Des noms comme ceux de Mokhtar Trifi ou de Rachid Ammar circulent déjà pour une éventuelle formation gouvernementale Militant islamiste et beau parleur, Mohamed nous assure, sous un soleil de plomb, qu'il n'y a pas de crise politique, mais seulement «des divergences de points de vue». Pourtant, ce n'est pas l'impression que nous avons lorsque nous voyons les islamistes d'un côté et les forces démocratiques de l'autre se traitant mutuellement de tous les noms d'oiseau en face de l'Assemblée nationale constituante...ou ce qu'il en reste. « Le peuple est musulman et ne se rendra pas», clament les islamistes à l'adresse des sit-inneurs, suggérant ainsi que ceux qui se trouvent en face ne sont que des mécréants. Un des islamistes, portant un drapeau noir, n'hésite pas à insulter une activiste mais se fait immédiatement interpeller par la police. Du côté des sit-inneurs, la haine envers l'autre est également palpable à travers des slogans aussi extrémistes que «nous mourrons peut-être, mais nous déracinerons Ennahdha de nos terres». A 14h00 hier, policiers et manifestants des deux côtés discutent sous l'ombre de arbres de la place du Bardo et échangent leurs opinions sur la situation du pays tout en revenant sur les évènements de la nuit qui ont connu, selon tous les observateurs un usage disproportionné de la force de la part de la police. Les forces de l'ordre avaient vraisemblablement l'intention dès le départ de disperser le sit-in à la moindre occasion. Cette thèse corroborée par plusieurs témoins oculaires dont des députés, comme Noomane Fehri qui relate les faits sur sa page Facebook, est également appuyée par un policier à qui nous avons posé la question. « À partir du moment où nous avions sous notre responsabilité deux clans rivaux, notre objectif premier était de trouver le bon moment et le bon timing pour sonner la fin de la récréation pour tout le monde», nous explique-t-il, avant d'ajouter : «Il n'y a que les hommes de terrain qui apprécient le degré du danger, nous informons après coup le ministère sur la situation ». Les forces de l'ordre ont trouvé le bon timing lorsque vers 3h du matin, des individus ont jeté des pierres en direction des chapiteaux où se trouvaient les députés, et à partir de ce moment-là une pluie de bombes lacrymogènes s'est abattue sur la place, dispersant ainsi tous les présents. Selon Noomane Fehri, « il n'y a pas eu d'échanges de jets de pierres mais bel et bien une agression de la part des islamistes ». A 16h, les députés contestataires organisent un point de presse dans lequel Khemais Ksila, qui avait rencontré dans la matinée le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou en compagnie de Samir Betaieb, appuie ces déclarations en accusant les forces de l'ordre d'avoir fomenté « un complot dès 12h du matin visant à lever le sit-in par la force ». Sitin sons heurts « Le ministre de l'Intérieur que nous avons trouvé très mal à l'aise par rapport à ce qui se passe, nous a assuré que tous les ordres ont été donné pour assurer le bon déroulement du sit-in, c'est-à-dire sans heurts». Samir Bettaieb a par ailleurs affirmé qu'à partir d'aujourd'hui (hier) « les députés ne rentreront plus chez eux avant d'avoir atteint les revendications de leur communiqué initial, à savoir la dissolution de l'ANC, la formation d'un gouvernement de salut national et d'un comité d'experts chargés de finaliser la constitution ». « Aucune négociation n'est possible, nos demandes doivent être satisfaites à 100% », ajoute Khemaïs Ksila. Interpellés sur les noms qui pourraient assurer la présidence d'un gouvernement de compétences au cas où le gouvernement serait dissous, Iyed Dahmani s'est refusé aux pronostics, arguant que le temps est à la mobilisation et que «les négociations autour de la formation du prochain gouvernement viendront à point nommé». En effet, certains noms, susceptibles de diriger un gouvernement de salut national comme ceux de Mokhtar Trifi ou même Rachid Ammar, circuleraient déjà dans les coulisses. Pour ce qui est de l'éventuelle participation d'Ennahdha dans l'éventuelle prochaine phase de transition en cas de chute du gouvernement, Khemaïs Ksila admet que quoi qu'il en soit, Ennahdha reste un élément incontournable de l'équation politique, mais que «les règles du jeu vont changer». Quant à Fadhel Moussa, qui considère que «sur le principe», l'exclusion n'est pas une bonne idée, il estime que tant que le gouvernement n'a pas réagi officiellement aux demandes des députés, il est prématuré de se prononcer sur la participation ou non des islamistes à la prochaine phase. Les prochains jours vont être déterminants et très longs, surtout que les députés contestataires ont affirmé encore une fois hier leur intention de ne plus revenir à l'ANC, alors qu'au même moment le député nahdhaoui Ossama El Saghir affirmait devant les caméras d'une télévision étrangère que « l'Assemblée reprendra dès lundi ses activités et continuera son chemin avec ou sans les députés de l'opposition ». Aujourd'hui, la réunion du comité directeur de l'Ugtt et les décisions qui en découleront obligeront surtout Ali Laârayedh à sortir de son silence qui devient assourdissant.