«La Tunisie nous appelle à un dialogue sérieux, structuré et permanent en vue de trouver un consensus sur les grandes questions suscitant les tiraillements entre les différents partenaires de la vie politique nationale. L'Ugtt, qui a toujours considéré qu'elle a un rôle à jouer dans la vie politique nationale, outre son rôle social, estime qu'il est temps de lancer son initiative nationale relative à l'organisation d'une conférence nationale qui sera couronnée par la création d'un conseil national de dialogue qui tiendra des réunions périodiques et constituera un mécanisme efficient en matière de gestion des conflits et d'élaboration de solutions consensuelles». Hassine Abbassi, secrétaire de l'Ugtt, a, ainsi, présenté hier devant un grand nombre de journalistes et de responsables d'associations et d'organisations de la société civile «l'initiative nationale de l'Ugtt», décidée le 28 mai dernier par la commission administrative nationale de la Centrale syndicale. «Une initiative qui n'a nullement la prétention de constituer une alternative au gouvernement actuel ou à l'Assemblée nationale constituante. Elle représente plutôt une force de proposition des solutions à même de réduire la tension qui traverse actuellement le paysage politique national et d'apaiser les tiraillement et les calculs politiques étriqués qui menacent la transition démocratique», ajoute le secrétaire général de l'Ugtt. Six principes fondateurs Quels sont les principes fondateurs qui sous-tendront le dialogue auquel appelle l'Ugtt, lequel dialogue entraînera nombre de solutions consensuelles censées assurer une gestion réussie de la deuxième étape de la transition démocratique engagée à la suite des élections du 23 octobre 2011 et de la formation du gouvernement de la Troïka ? Hassine Abbassi dégage six principes fondamentaux autour desquels le consensus était acquis avant les élections. Malheureusement, ce n'est plus le cas, souligne-t-il, à la suite des graves événements que notre pays vit à un rythme régulier, d'où l'engagement de l'Ugtt à faire en sorte que ces principes soient la plateforme sur laquelle repose «son initiative nationale». Il s'agit de «l'attachement au caractère civil de l'Etat et au régime républicain démocratique, du respect des droits de l'Homme et de la consécration des libertés publiques et individuelles, du rejet de la violence sous toutes ses formes de l'extrémisme, de tenir l'administration, les mosquées et les institutions économiques, éducatives et universitaires à l'écart de toute instrumentalisation à caractère politique, de la mise en œuvre d'un nouveau modèle de développement qui réduirait les disparités sociales et régionales et enfin de l'émergence d'un consensus selon lequel seul l'Etat est habilité à appliquer la loi et à protéger les entreprises, les biens publics et privés et les citoyens». Un agenda de 11 chapitres Le décor du futur Conseil national de dialogue étant planté, les principes sur lesquels il se fonde étant déterminés, la question qui se pose, maintenant, est de savoir quels sont les objectifs que ce conseil est appelé à réaliser. Le secrétaire général de l'Ugtt estime que le futur Conseil national de dialogue, dont le calendrier des réunions sera mis en œuvre dans les plus brefs délais, se doit de parvenir à un consensus sur les 11 dossiers suivants : – Le dossier des blessés de la révolution et des familles des martyrs. – La consécration de la transparence en matière d'emploi et de recrutement des diplômés au chômage. – La mise en place d'un calendrier qui arrête la date définitive de l'élaboration de la Constitution et celle relative à l'organisation des prochaines élections. – La composition de l'Instance supérieure indépendante des élections ainsi que la mise au point du prochain code électoral. – La composition de l'Instance provisoire de la magistrature. – La composition de la commission de lutte contre la malversation et la corruption, ainsi que la commission de confiscation. – L'instauration de l'Instance nationale de la justice transitionnelle fondée sur l'obligation de rendre des comptes puis la réconciliation. – La mise en œuvre d'un mécanisme relatif aux nominations administratives, aux désignations dans les hauts postes de manière à consacrer la neutralité de l'administration et à éviter qu'elle tombe sous la coupe du parti au pouvoir. – Le lancement de réformes urgentes du système bancaire propres à encourager l'investissement et la création de postes d'emploi. – La réforme du système sécuritaire et sa restructuration de manière à consacrer la conception de la sécurité républicaine Le S.G. de l'Ugtt devait souligner encore : «Nous ne sommes pas concernés, en tant que responsables syndicaux, par le pouvoir et nous n'aspirons pas à des postes politiques. Nous nous plaçons en dehors des tiraillements, des calculs politiques étriqués et au-dessus des luttes partisanes. Nous avons présenté, dans une première étape, notre initiative aux composantes de la société civile. Nous aurons, également, des rencontres avec les personnalités nationales que nous estimons pouvoir contribuer à la réussite de notre initiative. Sur un autre plan, l'initiative sera soumise à tous les parties politiques qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition. Nous considérons que la Tunisie a, aujourd'hui, besoin de tous ses enfants pour un dialogue national qui lui permettra de surmonter sa crise». «Reste une inconnue, la position du gouvernement: est-ce qu'il reconnaît qu'il y a réellement une crise au sein du pays et est-il disposé à en discuter avec l'Ugtt ou avec le Conseil national de dialogue qu'accouchera son initiative», s'interroge une journaliste. D'autres ont relevé que l'initiative n'a pas mentionné la nécessité de préserver les acquis de la femme et n'a pas arrêté un calendrier précis en vue de la concrétisation effective des propositions qu'elle renferme. Dans sa réponse à ces interrogations, Hassine Abbassi a, notamment, précisé qu'il a informé le chef du gouvernement de l'initiative de l'Ugtt lors de la dernière rencontre qui les a réunis et lui a demandé l'instauration d'un dialogue permanent entre le gouvernement et les partis de l'opposition. «Toutefois, ajoute-t-il, l'Ugtt n'a pas besoin du feu vert du gouvernement pour lancer son initiative. Ce sont les membres de la commission nationale administrative qui en ont décidé, convaincus qu'ils sont que la Tunisie a plus que jamais, aujourd'hui, besoin de dialogue. Quant à l'absence de l'appel à la préservation des acquis de la femme, nous estimons que le texte de l'initiative ne peut contenir tous les détails et nous demeurons persuadés que les acquis réalisés par la femme tunisienne restent au cœur de nos préoccupations». Pour ce qui est de la date prévue pour la tenue de la conférence nationale de dialogue, il a précisé qu'«elle se tiendra avec la participation de toutes les composantes de la société, le plus tôt possible, et nous sommes déterminés à ce que le Conseil national de dialogue soit créé dans les plus brefs délais».