Par Nabil BEN AZOUZ Que vous soyez de la «majorité silencieuse», membres, simples adhérents ou simples sympathisants des différents partis civils et démocratiques, l'heure grave d'assumer notre rôle historique a sonné. Il faut imposer à nos différents partis la constitution d'un Front uni de toutes les forces civiles et démocratiques. Une sorte de «Front Populaire d'Union pour la Tunisie» qui irait du Parti des ouvriers de Tunisie, jusqu'à Nida Tounès en passant par El Massar, El Joumhouri, le Parti socialiste et les autres partis que je ne peux tous citer ici. Ce Front doit s'appuyer sur l'Ugtt et les associations qui luttent pour la citoyenneté, sous ses différentes formes, telles que Doustourna, l'Atfd, la Ltdh, Koulna Tounès et les autres. Que l'on soit clair, il n'est pas ici question d'un appel à la fusion. Chaque parti doit garder sa propre identité. Il s'agit d'un front qui s'engage par un pacte d'alliance dans le seul but de sauver la Tunisie. La Révolution Tunisienne est en danger. Elle a été trahie. Trahie par ceux qui nous gouvernent, qui se pensent majoritaires et qui veulent nous imposer un modèle de société obscurantiste et moyenâgeux. Trahie aussi par ceux qui leur ont vendu leur âme espérant ainsi perdurer au pouvoir. Ils rêvent ! La majorité des tunisiens a pris conscience du danger imminent et appelle à l'union. A croire que seuls les leaders de ces partis démocratiques n'ont pas compris ou voulu entendre ce message et pris réellement conscience de la mesure exacte des dangers. Obnubilés qu'ils sont par leurs ego et leurs batailles d'arrière-garde pour une histoire de chefferie. A priori, les enseignements du 23 octobre 2011 n'ont pas été tirés. A nous d'inverser la donne. Fini le temps où les chefs décident et les bases exécutent. La première des choses que la base doit imposer à sa direction, c'est l'organisation d'un référendum interne à chaque parti avec une seule question : êtes-vous pour ou contre la constitution d'un front uni de toutes les forces civiles et démocratiques. Je suis sûr que le vote sera massivement positif. J'en fais le pari. Mais, certains diront, est-ce que les partis auront le courage d'organiser ou de laisser faire ce référendum ? Oui, si la base se mobilise dans ce sens. Les directions qui ont pris la mauvaise habitude d'agir en électrons libres n'auront pas le choix. Par ailleurs, il est clair que l'originalité de ce Front uni résidera dans le fait de rassembler des militants de gauche, voire de la gauche extrême, jusqu'aux républicains démocrates «bourgeois». Cela est possible. L'Histoire l'a démontré. Il serait d'ailleurs bon de revenir sur les expériences espagnole ou chilienne, mais celle du Front Populaire, malgré sa complexité, reste la plus significative, car la plus aboutie dans sa lutte contre la montée du fascisme et de l'extrême droite. J'en veux pour preuve la manifestation du 14 juillet 1935, organisée et surtout voulue par les bases militantes et citoyennes qui ont imposé la création du front populaire qui s'en ira gagner avec une majorité absolue les élections législatives de mai 1936. A tous les citoyens convaincus que «la Patrie est en danger», organisez-vous où que vous soyez, en comités locaux pour imposer ce Front uni. Et pourquoi pas une manifestation nationale appelant à la constitution de ce front ? Les partis qui adhèreront à ce Front uni devront adopter une sorte de pacte d'union pour la Tunisie, sorte de serment qui sera solennellement prononcé et qu'ils s'engageront à respecter avant et après les élections. En plus de ce pacte, ils doivent mettre sur pied un programme d'action commune qui doit comporter des parties distinctes consacrés aux revendications politiques, économiques, sociales et culturelles. Bref, il suffit de se rappeler les mots d'ordre de notre Révolution : Travail, liberté, dignité et citoyenneté. Par ailleurs, ce programme doit être basé sur une triple mission. La première, et la plus sensible, c'est un accord de désistements mutuels, si la situation l'impose. La deuxième mission que doit régler ce projet serait un programme de majorité parlementaire. La troisième mission serait un programme de gouvernement clairement défini. Tout le reste est littérature. Maintenant, fâchons quelques ami(e)s et finissons par un secret de Polichinelle. J'entends partout dire que Hamma Hammami serait le problème, car il refuse toute idée de front de toutes les forces civiles et démocratiques. C'est comme s'il n'avait pas entendu ou feint de comprendre le message du martyr Chokri Belaïd qui appelait à l'union. Des enregistrements le prouvent, mais j'en veux pour preuve aussi sur ce qu'il a dit noir sur blanc sur les colonnes de ce journal lorsqu'il a parlé de «former une coalition civile élargie pour lutter contre l'émergence d'un mouvement rétrograde qui agit sous couvert de la religion» (La Presse du lundi 24 décembre 2012). Il disait même qu'il n'était pas contre la perspective de faire un bout de chemin avec Nida Tounès, car selon lui et dans l'intérêt suprême de la Tunisie, il y a un «temps pour l'idéologie et un temps pour la politique». On ne peut être plus clair. Sa veuve, la très digne Basma Khalfaoui Belaïd ne cesse de nous le rappeler et de nous dire à tous que le martyr Chokri a laissé un message qui disait : «Il faut que l'on se lève Tous pour la Tunisie». Cher Hamma, beaucoup de Tunisiens adhèrent à vos idées, mais ne comprennent pas votre refus de l'Union la plus large possible. Vous faites de faux calculs. Rappelez-vous les trotskistes de Lutte Ouvrière d'Arlette Laguiller en France. Fidèles à leurs dogmes et à leur pureté infantile et primaire, ils ont fini par presque disparaître. Des dinosaures. Pas plus. Cela vous guette. Camarade, on est tous sensibles et solidaires avec vous lorsque vous nous parlez de la souffrance de «Khalti Mbarka» que vous évoquez souvent. Mais Khalti Mbarka vous dit d'abord, sauvons la Tunisie. Ensuite on verra. Main dans la main pour conquérir demain et décider de notre destin, car «El Yed fil Yed, ma yeghlibna had».