Lors de l'annonce de l'idée d'introduire l'enseignement de la langue turque dans les lycées tunisiens, une partie des Tunisiens a fait entendre sa voix et manifesté son étonnement. On s'est demandé l'utilité d'une telle démarche et dans une telle conjoncture. Les autorités de tutelle ont expliqué les raisons qui sont simplement des raisons pédagogiques. Cette langue aura la même place que toutes les autres langues optionnelles. Le tollé soulevé autour de cette mesure n'était pas sans laisser de s'interroger sur les véritables intentions des uns et des autres. L'aspect politique de ce débat est sûrement politique. Certains ont voulu faire naître des soupçons sur une mesure, apparemment pédagogique. Si l'on remonte un peu dans le temps, on remarquera que l'introduction de l'enseignement de la langue de Shakespeare à la fin du primaire, à la fin des années 90, avait été dictée par des considérations politiques. En effet, le régime tunisien voulait «punir» les autorités françaises qui permettaient aux opposants politiques de l'époque de s'exprimer dans les médias français. Les relations politiques étaient, alors, tendues. Faire une annonce pareille représentait pour le régime tunisien une riposte sinon appropriée, du moins symbolique. Et le turc ? Le turc dans les lycées tunisiens ne peut pas ne pas s'inscrire dans une veine politique. La Tunisie vit des interactions très importantes et elle est obligée de se placer dans l'échiquier international. Ce qui ne veut pas dire, pour autant, que cette langue sera privilégiée. Aujourd'hui, plusieurs langues étrangères sont enseignées. A part la langue arabe qui occupe une place de choix (30 % de l'horaire global est réservé à l'arabe), la langue française vient en seconde position avec 28 % du total des horaires. En troisième place vient l'anglais qui n'est, vraiment, enseigné qu'à partir du second degré de l'enseignement de base ou dans certains établissements primaires (généralisé dans les écoles primaires privées). Pourtant, une bonne dizaine d'études faites par des bureaux et des experts étrangers (Canadiens, Belges, Français, Américains), à la demande des autorités tunisiennes, ont montré que notre système avait ses points forts. En même temps, il souffrait des dysfonctionnements liés, particulièrement, à la modestie des moyens d'expression des élèves dans les langues étrangères, tant à l'oral qu'à l'écrit. Cette dispersion vers d'autres langues saura-t-elle les en sortir ou, au contraire, contribuer à les enfoncer davantage ? Le nombre de langues offertes donnerait, peut-être, plus de liberté à l'élève et lui permettrait d'apprendre celle qu'il veut. Laisser plus de marge de manœuvre reviendrait à donner de meilleures chances dans la décision. L'allemand, l'italien, l'espagnol, le russe, le chinois sont des langues qui n'avaient suscité aucune réaction lors de leur introduction dans les lycées. Les élèves sont, chaque année, plus nombreux à les suivre et à les choisir. Chacun a ses raisons. Certains élèves optent pour l'allemand ou l'italien ou n'importe quelle autre langue pour des raisons pratiques ou en vue d'approfondir leurs connaissances ou, encore, dans la perspective de faire des études supérieures dans les pays d'origine. D'autres élèves en font le choix pour des raisons culturelles ou sportives (l'italien ou l'espagnol : pour suivre les compétitions sportives dans ces pays). Si on regarde la place de la langue turque qui a commencé à être étudiée cette année, on constate que des élèves l'ont déjà adoptée. Dans un lycée de la capitale, on a compté, dans une troisième année sciences expérimentales de 29 élèves, 5 élèves qui ont fait le choix de la langue turque comme matière à option. 15 ont choisi l'espagnol et le reste d'autres matières comme la musique, la peinture, etc. Dans une autre troisième année secondaire de 36 élèves (section Maths) c'est, à peu près la même moyenne. Quant à l'espagnol, il occupe une place importante avec 20 élèves. L'allemand a été choisi par 13 personnes. Le reste se répartit entre musique et étude de projets. Ainsi, on voit que les langues représentent des enjeux. Par conséquent, leur enseignement peut revêtir plus ou moins d'intérêt selon l'optique dans laquelle elles sont programmées.