Lors d'une séance extraordinaire tenue par la commission des finances, de la planification et du développement, les députés ont auditionné un certain nombre de hauts responsables dans la douane tunisienne, le représentant du ministère de la Justice ainsi que la secrétaire d'Etat auprès du ministre des Finances Boutheïna Ben Yaghlane, sur l'épineuse question de la contrebande qui gangrène l'économie tunisienne. A l'occasion, les députés se sont montrés particulièrement préoccupés par la situation et en quête de solutions urgentes pour endiguer le phénomène. Le député Anwar Laâdhar (Afek Tounes) considère que l'affaire du dépôt de feux d'artifices de Sfax n'est que la partie émergée de l'iceberg. Selon lui, elle ne représente que 5% de la corruption qui règne dans le pays. « Si l'Etat arrive à contenir la corruption et la contrebande, il gagnerait 10 mille millions de dinars par an en recettes fiscales », dit-il. L'élu du même parti Hafedh Zouari lui donne un chiffre en guise d'indice de la corruption. C'est celui des véhicules importés dont près de 32% seraient issus de la contrebande. Puis, le mot est lâché : « Les contrebandiers ont réussi à former un Etat à l'intérieur de l'Etat », conclut le député. L'élu du Front populaire Aymen Aloui renchérit en mettant en évidence un combat entre « un Etat et un Etat parallèle ». Le frontiste ne s'arrête pas là, il dénonce des collusions entre les détenteurs de postes clés à la douane et les contrebandiers. « Face à cette situation, dit-il, il n'existe aucune volonté de réforme de la part des gouvernements successifs ». Le député Mohamed Ben Salem (Ennahdha) a estimé que le terme de « contrebande » perd son sens lorsqu'il dépasse les 50%. « La contrebande revêt un aspect anonyme, mais lorsqu'il dépasse l'économie officielle, je doute qu'il soit véritablement anonyme », a-t-il déclaré. Le vice-président de la commission Mohsen Hassen (Union patriotique libre) a affirmé qu'il existe « une étroite relation entre corruption, contrebande et terrorisme ». Comment y faire face ? Côté solution, la députée Fatma Mseddi (Nida Tounès) a appelé à la création de la « haute commission de lutte contre la corruption ». Elle demande également à ce que les agents de la douane qui travaillent dans le port soient soumis à « la déclaration obligatoire de leurs biens ». Le député Mehdi Ben Gharbia (Alliance démocratique) et son collègue d'Ennahdha Mohamed Ben Salem plaident, quant à eux, pour un assouplissement des taxes douanières afin d'inciter les gens à passer par les circuits légaux. La secrétaire d'Etat à la Finance, Boutheïna Ben Yaghlane, tout comme le reste des représentants de l'Etat et de la douane, est restée très superficielle et ne s'est pas attaquée au fond des choses. Pour elle, le combat contre la contrebande est un combat que le gouvernement ne peut pas gagner seul, « même si, dit-elle, nous allons engager des mesures urgentes pour limiter son impact ». Elle admet néanmoins que des dysfonctionnements existent au niveau de la gestion des postes frontaliers de la douane et dans le système de gestion des ressources humaines. Un système qui, selon elle, favorise l'installation de certaines pratiques douteuses telles que les « pot-de-vin ». Le directeur général de la douane a également avoué que la situation était intenable au port de Radès, avec plus de 1.200 containers dont on ne connaît « ni le propriétaire, ni le contenu ». « La contrebande est un phénomène mondial que nous tentons de combattre par tous les moyens, explique le directeur général de la douane. Nous avons commencé à équipier les régions frontalières de caméras de surveillance ». Il annonce par ailleurs que la douane a vendu une marchandise saisie et a pu récupérer ainsi 13 millions de dinars.