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Sophie Bessis: L'alliance du cynisme et de la cécité occidentale ouvre les portes à l'abîme en Israël
Publié dans Leaders le 10 - 02 - 2023

L'escalade de la violence est prévisible, d'autant qu'à l'approbation de la colonisation par la majorité des Israéliens s'ajoute le silence des gouvernements occidentaux devant la dérive extrémiste de Benyamin Nétanyahou, analyse l'historienne et politiste dans une Opinion publiée au journal Le Monde qui a autorisé Leaders à la reprendre .
Ce qui devait arriver est arrivé. Au déchaînement de la répression et des exactions de l'armée israélienne dans les territoires occupés depuis l'arrivée au gouvernement de la coalition des extrêmes droites racistes, suprémacistes et ultrareligieuses a répondu, au soir du 27 janvier, la sanglante attaque d'une synagogue dans une colonie de la banlieue de Jérusalem, suivie d'autres tentatives d'agression de colons israéliens.
L'engrenage était prévisible. D'un côté, les provocations délibérées de ministres israéliens pressés de montrer aux Palestiniens de quel côté se situe la force, de l'autre la montée d'un désespoir mortifère devant la dégradation des conditions de vie en Cisjordanie et l'absence de toute perspective de paix dans la justice ont conduit à l'explosion actuelle. Si rien n'est fait, elle risque de prendre des proportions que nul ne parviendra à contenir.
Or, rien ne sera fait, pour plusieurs raisons. La première est l'ancrage solide et durable de l'extrême droite dans l'opinion israélienne, quelle que soit l'ampleur des manifestations contre l'actuel gouvernement. Car l'origine de cet ancrage réside dans la politique menée depuis plus de cinquante ans par l'Etat hébreu pour soumettre une population qui refuse d'être réduite à une sous-humanité que l'on peut spolier et humilier à loisir. «Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre», a jadis écrit Marx. L'approbation explicite ou tacite de la majorité de la société israélienne à l'égard de l'entreprise de colonisation a ouvert un boulevard à ses franges les plus extrémistes devenues au fil des décennies majoritaires. Le peuple israélien est aujourd'hui sous la coupe de ces dernières, comme il a sciemment placé sous sa coupe les millions de Palestiniens des territoires conquis en 1967. Les protestations de ses démocrates contre l'installation au pouvoir d'une sorte de théocratie militaire ne serviront à rien s'ils ne font pas le lien avec ce à quoi ils consentent depuis si longtemps de l'autre côté de la «ligne verte».
Lâcheté et aveuglement
Une autre raison de l'explosion réside dans le silence des gouvernements occidentaux devant la dérive extrémiste de l'actuel gouvernement israélien. Pas un mot n'a été prononcé dans leurs capitales contre les morts quotidiennes, sous les balles de Tsahal, de civils palestiniens, y compris d'enfants et de vieillards. Lors du vote de la dernière résolution de l'Assemblée générale des Nations unies, pourtant juridiquement non contraignante, contre la poursuite de la colonisation illégale de la Cisjordanie, la France s'est abstenue, donnant de la sorte son feu vert à cette violation caractérisée des décisions internationales. Pire, le président de la République Emmanuel Macron a reçu quelques semaines plus tard le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou avec tous les honneurs, sans même évoquer ce que son gouvernement fait subir aux Palestiniens.
Du côté américain, en déplorant à juste titre la mort de fidèles israéliens lors de la tuerie du 27 janvier près d'une synagogue à Jérusalem Est, le président Joe Biden a osé parler d'attaque «contre le monde civilisé», comme si les morts palestiniens ne faisaient pas partie de ce monde. A cette aune, et vu la fréquence des crimes de masse commis sur leur territoire, il y a longtemps que les Etats Unis en sont sortis. Une fois de plus, les dirigeants d'Europe et d'Amérique du Nord, pressés de dénoncer quand cela leur convient les atteintes à l'Etat de droit et prétendant défendre les valeurs dont ils se réclament usent de ce scandaleux double standard qui rend inaudible sur le reste du globe leurs déclarations. J'ai fait partie de ceux qui ont immédiatement condamné l'agression russe contre l'Ukraine et qui savent le danger que représente l'impérialisme poutinien.
Mais il faut être conséquent : si l'on dénonce ici une invasion et une occupation, il convient pour le moins de ne pas fermer les yeux sur d'autres invasions et d'autres occupations. Or, non seulement l'Occident ne veut pas voir celle de la Cisjordanie, de Gaza, de Jérusalem-Est et du Golan, mais il l'encourage par son indulgence sans limites vis-à-vis de la politique israélienne.
Tout le monde, in fine, paiera les conséquences de cette lâcheté et de cet aveuglement, les Palestiniens au premier chef, qui continueront de subir les assauts destructeurs des soldats d'occupation, mais aussi les Israéliens et leur Etat lui même, qui ne pourra durer ad aeternam grâce au seul ciment de la guerre, et les juifs du monde entier risquant d'être victimes de ceux qui confondent la nécessaire critique du sionisme et de ses dérives avec l'intolérable antisémitisme.
Aujourd'hui, les Palestiniens sont seuls. Les Etats arabes les ont abandonnés après avoir instrumentalisé leur lutte pour leurs besoins ou leurs intérêts. Outre leurs calculs stratégiques de court terme, les Occidentaux restent quant à eux tétanisés par leur désir de faire oublier que l'antijudaïsme a été l'un des constituants de la culture européenne jusqu'au délire génocidaire nazi, et croient que l'impunité dont bénéficie de leur part la pire des politiques israéliennes peut les exonérer des crimes du passé. L'alliance du cynisme des uns et de la cécité des autres ouvre les portes à l'abîme. Il n'y a plus moyen de mettre fin à cette tragédie sans reconnaître, quel qu'en soit le prix, que tout le monde a fait jusqu'ici fausse route.
Sophie Bessis
Historienne et politiste.
Dernier ouvrage paru: «Je vous écris d'une autre rive. Lettre à Hannah Arendt» (Elyzad 2021)
Le Monde 9 février 2023


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