Le Centre de Tunisie de justice transitionnelle (Ctjt) a organisé, vendredi après-midi, une conférence-débat sur «Les défis de la justice transitionnelle et la lutte contre l'impunité», animée par Me William Bourdon, fondateur de l'Association «Sherpa» et avocat de la Fédération internationale des droits de l'homme et notamment dans l'affaire des biens mal acquis. Au cours de cette conférence, Me Bourdon a insisté sur la nécessité de mettre en place une justice transitionnelle, fondée sur cinq principes directeurs. Le premier de ses principes consiste en la recherche de la vérité sur les faits établis durant une période bien déterminée, alors que le deuxième concerne les poursuites pouvant être engagées aux plans pénal et civil et visant à rendre justice aux victimes. Le troisième, selon Me Bourdon, serait la possibilité d'octroyer aux victimes des réparations dans le cadre de la justice transitionnelle ou du droit pénal. Pour ce qui est du quatrième principe, il s'articule autour de la finalité de toute justice transitionnelle, en l'occurrence la réconciliation qui ne saurait être réalisée sans certaines étapes préalables. S'agissant du cinquième et dernier principe, il consiste en la réforme de certaines institutions, à l'instar de la justice, de l'intérieur et de l'information, afin que les mêmes erreurs ne soient pas répétées et que l'Etat de droit soit consacré. Me Bourdon a, dans ce contexte, mis en valeur les expériences de justice transitionnelle dans plusieurs pays, tels que l'Afrique du Sud, l'Argentine et le Chili, soulignant l'impératif d'éviter la précipitation et de veiller en premier lieu à établir la vérité, pour que la mémoire ne soit pas effacée. Il a, d'autre part, indiqué que chaque pays doit privilégier le pardon, mais dans le cadre de la justice et en rétablissant la vérité, soulignant que tout processus de transition peut éventuellement provoquer des dégâts collatéraux. Il a appelé dans ce contexte la société civile à assumer pleinement ses responsabilités dans ce volet et à s'impliquer en matière de justice transitionnelle. Il a, à cet égard, rappelé que les cas réussis en matière de justice transitionnelle sont ceux des pays où les sociétés civiles s'étaient fortement impliquées dans ce processus. De son point de vue, la Tunisie doit administrer la preuve de sa volonté de consacrer la justice transitionnelle par des actes forts et symboliques, en écartant notamment les symboles de la corruption des postes décisionnels, en révisant les dossiers les plus sensibles, tels que les marchés publics avec un libre accès aux archives de toutes les administrations, mettant en garde contre une chasse aux sorcières. Il a appelé, dans ce contexte, à la mise en place d'une plateforme au sein de la société civile tunisienne pour participer et contribuer à l'instauration d'une véritable justice transitionnelle. Cette intervention a été suivie d'un débat animé par la présidente du Ctjt, Mme Sihem Ben Sedrine, et au cours duquel plusieurs magistrats ont pris la parole pour dresser un état des lieux sur la situation de la justice transitionnelle en Tunisie ainsi que sur l'approche et les démarches à entreprendre pour réactiver un dossier qui, selon tous les interlocuteurs, ne semble pas être la priorité de l'actuel gouvernement.