La feuille de route du Quartet subit de nouvelles interprétations donnant à Ali Laârayedh un rôle qu'il n'espérait pas. A chaque jour sa surprise ou ses déclarations autorisant toutes les interprétations possibles. A la suite de la montée en puissance, dimanche dernier, des faucons d'Ennahdha (Sahbi Attig et Abdelkrim Harouni) dont les déclarations incendiaires étaient en contradiction totale avec la position officielle de leur chef, Rached Ghannouchi, contenue dans un document écrit remis au Quartet parrain du dialogue, voilà que Néjib Chebbi, chef de l'instance politique d'Al Joumhouri, et Aziz Krichène, conseiller du président Moncef Marzouki et membre du bureau politique, du CPR, montent au créneau et livrent des déclarations aux médias. En effet, ils ont évoqué, hier, sur Radio Mosaïque, un scénario possible selon lequel le Dialogue national échouerait avant même son démarrage. En clair, ils considèrent qu'Ali Laârayedh doit publier un communiqué dans lequel il annonce la démission de son gouvernement, bien avant l'ouverture de la séance inaugurale du Dialogue national. «Au cas où Laârayedh s'obstinerait à refuser à faire cette déclaration, le dialogue national ne pourrait par débuter», estiment-ils. Ainsi, le pays entier se trouve, selon cette interprétation, suspendu à la bonne volonté de Ali Laârayedh. Quant aux membres dissidents de l'Assemblée nationale constituante dont le nombre avoisine les soixante, ils ont publié, avant-hier, une déclaration dans laquelle ils fixent leurs conditions pour retourner à l'ANC. Dans cette déclaration, on lit particulièrement : «Les constituants sit-inneurs informent l'opinion publique que leur retour à l'ANC est conditionné par l'engagement de la Troïka, en particulier Ennahdha, à exécuter effectivement et immédiatement la feuille de route, dans son intégralité.» Non aux déclarations orientées Auprès de l'Ugtt, dont le siège à la place Mohamed-Ali accueille quotidiennement les différents responsables des partis politiques en vue de régler les derniers préparatifs relatifs au démarrage du dialogue, «les choses sont claires comme l'eau de roche». «Pour nous, souligne Bouali M'barki, secrétaire adjoint de la centrale syndicale ouvrière, le dialogue national se déroulera entre les partis politiques qui y prendront part. Que Laârayedh assiste à la séance d'ouverture ou qu'il la boycotte, il sera procédé à l'annonce de l'engagement du gouvernement actuel à donner sa démission, laquelle démission deviendra effective, trois semaines après, soit avec la formation du prochain gouvernement de compétences nationales. Il faut, toutefois, rappeler que le gouvernement Laârayedh se transformera, dès le premier jour du dialogue national, en gouvernement de gestion des affaires courantes». Quant aux déclarations de Nejib Chebbi et de Aziz Krichène, «elles n'ont aucun rapport avec le contenu effectif de la feuille de route du Quartet. Elles visent plutôt à orienter le dialogue, pour ne pas dire à le saboter en imaginant des conditions que personne ne pourrait accepter». «D'ailleurs, ajoute encore M'barki, nous lançons un appel aux différents protagonistes dans l'opposition ou à la Troïka pour éviter les déclarations incendiaires et les analyses qui ne tiennent pas debout. Nous sommes en pleine phase préparatoire du dialogue et nous voulons travailler dans la sérénité et à l'écart de toute pression». La même source relève que toutes les parties qui ont soutenu le processus du dialogue y seront invitées, «à l'exception de celles qui se sont exclues d'elles-mêmes de tout dialogue». En ce qui concerne le Front national de protection de la légitimité qui aurait exprimé le désir de se joindre à la table du dialogue, Bouali M'barki confie : «Nous n'avons pas été jusqu'à présent contactés par ce front. Au cas où ils prendraient attache avec nous, nous examinerons leur demande». Laârayedh ne se rebellera pas L'Union pour la Tunisie a, de son côté, tenu, hier, la réunion ordinaire de ses secrétaires généraux (les chefs des partis formant cette alliance). Au cours de cette réunion, l'Union pour la Tunisie a fait part de sa disposition «à participer immédiatement au dialogue national, en vue de l'application de la feuille de route du Quartet avec tous ses détails». D'après une source présente à cette réunion, «il a été procédé à la discussion de la mission qui sera confiée à la prochaine équipe gouvernementale et à l'examen des mécanismes de choix des membres de ce gouvernement». Interrogée sur sa réaction à propos des déclarations de Néjib Chebbi et Aziz Krichène, notre source estime que «les interprétations qu'ils ont essayé de véhiculer n'ont pas de raison d'être». «Quant à Ali Laârayedh, je ne pense pas qu'il se rebelle contre son propre parti. Et même s'il persiste dans son entêtement, Ennahdha saura le ramener à la raison», fait remarquer notre source.