AUTOROUTE 443, Cisjordanie (Reuters) — A compter de demain, l'armée israélienne établira de nouveaux postes de contrôle en Cisjordanie, annulant l'impact d'une décision de justice autorisant les automobilistes palestiniens à emprunter l'autoroute 443. Il y a six mois, un tribunal israélien a jugé illégale l'interdiction faite en 2002 aux Palestiniens de circuler sur la "443". Mais ce qui était alors considéré comme une victoire pour la justice ressemble maintenant à un tour de passe-passe donnant lieu à une "parodie des droits de l'Homme", s'insurge l'Association pour les droits civiques en Israël (Acri). "Personne n'est vraiment satisfait", explique Dan Yakir, avocat de l'Acri, qui avait plaidé avec succès au nom de Palestiniens de villages riverains, face à des Israéliens qui réclamaient le maintien de l'interdiction pour des raisons de sécurité. "Les Palestiniens sont très déçus par le fait que la route ne sera ouverte que partiellement. Les Israéliens sont mécontents (de l'ouverture), bien que je ne pense pas que la route constitue un risque important pour les Israéliens". L'autoroute à quatre voies, est longue de 25 km, relie la plaine côtière d'Israël à la région d'Al Qods. Mais sur 14 km, elle passe par la Cisjordanie occupée, et depuis huit ans, elle était réservée aux véhicules israéliens. En décembre dernier, la Cour suprême d'Israël a jugé qu'il était illégal d'interdire aux Palestiniens de circuler sur une route construite sur des terres qui leur ont été confisquées par les forces d'occupation. Elle a ordonné à l'armée de mettre fin à l'interdiction imposée en 2002 après des tirs essuyés sur l'autoroute par cinq Israéliens, pendant l'Intifada palestinienne. Triplement du trajet Des porte-parole de villages palestiniens ont expliqué mardi à des journalistes que l'interdiction de circuler sur la 443 triplait depuis huit ans le temps mis pour gagner Ramallah, principale ville de Cisjordanie, où sont concentrés hôpitaux, banques, services administratifs et emplois. Les Palestiniens n'avaient d'autre choix que d'emprunter des routes escarpées serpentant à travers champs et collines. Il était inutile d'appeler une ambulance parce qu'elle aurait mis une heure à arriver. Des étudiants ont abandonné l'université parce que le trajet était trop long et trop cher, des mères ont accouché sur le chemin de l'hôpital, ont-ils raconté. Mais les nouvelles dispositions ne valent pas mieux, disent-ils. "Le but des nouveaux postes de contrôle est de nous dissuader d'utiliser cette route, de sorte que l'armée puisse retourner au tribunal en disant : voyez, nous avons ouvert la route mais ils ne l'utilisent pas", affirme Saleh Atya. Quelque 40.000 automobilistes israéliens utilisent quotidiennement la 443, évitant ainsi le tracé accidenté de l'autoroute 1 de Tel-Aviv, embouteillée aux heures de pointe. A compter de ce week-end, les véhicules palestiniens à plaques d'immatriculation vert sur fond blanc se mêleront sur la 443 aux véhicules israéliens à plaques noir sur fond jaune. Mais seulement jusqu'à un certain point. Avant Al Qods ou Ramallah, ils devront quitter la 443. Des ouvriers achevaient cette semaine l'installation d'un poste de contrôle où l'armée israélienne pourra arrêter les véhicules afin d'intercepter tout Palestinien démuni de permis. Clôtures de deux mètres de haut Des postes de contrôle ont aussi été installés sur deux nouvelles rampes d'accès ouvertes par Israël tandis que les blocs de béton, remblais et autres obstacles étaient retirés de quatre sorties débouchant sur des routes de Cisjordanie bloquées depuis longtemps. L'autoroute est maintenant bordée de part et d'autre de clôtures hautes de deux mètres surmontées de fils de fer barbelés afin de dissuader les Palestiniens de la quitter illégalement. Des tunnels faits de clôtures métalliques ont été aménagés pour les piétons aux entrées et aux sorties de l'autoroute, flanqués, en deux endroits, de tours de guet de l'armée d'occupation israélienne. Les Palestiniens estiment qu'ils n'utiliseront que 4 km de la route, entre les principaux postes de contrôle israéliens en direction de l'Est et de l'Ouest. Peut-être n'emprunteront-ils même pas la 443 s'il s'avère plus rapide d'utiliser les routes existantes afin d'éviter l'attente à l'entrée et à la sortie de l'autoroute. L'Acri affirme que la Cour suprême a laissé des failles dans lesquelles l'armée s'est engouffrée en respectant la loi à la lettre mais "en agissant au mépris total de l'esprit du jugement" avec la mise en place d'un dispositif de sécurité qui va à l'encontre de l'ouverture de la 443. Mais pour Dan Yakir, avocat de l'Acri, il s'agit au moins d'un début. Des automobilistes israéliens prétendent quant à eux qu'ils ne se sentiront désormais plus en sécurité sur une autoroute qu'ils devront partager avec des Palestiniens dont ils redoutent à tout moment des flambées de colère.