La ville de Kairouan a vécu du 28 au 30 mai au rythme de la 2e session du festival du chant soufi qui s'est déroulé au mausolée Sidi Sahbi et qui a vu la participation de 12 formations de chant soufi représentant les villes de Zaghouan, Gafsa, Monastir, Kairouan, Bizerte et Kasserine. Ainsi, durant trois jours, ces troupes représentant différentes tendances du chant soufi (issaouia, qadria, soulamia…) ont présenté des œuvres distinctes et ouvertes de musique spirituelle, ce qui a créé beaucoup de diversité entre modernité dans l'approche et patrimoine tunisien classique et arabe. Vêtus de tenues traditionnelles, les mouncheds des 12 formations ont exécuté des chants liturgiques, des ibtihalat et des compositions connues tels que Talaâ el badro alayna, Imam el rossol, Salamon ala sayedonna Mostafa, Salawat ala Mohamed, Achrakat anwarou Mohamed, Hasbi Rabi, Haya nzourou rjel sabra, Allah dayem hay, Ya Rabbi oltof bina, etc. Avec leurs voix fortes et aux étendues immenses, ils ont chanté parfois en groupe, parfois en solo, du plus profond de leur être, leur adoration pour Dieu et le Prophète et leur respect pour les saints marabouts (Sidi Abdelkader, Sidi Ben Issa, Sidi Abdessalem Lassmar, Sidi Sahbi, Sidi Amor Abada, Sidi Ben Khoud, Sidi Sahnoun, etc.) En outre, les membres de ces formations de chant soufi brandissaient des étendards (snajeq) dont les couleurs multicolores font référence à tel ou tel marabout. Cela, sans oublier les encensoirs qui dégageaient des odeurs pénétrantes, les danseurs qui entraient en transe pour telle ou telle nouba, les youyous des femmes présentes parmi le public… Bref, une ambiance festive pour des citoyens avides de défoulement et de musique de haute facture dans une région qui se prévaut d'un patrimoine riche en musique sacrée. Par ailleurs, les instrumentistes ont alterné les instruments à percussion et à vent (zokra, bendir, darbouka, tar), ce qui a créé beaucoup d'animation dans un déploiement de couleurs, d'odeurs et d'habits traditionnels. D'ailleurs, parmi le public présent, nous avons remarqué la présence de beaucoup de personnes âgées, de citoyens ordinaires et de femmes au foyer vêtues de sefsaris. Quant au volet réflexif de ce festival, il a comporté une conférence présentée par le professeur Mohamed Dridi qui a parlé de l'historique et de l'évolution de la musique et du chant soufi avec l'appui des enregistrements sonores des différents courants représentant tel ou tel marabout. Et à la clôture du festival, les membres du jury composé de MM. Mahmoud Ouertani, Othman Laâdari et Rachid Yadess ont décerné les prix suivants : - 1er Prix (1.000D), : ex-æquo : la troupe du chant soufi El Azouzia dirigée par Moez Chtiba (Zaghouan) et la troupe de chant soufi dirigée par Mohamed Sahbi Barrak (Kairouan) - Le 2e prix (900D) a été décerné à trois formations de chant soufi, celle dirigée par Salah Karkoud (Kairouan), celle dirigée par Mohamed Himrit (Kairouan) et celle dirigée par Hatem Ferchichi (Monastir) Et le 3e Prix a été décerné ex-æquo à la troupe de chant soufi de Zouheïr Haddad (Kairouan) et à la troupe de Mohamed Baklouti et de Hédi Khechana (400D). En somme, ce festival, malgré quelques problèmes au niveau de l'organisation et de la sonorisation, a brillé par sa qualité artistique et spirituelle, d'autant plus que les différents spectacles présentés rappellent les fêtes religieuses qu'on célèbre avec éclat, à l'instar du Mouled ou de la préparation du pèlerinage. Interrogé sur la qualité de cette manifestation, M.Chokri Gaadah, professeur de musique, n'a pas tari d'éloges : «C'est un spectacle de haute facture, notamment au niveau de l'interprétation. Nous avons remarqué une grande harmonie des voix aussi bien dans les chants en groupe que dans les chants en solo. En outre, l'interprétation des mouncheds est illuminée par une si pure sensation de création et est imprégnée d'une envolée radieuse de fluidité et de musicalité. On ne peut donc que saluer ce festival dont les envolées vocales ont été remarquables».