PARIS (Reuters) — Le rapport Roussely sur l'organisation de la filière nucléaire française devrait redonner à l'Etat son rôle de coordinateur et d'arbitre sans nécessairement prôner de grandes manœuvres capitalistiques, estiment des analystes. Ce rapport, dont la publication était initialement attendue à la fin avril mais pourrait désormais intervenir début mai, va probablement proposer une diversification de l'offre nucléaire et éventuellement des partenariats avec des groupes étrangers. Désorganisés et divisés par de vives tensions entre les dirigeants d'EDF et d'Areva, les acteurs français du nucléaire ont essuyé un revers cinglant fin 2009 en laissant échapper un énorme contrat aux Emirats Arabes Unis. Les propos de Nicolas Sarkozy sur la filière nucléaire ont ainsi résonné comme une mise en garde sévère. "L'Etat va y mettre de l'ordre. Ces derniers temps, les disputes publiques entre les dirigeants de ces entreprises ont été inadmissibles", a déclaré le Chef de l'Etat en mars dans une interview au Figaro Magazine. Pour Benjamin Leyre, analyste chez Exane BNP Paribas, "il faut peut-être juste qu'une nouvelle autorité étatique réponde aux questions des interlocuteurs étrangers, qui ne savent pas toujours à qui s'adresser entre EDF, Areva et GDF Suez". "Les attentes portent sur une clarification des processus pour répondre aux appels d'offres et être efficace", a-t-il ajouté, notant que François Roussely devrait se pencher sur "la mise en place des financements, l'apport des technologies et la façon dont les projets sont montés et suivis". Florian Tronquoy, auteur d'une étude sur "les marchés du nucléaire" pour le cabinet Xerfi, a pour sa part estimé que "l'exécutif français doit être plus présent dans les négociations, plus tôt, et réaffirmer son autorité". EDF, a-t-il ajouté, "va probablement reprendre la maîtrise de la filière française, au moins à l'étranger". Les analystes ont en outre jugé peu convaincantes les rumeurs d'une scission d'Areva — réacteurs d'un côté et combustible de l'autre –, même si ce projet a été évoqué par Henri Proglio, nommé en novembre à la tête d'EDF et réputé proche de Nicolas Sarkozy. Si le modèle intégré de la société ne semble pas remis en cause à ce stade, les rumeurs de limogeage de la présidente du directoire d'Areva, Anne Lauvergeon, ont circulé ces derniers mois sur fond de conflits à répétition avec Henri Proglio au sujet de la stratégie du groupe de nucléaire et du traitement de l'uranium en France. L'Etat pourrait notamment juger que les relations d'Anne Lauvergeon avec le président d'EDF se sont dégradées au point de rendre impossible une entente entre leurs groupes — pourtant censés être des alliés naturels — et lui reprocher l'échec d'Abu Dhabi ou les déboires d'Areva sur le chantier de l'EPR finlandais. Le rapport Roussely devrait en outre rappeler la nécessité pour le camp français d'élargir son offre de réacteurs, l'EPR ayant été jugé trop coûteux — bien que plus sûr — dans le cadre de l'appel d'offres d'Abu Dhabi. Des alliances avec des partenaires étrangers pourraient aussi constituer une solution pour les groupes français s'ils veulent faire face à la concurrence de Westinghouse, filiale du japonais Toshiba, de General Electric et à plus long terme du tandem Siemens-Rosatom. Mitsubishi Heavy Industries (MHI) et les fonds souverains du Qatar et du Koweït sont ainsi pressentis pour participer à l'augmentation de capital d'Areva, en cours de discussion, ce qui pourrait à terme aider l'ensemble du camp français à décrocher certains contrats. Selon Les Echos du 9 mars, EDF envisage de son côté un accord avec le groupe nucléaire public russe Rosatom, un concurrent direct d'Areva. "Dans des situations spécifiques où il est nécessaire de soutenir les technologies locales pour entrer sur un marché, c'est possible. Mais cela ne peut pas être une solution globale", a cependant estimé Alex Barnett.