Que dire, si ce n'est que ceux qui l'ont vue pour la première fois sur scène, étaient agréablement surpris, ravis, épatés et charmés, non seulement par sa voix sublime et chaleureuse qui a fait sa renommée, mais aussi par la sympathie de son propos, la cocasserie de sa répartie, la générosité de son interprétation et cet accent si charmant, quand elle parle français, arrachant bien des rires et inspirant tant de respect pour cette diva espagnole qui a tenu, tant bien que mal, à se faire comprendre par son public en usant de la langue de Molière. C'est Luz Casal, l'icône indétrônable de la chanson espagnole qui a fait honneur, hier, à la scène de Jazz à Carthage, pour une première inoubliable...sans doute. Précédée, sur scène, par les musiciens à la grande distribution, avec Fran Rubi au piano, Tino Di Geraldo à la batterie, les deux guitaristes Juan Cerro et Jorge Ojea, Piter Oteo à la guitare basse et à la contrebasse, le percussionniste Pedro Rodriguez et le trio composé de Manuel Machado à la trompette, Julien Ferrer au trombone et Martin Garcia au saxophone, elle fit une entrée de star, habillée des lumières de la nuit pour entamer tout de suite un premier morceau. C'est la première fois qu'elle participe à ce festival et espère qu'elle ne sera pas la dernière, nous fait-elle comprendre, dans un français si attachant qui porte les sonorités de ses origines galiciennes (nord-ouest de l'Espagne). Dans la première partie du concert, elle choisit de la consacrer à des chansons de son album «La passion» (2009), des chansons classiques, nous dit-elle, qui plaisent à son coeur, et au public, certainement, qui paraissait conquis au gré des morceaux. Comment ne pas l'être face à autant de talent et de charisme, si accessible et si mystérieux à la fois, si proches et si lointains...? Comment ne pas l'être en l'écoutant chanter, avec son timbre chaud, ces mots : «C'est l'histoire d'un amour comme il n'en existe pas d'autre qui m'a fait comprendre tout le bien, tout le mal. Qui a éclairé ma vie pour l'éteindre par la suite , comme la vie est obscure. Sans ton amour je ne pourrais survivre», en interprétant le fameux morceau» «Historia de un amor» (histoire d'amour) ou encore quand elle demande qu'on pense à «elle»: «Pense à moi, quand tu souffres, quand tu pleures, pense aussi à moi, quand tu veux m'enlever la vie, je n'en veux pas, pour rien, pour rien, elle ne me sert sans toi». dans sa fameuse chanson «Piensa en me» (pense à moi, 1991), tirée de la bande originale de l'un des meilleurs films de Pedro Almodovar «Talons aiguilles», dont le succès a fait la renommée de Luz en France ? A bien des égards, cette chanteuse a fait preuve de générosité, dans sa voix, dans son interprétation, dans ses mots et sa parlote qui, quoique la faisant se sentir petite, comme elle nous le dit, ne l'a pas empêchée de vouloir établir un dialogue direct avec le public en dehors de son interprétation. Elle pense, ainsi, à dédier une chanson à la mémoire de son père «Entro me recuerdo» (entre mes souvenirs), à toutes les femmes de l'audience «No me importa nada» (peu m'importe), en joignant à la parole, un sublime déhanché. Elle va jusqu'à tenter de traduire et de faire traduire, in situ, les paroles d'une chanson espagnole qu'elle voulait interpréter en français avec le public. Elle enchaîne avec un émouvant morceau chanté dans sa langue natale accompagnée uniquement par les trois guitaristes (basse y compris) et elle nous offre un morceau, qu'elle dit vouloir chanter tous les jours, tant le texte est bourré d'images, celui de la chanteuse argentine Mercedes Sosa «Gracias a la vida». Elle clôt, en beauté , sa partie dédiée aux balades romantiques, avec une autre chanson de la BO de «Talons aiguilles», «Un Año De Amor» (une année d'amour) qu'elle chante ou plutôt qu'elle joue en jetant un froufrou rose sur les épaules, une manière de faire un clin d'oeil à Almodovar. L'ambiance change de rythme, invoquant des sonorités rock et pop-rock, à l'image de la robe noire que l'artiste est allée enfiler avant de réapparaître sur scène, pressée par les acclamations du public. La suite se fait folle avec «Dame un besso» (donne-moi un baiser), admirablement interprétée pour monter d'un cran et finir dans une joie enivrante avec une attitude très rock and roll mais toujours avec la classe de Luz Casal. Merci l'artiste!