OSH/BICHKEK (Reuters) — Les partisans du président déchu du Kirghizistan, Kourmankek Bakiev, se sont emparé jeudi des bureaux gouvernementaux dans trois régions de ce pays d'Asie centrale dont le gouvernement par intérim se dit victime d'une tentative de coup d'Etat. Les partisans de Bakiev ont pris le contrôle de bâtiments officiels dans les villes d'Osh, Djalalabad et Batken, ont enlevé le gouverneur de la région de Djalalabad et ont tenté de s'arroger l'autorité sur la zone du principal aéroport d'Osh, ont rapporté des responsables et des témoins. "Le gouvernement par intérim voit les événements d'aujourd'hui à Osh (...) comme une tentative des associés de l'ancien président Bakiev de reprendre le pouvoir", a déclaré à l'agence Interfax le porte-parole du gouvernement, Farid Niazov. On ne faisait pas état de victimes pour l'heure mais ces incidents constituent un premier test pour le gouvernement par intérim formé le mois dernier, après le renversement de Bakiev lors d'un soulèvement populaire marqué par des dizaines de morts dans la capitale Bichkek. Tout durcissement du conflit dans le sud de cet Etat, bastion de Bakiev et croisée des foyers d'instabilité régionaux, serait de nature à inquiéter les Etats-Unis qui y disposent, à Manas, d'une base aérienne stratégique pour le déploiement et le ravitaillement des troupes en Afghanistan voisin. Après avoir été déposé, Bakiev a trouvé refuge en Biélorussie. Le Président biélorusse Alexandre Loukachenko, qui refuse d'extrader son hôte comme le réclament les autorités provisoires, a annoncé que ses diplomates avaient quitté Bichkek pour "raisons de sécurité". La Russie soutient le nouveau gouvernement mais elle n'a pas donné de réponse claire aux événements de jeudi. "Nous recevons des informations et essayons de comprendre ce qu'il se passe", a dit Dmitri Peskov, porte-parole du Premier ministre Vladimir Poutine. La dirigeante du nouvel exécutif, Rosa Otounbaïeva, s'est engagée à faire échec à toute tentative de coup d'Etat et à restaurer la loi et l'ordre, a rapporté l'agence Interfax. "Nous avons ce qu'il faut pour dissiper la crainte chez les gens", a-t-elle dit selon l'agence russe. Son gouvernement a dépêché à Osh le ministre de la Défense, Ismail Isakov, pour tenter de mettre fin au mouvement de révolte, mais on ne savait pas avec précision de quels moyens il disposait sur place. "Il a toute autorité et il a le droit de prendre toutes les décisions qu'il estimera utiles au moment voulu", a dit à Reuters Omourbek Tekebaiev, un des vice-Premiers ministres. Les forces armées kirghizes sont peu nombreuses, faiblement équipées et leur moral est au plus bas depuis le soulèvement sanglant contre Bakiev, durant lequel elles sont pour l'essentiel restées à l'écart sans prendre parti. A Djalalabad, région de naissance de Bakiev, les émeutiers ont pénétré dans le bâtiment du gouvernement et ont affiché à l'entrée un portrait de leur dirigeant. Plusieurs centaines de personnes se trouvaient à l'intérieur ou autour du bâtiment, et la police n'est pas intervenue, écrit Interfax. A Osh, deuxième ville du pays, un journaliste de Reuters a fait état de heurts entre manifestants et forces de sécurité avant que les opposants, au nombre d'un millier dans les rues, ne pénètrent dans un bureau gouvernemental.