Le débat national est focalisé ces derniers temps sur la légitimité de l'Assemblée nationale constituante après le 23 octobre. Si certains pensent que cette légitimité prendra automatiquement fin à la date en question, d'autres trouvent qu'une démarche pareille là où le pays traverse des temps difficiles relève de l'irresponsabilité de ses partisans. La question a encore fait l'objet d'une conférence de presse tenue, hier, à Tunis, par l'Association tunisienne des jeunes avocats (Atja) et à laquelle ont participé des professeurs émérites en droit. Ouvrant les travaux de cette conférence, M. Sghaïer Zakraoui, professeur en droit public, a fait remarquer que l'on doit se référer uniquement au texte de loi organisant les pouvoirs publics qui stipule dans son préambule que l'Assemblée nationale constituante élue par le peuple est le premier pouvoir légitime. Elles est chargé de l'élaboration d'une Constitution allant de pair avec les objectifs de la révolution tunisienne ainsi que de la gestion des affaires du pays jusqu'à l'adoption finale du texte constitutionnel et la mise en place d'institutions permanentes. Pour lui, juridiquement parlant, la fin de la légitimité de l'ANC le 23 octobre prochain, relève du pur délire juridique vu que l'on n'est encore parvenu ni à finaliser le texte de la Constitution, ni à installer sur de bonnes bases les principales institutions publiques. M.Zakraoui est encore allé plus loin dans son analyse juridique et politique, soulignant que ceux qui parlent de la fin de la légitimité juridique sont soupçonnés de vouloir renverser le pouvoir légitime. « Ce scandale est le résultat d'un conflit d'intérêts et d'une crise des valeurs », a-t-il révélé. M. Fadhel Moussa, doyen de la faculté de Droit et des Sciences politiques et membre de l'ANC, a pour sa part indiqué que si près de 11 partis ont signé un document où ils s'engagent à élaborer une Constitution dans un délai ne dépassant pas une année, le texte provisoire organisant les pouvoirs publics (la petite Constitution) n'en a néanmoins pas mentionné une date butoir. Cette contradiction est selon lui à l'origine de l'ambiguïté : « Le texte organisant les pouvoirs publics a été signé par les présidents des trois partis au pouvoir. Toutefois, cela ne doit pas être pris comme un prétexte pour prendre beaucoup plus que ce qui est prévu pour l'élaboration finale de cette Constitution. Car l'on risque de perdre la confiance des électeurs. Dans ce cas de figure, le problème n'est plus lié à la légalité mais plutôt à la légitimité, car la deuxième englobe la première. L'essentiel pour le moment est de penser l'après-23 octobre. Cela veut dire que l'on a besoin d'un calendrier relatif à l'élaboration de la Constitution tunisienne, sur la base du consensus ». M. Abdelmajid Ebdelli, professeur des relations internationales, s'est attardé, lui, sur le décret-loi n° 86 datant du 03 août 2011 auquel se réfèrent certains pour parler de la fin de la légitimité, soulignant qu'il manque de légalité. « Ce décret-loi signé par un président provisoire, donc émanant d'un pouvoir provisoire, ne peut pas avoir le même poids que celui du texte de loi organisant les pouvoirs publics. Il faut cependant reconnaître que cette Assemblée Constituante élue par le peuple pour réaliser les objectifs de la révolution n'a toujours rien fait dans ce sens. De la sorte, elle risque de perdre toute légitimité révolutionnaire, car cette dernière consiste à éradiquer le mal et à reconstruire sur la base de la transparence. L'ANC est appelée à accélérer la cadence afin de satisfaire ses électeurs ».