, il n'y a plus d'autocritique. Il existe plusieurs autres facteurs qui entrent en compte, c'est vrai, mais le corporatisme est un fait. Ces dysfonctionnements manifestes et cette justice à deux vitesses représentent des signes cliniques et pathologiques scandalisant et scandaleux d'une impunité devant la justice et le premier responsable, qui ne peut être que proportionnel au pouvoir de décision, c'est nous les juges. Nous avons trahi notre peuple et nous avons trahi un slogan qu'ont a scandé le 12 février 2011: à bas la justice du pouvoir et vive celle du peuple.
- Cette dernière question n'était pas programmée mais comme vous avez ici un stylo de Hzzeb Ettahrrir, on voudrait bien avoir votre avis sur ce parti contesté par plusieurs.
Je n'assiste jamais aux activités politiques même celles des partis desquels je me sens proche. J'ai mes convictions et mon background politique. Je suis politisé de par ma formation et de par ma famille qui a toujours été intéressée par la chose publique. Quand je vais voter, je ne tire pas au sort ! Néanmoins, je n'ai jamais été lié organiquement, depuis ma naissance, à aucun parti politique et cela serait difficile que je le fasse après ma retraite. Je suis pour l'Etat civil, pour l'Etat de droit, je suis progressiste et social.
Ce sont mes convictions politiques. Toutefois, quand je suis dans la rue, je rencontre et je discute avec tous ceux qui veulent bien venir me parler. Lorsque j'entre au Tribunal, je mets à côté toutes mes convictions politiques et je deviens juge. C'est ce qui m'a un peu permis de bénéficier d'une certaine crédibilité qui a été reconnue même par Ennahdha.
L'AMT m'a attaqué sur ces points et ses dirigeants ont même assuré, à la veille des élections de 2014, que je ne devrais pas être membre du Conseil électoral parce qu' « il a des inclinaisons politiques évidentes et prononcées » . A l'époque, certains dirigeants d'Ennahdha m'ont contacté pour m'exprimer leur confiance. Quand j'entre ici, je deviens juge pour tout le monde et tous ceux qui frappent à ma porte sont les bienvenus. Je suis au service public et ceux qui viennent me voir sont des justiciables contribuables et c'est eux qui paient des impôts et qui me paient donc mon salaire.
S.B


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