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«Préparer sa vieillesse afin qu'elle soit agréable et saine» Santé — Entretien avec Dr Elhem Karoui Fekih, gériatre et membre de l'Association Alzheimer Tunisie
La Journée mondiale de la santé vient d'être célébrée. Cette année, l'intérêt a été focalisé sur la santé d'une tranche d'âge ayant des besoins spécifiques en matière de prise en charge sanitaire, à savoir les personnes âgées, ce qui justifie justement le thème retenu: «La bonne santé prolonge la vie des personnes âgées». En Tunisie, l'espérance de vie est de 74 ans; un indicateur qui met en évidence l'impératif de mieux conjuguer les efforts dans le but d'améliorer la qualité des prestations sanitaires destinées à cette population-cible et de veiller, désormais, sur la mise en place de structures nouvelles, à même de répondre aux besoins des séniors. La prise en charge des personnes âgées constitue, de nos jours, un volet consistant de la santé publique. Son importance se justifie par le vieillissement graduel de la population. Pour avoir une idée bien précise sur cet aspect, nous avons rencontré le Dr Elhem Karoui Fekih, gériatre à l'hôpital Mahmoud-El Matri et membre de l'Association Alzheimer Tunisie. Entretien. Comment définir le profil de la personne âgée en Tunisie? Il existe en réalité deux profils: il y a ceux qui acceptent de vieillir et ceux qui refusent de l'admettre. Dans le premier cas, ces personnes sont prêtes à s'adonner aux étapes de prévention et de soin leur garantissant une bonne vieillesse. Elles se montrent, d'emblée, assidues en matière de bilans, de consultations régulières et adhèrent aux recommandations des spécialistes par conviction. Pour ce qui est de notre apport, nous faisons de notre mieux pour bien les accompagner dans cette étape de leur vie et de les orienter. Dans le second cas, en revanche, ces personnes, faute de prévention, se heurtent souvent à des complications sanitaires. Nous avions toujours l'impression que la santé des personnes âgées n'est pas dissociée de celle des adultes. Or, la gériatrie ou la gérontologie constitue la médecine spécialisée dans le traitement des malades d'un certain âge. En quoi consistent donc les besoins des personnes âgées en matière de prise en charge médicale? Tout d'abord, j'aimerais bien qualifier cette tranche d'âge, fixée en Tunisie à partir de l'âge de la retraite, de séniors plutôt que de personnes âgées. Cette dernière appellation, étant quelque peu démoralisante, ne sied pas tout à fait à cette catégorie sociale. Les séniors, comme les enfants, ont besoin de prise en charge spécifique, qui tient compte des particularités à la fois sémiologiques et physiologiques de leur âge. En effet, à un certain âge, l'on commence à avoir une polypathologie qui favorise le risque iatrogène (cumul dû aux interactions médicamenteuses). C'est pourquoi la prise en charge des personnes âgées se doit d'être globale, incluant aussi bien l'aspect médical, social que psychologique. De quoi souffrent généralement les séniors? Les séniors souffrent le plus souvent de maladies cardiovasculaires, du diabète, des maladies cancéreuses et de l'Alzheimer. Certains succombent à la dépression. La prise en charge médicale consiste, d'abord, en l'élaboration d'une évaluation gériatrique standard. Il s'agit d'examiner le dossier du patient, d'étudier ses polypathologies, les médicaments qui lui ont été prescrits, tester ses fonctions cognitives, examiner son état nutritionnel. L'évaluation repose également sur le diagnostic des troubles de la marche pour évaluer son autonomie, étudier sa capacité neuro-sensorielle, dépister les maladies psychologiques et psychiatriques dont l'alzheimer et la dépression. Cette évaluation inclut en outre le volet social nous permettant de savoir si le patient peut faire l'acquisition des médicaments ou pas et s'il bénéficie de l'entourage nécessaire à son accompagnement. En matière d'équipements, les séniors ont-ils des besoins spécifiques? Oui. En fait, nous exigeons toujours une table d'examen nettement moins élevée que celle standard afin d'éviter le risque de chute et de fractures. Vous avez parlé de l'état nutritionnel des séniors, pouvez-vous nous éclairer davantage? La nutrition s'avère un facteur déterminant dans la bonne santé des séniors. Certaines maladies nécessitent un régime alimentaire bien déterminé, placé sous le signe de quelques restrictions. Toutefois, à un certain âge, l'on ne peut se permettre d'interdire catégoriquement au patient certains plaisirs. Aussi, à l'interdit doit-on toujours donner l'alternative. Par ailleurs, l'alimentation joue également un rôle non négligeable dans l'approche préventive. Ainsi, nous recommandons aux séniors pas mal de substances nutritionnelles, à l'instar de l'oméga 3 qu'on trouve dans le poisson bleu, les noix fort recommandées pour la mémoire, les légumes et tout ce qui est riche en fibres pour faciliter le transit intestinal. Parfois, nous recommandons des compléments nutritionnels à même de prévenir les escarres. La prise en charge des personnes âgées nécessite, dans bien des cas, patience et persévérance. Dans notre pays, de nouveaux métiers émergent et s'avèrent fort utiles et pour le sénior et pour sa famille. Qu'en est-il des auxiliaires de vie dans cette prise en charge? L'accompagnement d'un sénior polypathologique ou infirme n'est pas chose facile pour la famille. Certains accompagnateurs succombent eux aussi à la dépression. L'apport des auxiliaires de vie est susceptible d'aider énormément la famille dans cette mission. Actuellement, nous en avons réellement besoin. Toutefois, le coût d'une telle contribution n'est pas donné puisqu'il oscille entre 400 et 800 dt. Ce serait idéal que ces nouveaux métiers soient désormais pris en charge. Les activités intellectuelles et de loisirs sont-elles importantes pour les séniors? Evidemment. Certaines activités intellectuelles permettent de prévenir l'alzheimer. L'essentiel c'est de recommander au sénior des activités qui l'intéressent et qui s'adaptent à ses capacités. Par ailleurs, l'animation pour séniors est un facteur important et fort demandé. Je ne comprends pas la raison pour laquelle un tel domaine ne suscite toujours pas l'intérêt des parties concernées et des privés. En conclusion, que pouvez-vous conseiller aux séniors? Je leur conseille d'accepter de vieillir et de préparer leur vieillesse afin qu'elle soit agréable et saine. Tout se passe dans la tête. L'essentiel, c'est d'avoir la volonté. En Tunisie, nous avons réussi à relever le défi de longévité. L'objectif étant désormais de veiller sur l'amélioration de la qualité de leur vie.