Depuis la Révolution du 14 janvier, les dossiers de la corruption et de la malversation n'en finissent pas de faire la Une des médias, créant, ainsi, une grande polémique sur fond de critiques allant jusqu'à pointer du doigt le gouvernement en place, le taxant de défaillance dans le traitement et de laxisme en matière de suivi et d'exécution. Alors que le fait de trancher dans le vif requiert pas mal de preuves et d'arguments invincibles pour réunir, en effet, toutes les conditions et les garanties d'une justice transitionnelle, loin d'être une vindicte publique. Affectant les divers systèmes de production, de création et de consommation, sans exception aucune, le phénomène de la corruption a ravagé tout le corps de la société, spoliant ses biens et ses acquis gratuitement et avec préméditation. Et l'agriculture, secteur vital pour la Tunisie, n'a pas été, non plus, épargnée. Des terres fertiles, des espaces forestiers, des hectares d'arboriculture et des périmètres irrigués faisaient l'objet de toutes les convoitises de la famille «royale». Hier, M. Mohamed Ben Salem, ministre de l'Agriculture, n'a pas manqué de livrer, lors d'un point de presse, des révélations jugées dénuées de tout soupçon, au cours de la 83e rencontre médiatique périodique tenue, comme à l'accoutumée, au siège du Premier ministère, à La Kasbah. A vrai dire, pas moins de cinq dossiers suspects ont fait scandale dans les rouages des départements agricoles, outre les dépassements qui y ont été recensés. M. Ben Salem a dressé la liste des activités dont l'image est souillée par les tentatives attentatoires à la caisse de subvention des produits de base. Cela consiste, selon lui, en des trafics frauduleux visant à bénéficier illicitement des avantages qu'accorde l'Etat sur les produits alimentaires subventionnés. Un crime qui touche le pain des Tunisiens, a-t-il ajouté. Les informations recueillies à ce sujet ont révélé que certaines minoteries ont profité du blé subventionné, à raison de 28 dinars le quintal, pour le revendre, par la suite, aux centres de collecte et à l'office des céréales à quelque 60 dinars le quintal. Ce qui est interdit d'user de tels avantages pour des intérêts lucratifs. Le ministre a évoqué le cas d'un contrevenant qui aurait dû moudre les quantités de blé achetées à des prix subventionnés pour les transformer en farine destinée aux boulangeries. L'auteur-trafiquant, dont le ministre a tu le nom, a été arrêté en flagrant délit en train d'acheminer au silo de Béja des tonnes de blé qu'il a importées pour les moudre. Toutefois, on a découvert que ces quantités contiennent de mauvaises herbes étrangères appelées «argonne», une sorte de parasites végétaux considérés comme nuisibles à la santé s'ils dépassent une certaine limite tolérable. Après avoir procédé à des prélèvements sur les quantités saisies sur le tas, les spécialistes sont parvenus à confirmer que le blé importé fait, déjà, partie des produits subventionnés. Et le ministre de préciser qu'il n'est pas question, selon la loi, d'avoir une minoterie et d'acheter le blé à moudre du même centre de collecte dont il dépend. D'après les renseignements disponibles, l'auteur semble être récidiviste, puisqu'il a été impliqué, l'année dernière, dans de pareilles transactions illégales. L'enquête est actuellement en cours. Le deuxième dossier concerne l'extension d'un périmètre irrigué au détriment d'un autre dans le gouvernorat de Siliana, lequel demeure dans le besoin en eau d'irrigation. L'extension, rappelle le ministre, a été soutenue à la faveur de la décision du ministre de l'Agriculture de l'époque, Mohamed Habib Haddad. Une décision, paraît-il, sans aucun fondement légal, étant donné que la création d'une nouvelle zone irriguée est soumise, a priori, à l'avis de la présidence du gouvernement. Il a indiqué que cette extension a coûté au budget de l'Etat 416.000 dinars dont 291.000 dinars investis dans l'acquisition du terrain. Une enveloppe-fardeau qui ne cesse d'alourdir les charges de l'Etat, juste pour les beaux yeux de Nefissa Trabelsi, sœur de Leïla Ben Ali. Le dossier est sur le bureau du procureur et une instruction a été ouverte à l'encontre de l'ex-ministre. Autre dossier de corruption mais pas de moindre importance, l'Institut national des recherches en génie rural, en eaux et forêts. Il s'agissait de mettre à sa disposition des fonds publics de 800 mille dinars destinés à financer une douzaine de projets de recherche hors budget dudit institut. Son directeur est accusé d'avoir servi les intérêts d'autres sociétés et détourné des fonds pour le compte de son fils. Des sommes faramineuses ont été dépensées à tort et à travers, sans transparence ni rationalisation. Ce dossier a été transféré au ministère public, le 19 juillet dernier. La sous-directrice de l'Agence foncière agricole aurait fait, elle aussi, l'objet de poursuites judiciaires pour avoir abusé de son pouvoir au sein de ladite agence pour permettre à sa fille d'acquérir un terrain d'une valeur de 12.000 dinars. Et le ministre d'expliquer qu'un tel projet ne peut être accordé que dans le cadre de la mise en disponibilité totale, alors que la fille bénéficiaire n'a pas honoré ses engagements. Et pourtant elle a continué de travailler au sein de Tunisair. Inadmissible ! D'autres dépassements ont également été constatés dans certains Commissariats régionaux au développement agricole (Crda). Il s'agit d'utilisation de voitures de fonction sans autorisation légale dans les Crda de La Manouba et celui de Kasserine. Des faux marchés publics ont été constatés à Bizerte, dans lesquels le Crda concerné a été très impliqué. Et les procédures d'inspection sont en cours afin d'identifier les auteurs et mettre un terme à ces phénomènes de corruption.