C'est avec une grande émotion et une profonde tristesse que la famille médiatique a appris hier la disparition de deux grands journalistes : Adel Rabeh Rochdi et Abderraouf Mkademi. Dar Al Anouar et l'agence TAP, auxquelles appartenaient les défunts, sont en deuil. Hier, Mehdi Jomâa, chef du gouvernement, a salué la mémoire de ces deux grands journalistes et a adressé à leurs familles, à leurs proches et à leurs collègues ses plus sincères condoléances. Adel Rochdi, affable et courtois Le premier, Adel Rochdi, dont on a porté hier avec un cœur meurtri la dépouille jusqu'à sa dernière demeure, fut un journaliste exemplaire. Rédacteur en chef, par la qualité de son travail, au sein de l'agence Tunis-Afrique Presse, il a contribué à valoriser l'activité des Desks international, sport et régional et à affirmer la place des agenciers sur la scène médiatique. Sa passion pour le journalisme, sa curiosité insatiable et son exigence pour l'information manqueront à l'agence TAP qui était sa vie même. Je l'ai connu au début des années 90. Pendant les errements de notre jeunesse. On avait des affinités politiques proches et le même cercle d'amis, ce qui nous lia d'amitié rapidement. Il venait de finir ses études en droit qu'il avait effectuées en France mais avait la flamme du journalisme dans le sang au point de changer son fusil d'épaule et de préférer la plume à la robe noire. Le journalisme coulait dans ses veines, son père Rabeh Rochdi était à l'époque un journaliste à la TAP. Il était un homme généreux, un porte-voix des sans-voix, un jusqu'au-boutiste dans la défense des droits de ses collègues quand il fut élu secrétaire général du syndicat de base de l'agence TAP. Membre du Fonds de solidarité des journalistes tunisiens, il avait toujours le cœur sur la main. Jovial, courtois, serviable et sociable, il savait créer une atmosphère conviviale, propice au travail en équipe. Il prenait la vie du bon côté et la banalisait souvent. La dernière fois où je l'ai croisé à la rue de Marseille, il venait de terminer sa vacation à l'agence de presse turque, Andoulu, où il est allé chercher le début d'une nouvelle carrière. Il m'a parlé de son rêve d'aller travailler à Ankara. Il était épanoui mais un peu épuisé. Il m'a promis de passer prendre un café dès que possible, car il avait hâte de rentrer voir ses filles. C'était un bon père, un bon mari, un grand ami, une plume rare. Sa mort est pour nous une leçon de vie, un enseignement. Il laisse derrière lui une veuve, notre collègue Kalthoum Ben Aljia, et deux filles Yosra et Siwar, mais beaucoup d'orphelins: ses amis. Parmi eux je cite deux dont les larmes ont abondamment arrosé sa tombe hier : Abdelkarim Jouadi et Khemaïs Krimi. Les autres aussi le regrettent. Avec sa disparition, une page glorieuse de mémorables hauts faits vont gagner en valeur, auprès de ses amis et de ses collègues journalistes. Ils se rappelleront tous de son éducation, de sa grande culture, de son altruisme, de sa bonté, de son courage et de son patriotisme qui ne lui permettaient pas d'agir autrement que selon ce que lui commandaient ces valeurs intrinsèques qu'il véhiculait depuis sa prime jeunesse. Il part mais laisse un précieux héritage fait de sacrifices et de dévouement pendant de longues années, faisant de lui un symbole de patriotisme et de professionnalisme. Repose en paix cher ami et collègue, un repos bien mérité après une vie menée au pas de charge. Une vie bien remplie doublée d'un rythme effrénée. Raouf Mkademi, un journaliste d'exception Mais notre peine est double, notre chagrin est grand. Car, le deuxième journaliste décédé hier n'est autre que Abderraouf Mkaddemi. Le parcours de ce rédacteur en chef du journal Echourouk est tellement dense et riche qu'il serait difficile d'en énumérer les faits saillants. Personnellement, je l'ai connu sur les bancs de l'Ipsi. Au temps où il aimait le reggae et admirait le Che. Chantre du patriotisme et de la résistance panarabe, il aspirait à la liberté, à la dignité et semait à tous vents la graine de l'espoir et nourrissait l'esprit de la résistance et la foi en sa cause, en toutes circonstances et épreuves. A côté d'un destin exceptionnel, ce grand journaliste, que feu Slaheddine El Amri avec son flair infaillible a vite repéré et intégré dans son équipe, a su faire preuve d'une indépendance d'esprit, d'une volonté et d'une dignité exceptionnelles. Homme de conviction, Abderraouf n'a jamais mis un mouchoir sur ses opinions. Il n'acceptait pas la raison d'Etat comme règle absolue et il se faisait sûrement entendre. Facilement repérable par son couvre-chef de type européen et son chapelet à la main, Abderraouf est un homme humble qui n'aimait pas trop le bavardage. Comme un mystique, il peut rester seul pendant des heures et observer un silence liturgique. Il aimait observer les gens. Contempler les scènes de la vie quotidienne. Grâce à la force de sa plume et à la magnificence de ses écrits, chacune de ses chroniques provoquait l'émerveillement. Avec sa disparition, Dar Al Anwar perd un rédacteur en chef charismatique, à la démarche indépendante et à la personnalité singulière. Il aura marqué son époque, et plusieurs générations de journalistes. En l'inhumant aujourd'hui, ses collègues se rappelleront du vétéran de la plume tunisienne qui portait en lui tant d'espérances pour le journalisme et pour les journalistes. Un homme qui avait des qualités exceptionnelles dans tous les domaines : un patriote dévoué, un homme consciencieux dans son travail, passionné et qui était d'un niveau culturel très élevé. Avec ce double décès, la Tunisie a perdu deux grandes figures médiatiques qui ont quitté très tôt la vie. Certes, la vie n'aura duré pour eux qu'un instant mais l'amour qu'on porte pour eux est éternel. La Presse s'associe au deuil de leurs familles, de celui de ses collègues à l'agence TAP, à Dar Al Awar, à l'agence Andoulu, de ses camarades au Syndicat national des journalistes tunisiens et de ses confrères au Fonds de solidarité des journalistes tunisiens, et prient Dieu le Tout-Puissant d'accueillir dans Son infini Paradis les défunts.