Les Tunisiens établis à l'étranger ont eux aussi plus ou moins participé au grand rendez-vous démocratique de cette fin octobre 2014, les élections législatives. Les premières de la seconde République. Ci-après des témoignages collectés en urgence par voie électronique auprès de quatre de nos compatriotes, en Chine, en Côte d'Ivoire et en Suisse (voir ci-contre d'autres informations pour la France) Pékin en Chine — Khawla Jebri Cherif, présidente du bureau de vote : Un problème d'inscription sur les listes électorales A Pékin, en Chine, l'on déplore seulement une faible participation au scrutin, où une vingtaine de Tunisiens, dont cinq femmes et plusieurs étudiants, ont voté sur les 102 inscrits. Soit un taux de moins de 20 %. Sachant que près de 300 de nos compatriotes vivent actuellement au pays de Confucius. Un fait dû en grande partie à de mauvaises surprise côté inscriptions sur les listes électorales. Fait marquant et non moins à louer, certains votants sont venus du sud du pays et ont dû faire au moins trois heures de vol rien qu'à l'aller C'est en tout cas ce que nous a révélé Mme Khawla Jebri Cherif, présidente du bureau de vote, contactée par courrier électronique. Le bureau ayant élu domicile au sein de l'ambassade dans la capitale chinoise. Le scrutin, qui s'est étalé sur trois jours, soit depuis vendredi et jusqu'à hier, s'est déroulé sans anicroche, nous a assuré la responsable qui était assistée de deux membres. A la différence des élections de 2011, les Tunisiens résidant en Chine n'ont eu cette fois- ci droit qu'à un seul bureau bureau, celui à Pékin. Le second, celui de Hong Kong, ouvert en 2011, n'ayant pas pu cette fois-ci offrir ses services faute de nombre suffisant de votants. Encore un détail, la présidente du bureau et ses assistants n'ont été informés de leur désignation que la veille du scrutin. Pourtant, Jebri Cherif a déposé sa candidature pour la mission en août dernier. Curieux n'est-ce pas? «Heureusement que j'ai joué ce même rôle en 2011, nous a-t-elle confié avant d'ajouter que cette expérience a permis à l'équipe de tout préparer en une demi-journée. Abidjan en Cote d'Ivoire — Chawki Chahed, fonctionnaire international : «La fierté de rentrer dans un bureau de vote» (...) J'ai pris toutes mes précautions pour que mon vote, à l'étranger, se déroule sans accroc. Muté à Abidjan en juillet 2014, j'avais mis un point d'honneur à procéder sans délai au changement de ma domiciliation électorale. L'opération s'était déroulée en une minute, pas plus. D'autres amis ont pu changer leur domiciliation électorale en Tunisie pendant les vacances estivales. Je me félicite aujourd'hui de cette précaution. Un sentiment qui a été exacerbé par les événements d'Oued Ellil, qui ont décidé les derniers indécis à voter. Vote utile ou pas, peu importe: l'essentiel est que les événements d'Oued Ellil ont provoqué un électrochoc chez beaucoup de Tunisiens en leur faisant prendre conscience de l'importance de dire non au terrorisme. Dire non tout simplement en votant. En votant massivement. En ne renonçant pas à leurs droits civiques. En disant haut et fort, à travers le bulletin de vote et l'urne, que les différends, les divergences de vue, les conceptions radicalement opposées de la société et de nos choix économiques pour l'avenir ne peuvent passer que par un seul canal: l'exercice de la démocratie. Malheureusement, beaucoup de mes amis qui comme moi se sont installés récemment à Abidjan n'ont pas éprouvé la même satisfaction. Le plus grand nombre n'a pas songé à temps à changer son adresse électorale. La communauté tunisienne établie à Abidjan n'est pas importante, tout au plus un demi-millier de personnes. Mais si l'enjeu n'est donc pas considérable, les procédures de changement de circonscription auraient pu être assouplies pour les Tunisiens résidant à l'étranger. Comme il doit y avoir en tout et pour tout quelque 300 électeurs tunisiens à Abidjan, il n'y avait pas à l'ambassade la foule que les centres de vote connaissent dans d'autres pays. Le passage à l'ambassade était donc fluide. Y a-t-il eu des infractions? Je ne le sais pas, je n'en ai pas vu lors de mon passage. Et quand bien même j'aurais vu, je ne suis pas en position de les identifier. Peut-on par exemple utiliser son propre