Plus que deux semaines pour profiter de l'amnistie des pénalités de retard accordée par la Cnss aux employeurs mauvais payeurs. La Caisse a récupéré 20 MD depuis septembre 2014. Le décret n°2014-2919 du 15 août 2014, portant remise totale et automatique des pénalités de retard, stipule que l'amnistie fait « bénéficier les personnes affiliées à la Cnss et qui lui sont débitrices d'une remise totale et automatique des montants des pénalités de retard (dues à la Caisse) au titre des régimes de sécurité sociale et du régime de réparation des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que les pénalités de retard exigées en cas de non-déclaration de la totalité des salaires et celles en cas de dépassement de la période d'exigibilité, au titre des trimestres écoulés et dans la limite du deuxième trimestre de l'année 2014». Toutefois, la Cnss a fixé deux conditions pour pouvoir bénéficier de cette amnistie. Les employeurs ont été appelés, par voie de communiqués diffusés dans les médias, à payer la totalité du principal de la dette et dans un délai ne dépassant pas le 31 décembre 2014. Enjeu de 800 MD recouvrables L'opportunité est à saisir sans hésiter. Car, outre le fait que l'amnistie permet à l'employeur d'épargner beaucoup d'argent, le paiement des cotisations à la Cnss demeure un devoir pour l'employeur et un droit de l'assuré social. L'aubaine est substantielle pour les employeurs dans la mesure où les pénalités peuvent atteindre jusqu'à 30% du principal de la dette, voire 100% dans certains cas. Par ailleurs, pour certains employeurs, les dettes sont très anciennes, elles remonteraient aux années 90. Leur ardoise n'a jamais été effacée bien que la Cnss ait introduit quatre précédentes amnisties (1987, 1996, 2007 et 2011), soit une amnistie tous les dix ans. Pour la Caisse, l'enjeu est de 800 MD en créances principales et presque autant en pénalités. Exceptionnellement, la Caisse nationale de sécurité sociale a introduit une amnistie cette année (2014), en l'intervalle d'à peine trois ans, en raison de la conjoncture économique difficile du pays et la situation de crise dans laquelle se trouvent un grand nombre d'entreprises publiques et privées et certains secteurs économiques carrément sinistrés, comme c'est le cas du tourisme. La Cnss elle-même se trouve dans une situation globalement critique (72 MD de déficit en 2014), la plupart des régimes (retraite, soins, crédit) étant en souffrance. La récupération de ces fonds est par conséquent vitale pour la Caisse, même si son PDG, M. Rchid Barouni, affirme que « la situation est pour le moment sous contrôle». Mais pour combien de temps ? «Un à deux ans dans la mesure où le déficit global (tous régimes confondus) se situe à environ 90 à 100 MD et que les réserves sont aux alentours de mille MD», précise le premier responsable de la Caisse. 300 contrôleurs pour 120 mille employeurs «Le rôle de la Cnss consiste à préserver les droits des assurés sociaux», assure encore M. Barouni. D'où le recours aux amnisties, un recours stratégique qui permet de réduire les tensions entre employeurs et salariés, et entre employeurs et Cnss, sans oublier les partenaires sociaux dont l'intervention est incontournable en cas de crise. Mais encore, de pallier une insuffisance : le manque de contrôleurs dont la tâche consiste à dénicher les sous-déclarations, les sous-affiliations et les sous-cotisations. « Difficile pour la Caisse qui compte à peine 300 contrôleurs pour 120 mille employeurs», affirme Mme Leïla Naija, directrice du recouvrement et du contrôle. «Si on arrive à contrôler 10% des employeurs, c'est déjà bien », estime-t-elle. Le manque des contrôleurs n'est pas une omission de la part de l'administration de la Caisse, il serait dû au fait qu'avant 2011, la Cnss était un acteur dans le développement, un investisseur aux côtés de l'Etat, si bien que la Caisse a réussi à devenir excédentaire entre 2009 et 2010 et à éponger un déficit qui a atteint 111 MD en 2006. Mais après les événements de la révolution, la mise en difficulté des entreprises, publiques et privées, et les obstacles rencontrés au niveau du recouvrement, une amnistie a été décidée en 2011. Actuellement, «le besoin en contrôleurs se fait réellement sentir», explique Mme Naija. De même qu'une autre amnistie maintenant, après à peine trois ans. Engagements de 60 à 70 échéanciers «Ce n'est qu'à partir du mois d'octobre dernier que les choses ont commencé à bouger, soutiennent les collaborateurs de M. Barouni, qui prévoient une plus grande activité les prochains jours. A ce jour, la Cnss n'a pu récupérer que 20 MD au titre de paiement du principal de la dette dans le cadre de cette amnistie et on espère à la Cnss que les prochains jours, avant le 31 décembre, seront plus fructueux. Par ailleurs, 50 MD ont été effacés au titre de pénalités après paiement du principal. M. Barouni et son staff ne cachent tout de même pas la satisfaction de révéler un taux global de recouvrement de 93% actuellement. De même que des engagements d'échéanciers (jusqu ‘à 36 mois) et de facilités de paiement ont été pris avec la plupart des entreprises publiques et privées. En chiffres, cela donne 60 à 70 échéanciers pour des dettes de moins de 1 MD. Pour le secteur de l'hôtellerie, en grande difficulté, l'amnistie adoptée est ciblée et repose sur un échéancier étalé sur 7 ans avec une avance de 5% de la dette. Respecter les échéanciers Selon le directeur des études et du contrôle de gestion à la Cnss, «dans le domaine de la sécurité sociale, il n'y a pas de prescription, la dette est maintenue même après la cessation de l'activité». Et d'ajouter : «Les échéanciers doivent être respectés ; au bout de deux mois de non-paiement, l'employeur perd tous les avantages». La Cnss sera en difficulté pour de nombreuses années encore. Ce pourquoi, la réflexion est engagée sur de nouvelles pistes pour dénicher de nouvelles sources de financement. Le recul de l'âge de la retraite est une option probable, mais pas l'augmentation des cotisations. «Les solutions devront être trouvées dans le cadre d'une réforme globale et suite à des concertations avec tous les partenaires ; la couverture sociale a plus de 50 ans en Tunisie, elle est arrivée à maturité, il est temps de lui faire lifting », indique le PDG de la Cnss.