L'Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge) a organisé, le jeudi 13 septembre à Tunis, un forum ayant pour thème «Nouvelle Tunisie, nouveau contrat social». Cette rencontre a été l'occasion d'engager un débat public sur le développement de l'entrepreneuriat sur fond de crise sociale, ou comment penser de nouvelles règles d'organisation sociale pour le redressement du pays. Adopter de nouvelles règles de vie commune, reconstruire une société civile, pour les Atugéens, ce sont là des impératifs auxquels on doit répondre pour remettre sur pied le pays. Pour y arriver, «l'une des solutions majeures est de revoir le contrat social», a indiqué Mehdi Gueddas, président de l'Atuge. De nombreux problèmes contribuent à rendre le climat social tendu en Tunisie. Le premier étant le manque de communication entre les citoyens et les autorités. «A Om Larayes, par exemple, il n'y a ni délégué, ni municipalité, ni structure syndicale représentative. La population s'autoflagelle, et il n'y a pas d'interlocuteur avec le gouvernement pour établir un dialogue», signale Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales. Le deuxième problème évoqué par le ministre est l'instabilité politique qui accentue, selon lui, l'angoisse sociale. Un malaise auquel le chômage contribue également à aggraver, d'après Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica. «Notre premier souci ne devrait être ni la femme ni la religion, mais l'emploi», a-t-elle déclaré. Pour Raymond Torres, directeur de l'Institut international d'études sociales à l'Organisation internationale du travail (OIT), il n'y a pas encore de démocratie économique en Tunisie. «La Tunisie est en retrait par rapport à d'autres pays comparables, concernant l'accès au crédit et au taux d'investissement» explique-t-il. L'équité sociale, l'emploi, la dignité, sont les principales revendications issues de la révolution, mais il semble qu'elles n'ont pas été suffisamment prises en compte par les politiques et les acteurs économiques. Un an et demi après la chute de Ben Ali, c'est à nouveau un sentiment de rage et de mécontentement qui anime les jeunes de Sidi Bouzid. D'après Gilles Kepel, professeur des universités à l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris, ces jeunes souffrent toujours des mêmes conditions sociales, en plus de l'émergence de nouveaux acteurs politico-religieux qui dévoient les objectifs révolutionnaires de départ. «Si l'on considère qu'on peut laisser de côté la question sociale, le catalyseur de la révolution arabe, celle-ci va faire un retour avec force à travers un vocabulaire qui ne sera pas forcément facile à traiter», prévient l'universitaire. De la responsabilité sociétale d'entreprise Il n'existe peut-être pas de mesures immédiates pour apaiser un climat économique et social sous tension, mais face à des revendications profondes, un changement profond des mentalités s'impose, à commencer au sein des entreprises. Qu'est-ce que la responsabilité sociétale d'entreprise (RSE)? Il s'agit de «prendre en compte les intérêts des différentes parties prenantes (stakeholders en anglais), en se basant sur un certain nombre de principes : la transparence, la reddition des comptes, l'éthique, le respect de la règle de droit, et enfin, la prise en compte des normes internationales comme le Pacte mondial des Nations unies», répond Ridha Ben Mosbah, PDG de la Steg. Les entreprises sont censées avoir une raison sociale et un contrat moral avec les individus. «L'entreprise agresse la société, dans la mesure où elle crée une discontinuité », explique Cyril Grislain Karray, business angel et écrivain. Pour lui, la RSE c'est faire en sorte de déranger le moins possible, de prélever le minimum de ressources, et répondre au plus grand spectre de besoins. L'intérêt pour l'entreprise n'est pas forcément quantifiable, mais c'est un investissement pour augmenter le bénéfice à la fois économique, social et environnemental avec le temps, assure Naoufel Aissa, DG de Vivo Energy. «En plaçant l'Homme au centre de l'entreprise, l'impact est immédiat au moins sur les ressources humaines», rajoute-t-il. Aujourd'hui, il manque une vision globale à l'échelle du pays, c'est-à-dire ce à quoi on veut qu'il ressemble dans 20 ans. «Il faut rêver de l'impossible pour pouvoir délivrer le possible, et c'est tout à fait possible», assure Naoufel Aissa, pour qui le rêve est un moteur de croissance, le reste, ce ne sont que des moyens, souvent accessibles, pour pouvoir réaliser ses ambitions. Exit donc la fatalité, l'apitoiement et la philanthropie addictive, les jeunes sont capables d'avancer, à condition d'avoir des idées constructives. De toutes les façons, comme le dit si bien Cyril Grislain Karray, «y a pas le choix, il faut !»