stylo pour remplir le bulletin de vote ou faut-il utiliser le stylo disponible dans l'isoloir? Allez savoir! En revanche, ce que je retiens de cette journée, c'est le sentiment du devoir accompli. La fierté aussi de rentrer dans un bureau de vote. Pour la deuxième fois de ma vie. Sans peur. Mounira Mohamed, artiste peintre — Résidente à Genève depuis décembre 1993 : Que d'embûches! (...)Le vendredi 24 octobre 2014, j'arrive vers midi 15' à l'hôtel Warwick à Genève.. A l'entrée, je croise quelques ami-e-s et connaissances à la mine un peu renfrognée ! Et l'un d'eux me lance «tu vas voter ?». Avec un sourire : «... si tu es sur la liste électorale». Je lui rends son sourire en lui disant que je me suis inscrite et j'ai vérifié auprès du Consulat et à la publication des listes. Quelle ne fut ma surprise quand la dame qui contrôle les identités me rend ma carte d'identité nationale en me disant : «Madame, vous n'êtes pas sur la liste». Je lui réponds que si, je dois y être. Elle insiste : «Voilà, j'ai vérifié sur l'ordinateur et vous n y êtes pas» et elle ajoute : «Avez-vous votre passeport sur vous ?» Je réponds par la négative. Elle me suggère soit d'aller le chercher soit de trouver quelqu'un qui pourrait me fournir le numéro de mon passeport. Là aussi, j'ai répondu par la négative. Je lui ai demandé si le bureau ne disposait pas d'autres supports de vérification. Elle me dit que oui, que c'est «manuel» et qu'elles ne ne peuvent pas le faire.... C'est vrai, elles n'étaient que trois personnes,(...). Bref, j'ai demandé à ce que les registres «manuels» soient contrôlés. Et la directrice du bureau de vote a accepté de parcourir avec moi un cahier où figurent près de 3000 noms. Après plus de 25 minutes et 2140 noms, le prénom que mes parents m'ont donné est apparu, accompagné du prénom et du nom de mon père ainsi que le nom de ma chère famille. Je reviens vers la dame qui contrôle les pièces d'identité, qui me retrouve, enfin, dans les registres «manuels» qu'elle a devant elle, qui me fait signer, me re-rend ma CIN.... Suite à cela, j'ai eu droit à ma feuille de vote quatre fois tamponnée et j'ai pu finalement non m'isoler mais isoler ma feuille ! Me retrouvant dehors, les concitoyens présents me demandent pourquoi j'ai fait si long. A ma réponse, ils me disent que mon cas n'est pas unique et que, contrairement à moi, d'autres Tunisien-ne-s à qui le bureau a annoncé l'absence de leur nom sur la liste électorale sont parti-e-s sans régir. Une personne qui figure parmi les observateurs-trices nous a rejoints à ce moment-là, a raconté ma ténacité à chercher mon inscription et a dit que jusqu'à 13 heures, elle avait compté 25 personnes qui, «sûres» d'être inscrites, sont parties sans voter. Souheil Boussoffara, tunisien en France, à genève pour une mission professionnelle : Sans véritables anicroches... en général J'ai pu faire un tour à Genève hier, question de tâter le pouls. Dimanche (hier) froid et morose, je vais dans un café billard, très fréquenté par les Tunisiens. La plupart avaient le doigt mauve et m'ont dit n'avoir rencontré aucun problème. Je vais à l'hôtel Warwick, là où l'ambassade a décidé d'établir son bureau de vote de Genève. L'hôtel est cossu, un quatre étoiles, mais le bureau est en sous sous-sol. A 17h20, il n'y avait pas grande affluence, des Tunisiens rassemblés dans un réduit, assez calmes, quelques refus de vote de la part de la secrétaire qui vérifie les papiers, mais aucun esclandre. Puis vient la file d'attente, ceinte d'un cordon rouge qui mène à la salle du scrutin, gardée par un garde Sécuritas. Interdit de prendre des photos. La salle est vaste, deux jeunes filles sur Vaio dernier modèle enregistrent, et trois urnes cartonnées en fond de salle. Je remonte à la rue où je retrouve les grands «patrons» de la communauté tunisienne. Jall, le propriétaire du café billard, activiste tunisien et genevois me donne ces chiffres : les Tunisiens genevois en âge de voter sont environ 4.500. En 2011, ils étaient 1.700 à voter sur 2.700 inscrits. Cette année, ils ne sont guère que 800 à avoir voté, ce qui n'est pas énorme. Puis la soirée s'est poursuivie au bar, y a-t-il eu des tentations de corruption à votre connaissance ? Non de tous les avis, et il y avait des gens de plusieurs tendances.