Jebali peut compter sur une vingtaine de députés nahdaouis à l'ANC Une rencontre des constituants de l'opposition est prévue lundi matin au Bardo, pour cordonner les décisions futures à prendre. Les nombreuses et longues réunions du parti majoritaire se tiennent, elles, sans interruption depuis deux jours. C'est l'attentisme qui prévaut. Les funérailles de Chokri Belaïd ont pris hier l'allure d'un référendum spontané, avec pour titre : non à la violence, non à l'obscurantisme, oui à l'unité, à la liberté. La Tunisie vit un moment grave de son histoire nationale, tout le monde en est conscient sauf que les décisions peinent à être suivies de faits. Dans le milieu politique, l'attentisme prévaut avec des appels à la raison et à l'union. Du côté de Montplaisir, siège du parti Ennahdha, la scission entre la ligne modérée prônée par Hamadi Jebali et celle tenue d'une main de fer par Ghannouchi se déploie dans toute son ampleur. Se disant surpris, qualifiant d'unilatérale la décision du chef du gouvernement de former un cabinet restreint apolitique, les ultras du parti majoritaire lui opposent une fin de non-recevoir. Il est de notoriété publique que Hamadi Jebali n'est pas de tempérament frontal, selon nos sources bien informées. Il n'a jamais eu la capacité de tenir tête ni à Ghannouchi ni à ses hommes, ministres et chefs de l'état-major. Ce n'est même pas lui qui a constitué son gouvernement au lendemain des élections, nous dit-on. Cette fois-ci et contre vents et marées, le chef du gouvernement a eu comme un sursaut de prise de conscience, en homme d'Etat, considérant l'urgence de la situation, il s'est adressé à la nation en homme seul, se voulant fort. Pourra-t-il faire passer son choix malgré le désaveu public de son parti, ou bien sera-t-il acculé à démissionner ? Quel est le véritable poids de Hamadi Jebali à l'Assemblée ? Puisque c'est là que tout se joue, si jamais il soumettait sa formation gouvernementale de technocrates, pour vote. Pendant ce temps de tractations et de tiraillements, les groupes parlementaires de l'opposition ont décidé de boycotter les séances plénières, pour faire valoir leur colère. Mais au même moment, certains députés, profitant de ce désistement provisoire des forces de l'opposition, essayent de faire passer des «lois scélérates» comme celle de la fortification de la révolution. Samir Ettaieb : «J'appelle l'opposition à soutenir Hamadi Jebali» A ce sujet Samir Ettaïeb considère que tout dépend du poids de M.Jebali au sein de son parti et à l'ANC. Mais il faut savoir, analyse-t-il, que les conservateurs dominent à l'Assemblée. Les leaders du parti qui sont derrière Ghannouchi de fait, et les jeunes qui viennent de faire leurs premiers pas dans la politique et qui sont devenus des députés par le jeu du mode de scrutin. Ceux-là sont à fond derrière la ligne dure par opportunisme, pour ajouter amèrement, il est dommage que dans le parti majoritaire, il manque cette dynamique leur permettant de s'adapter aux situations. Toujours est-il que Hamadi Jebali pourrait compter sur l'appui d'une vingtaine de députés nahdaouis considérés comme modérés, qui chuchotent leur mécontentement. Si les forces de l'opposition tombent d'accord et appuient la décision du chef du gouvernement, celle-ci pourrait passer à la majorité absolue de 50 voix plus une. Et martèle encore le constituant El Massar : «Je dis que les forces démocratiques doivent soutenir cette proposition». Zied Ladhari : «J'appuie la décision courageuse du chef du gouvernement» Un des constituants du parti majoritaire qui voterait pour la décision du chef du gouvernement, si jamais elle était soumise à l'ANC, est Zied Ladhari. Il déclare sans équivoque à La Presse : «Oui je suis plutôt favorable à un gouvernement sans appartenance partisane. Le chef du gouvernement a pris ses responsabilités, vu la gravité du moment. La politisation excessive était une source de tensions dans la société. C'est une décision courageuse, mais il n'a pas consulté les acteurs politiques, y compris notre parti qui a été surpris. Certains se sont opposés à cette démarche, ils considèrent que le gouvernement dans cette période délicate doit être politique, parce que le moment est politique par excellence, et parce que des électeurs se sont exprimés». «C'est une prise de position dont il ne faut pas négliger la pertinence», toujours selon M.Ladhari. Mais nous ne sommes pas dans le vide institutionnel, il faut laisser mûrir les décisions», conclut-il en se voulant rassurant. A l'heure qu'il est, Hamadi Jebali est en concertation avec toutes les forces politiques, et soumet des noms. La situation pourrait se débloquer d'ici le début de la semaine, croit-on savoir. Cependant, en cette phase délicate, plusieurs scénarios sont à prévoir. Le pire d'entre eux est de ne pas percevoir les messages envoyés par une bonne partie du peuple tunisien, et de laisser pourrir une situation explosive. Large remaniement et non dissolution Hamadi Jebali a reçu, hier, Yadh Ben Achour, juriste et spécialiste du droit constitutionnel et administratif qui a déclaré à sa sortie que la décision du chef du gouvernement ne consiste pas en une dissolution du gouvernement, procédure lourde qui exige entre autres de passer par le chef de l'Etat et de l'ANC, mais qu'il s'agit d'un large remaniement qui verrait le départ de tous les ministres politiques. Les technocrates, comme le ministre de la Défense, seraient gardés, peut-on en déduire. Yadh Ben Achour estime que c'est la meilleure solution pour dépasser l'impasse actuelle. Reste à savoir ce que serait l'attitude de l'ANC. Il a dit également que ce gouvernement aurait pour principale mission de préparer les élections. Ses membres n'auront pas le droit de présenter leur candidature. H.H.