Comment les constituants sont-ils appelés à réagir à l'apaisement de la situation sécuritaire et sociale dans le pays à la suite du retour du dialogue entre l'Ugtt et le gouvernement? Comment ont-ils réagi eux-mêmes ainsi que les membres de la société civile à la nouvelle donne qui marque désormais le paysage politique national après les événements de la semaine écoulée qui ont fait craindre le pire aux Tunisiens? Autant de questions qui se sont fait inviter sur la scène politique nationale et qui poussent les militants du tissu associatif à s'exprimer et à faire entendre leurs voix sur la meilleure voie à entreprendre en vue de rompre définitivement avec l'incompréhention et l'affrontement entre les différents protagonistes au sein de la Constituante d'abord et dans la vie de tous les jours, ensuite. Aussi, le militant associatif Salah Zeghidi, ancien membre du Comité directeur de la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme (Ltdh), estime-t-il que «les 217 constituants que nous avons choisis le 23 octobre 2011 ont le devoir d'élaborer une Constitution démocratique républicaine, séculaire et progressiste. Une Constitution qui rompe définitivement avec le passé despotique et nous protège contre toute dérive de type obscurantiste. Ils sont appelés à accomplir leur mission le plus tôt posssible et ne doivent pas oublier que le gouvernement actuel est un gouvernement temporaire et que nous attendent, dans les mois à venir, les élections législatives, lesquelles auront le mérite d'installer un gouvernement qui travaillera pour au moins quatre ou cinq ans». Et Zeghidi d'exprimer sa conviction que «la Constitution peut être rédigée en trois mois à condition qu'il y ait une volonté réelle de le faire. Malheureusement, les échos qui nous parviennent du palais du Bardo, à propos des débats au sein des commissions constituantes, ne sont guère rassurants. Après avoir martelé lors de la campagne électorale qu'ils sont pour un régime civil, voilà que les nahdhaouis changent de discours et appellent à ce que la chariaa soit considérée comme la principale source de législation, ce qui revient à dire qu'ils vont installer purement et simplement un Etat théocratique n'ayant aucun rapport avec les revendications et les aspirations des jeunes qui ont fait la révolution de la liberté et de la dignité. Et s'ils choisissent cette option, ils vont nous faire revivre l'époque qui a précédé Haddad et les grands autres penseurs réformistes tunisiens». Un débat national ouvert Quant à Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif du mouvement Ennahdha, il est convaincu que les constituants sont «déjà entrés dans le vif du sujet et qu'il doit y avoir, pour l'opinion publique, une distinction entre l'action du gouvernement et l'action de la Constituante dont les membres sont invités à respecter le délai d'une année convenue entre les principaux acteurs du paysage politique national». «Avec la décantation de la situation sociale et sécuritaire, poursuit-il, ils sont invités à accélérer le rythme de leurs travaux et à prendre en considération les projets de Constitution élaborés par les partis représentés à la Constituante et ceux également qui n'ont pas réussi à y accéder. Pour nous, il s'agit d'un débat national auquel toutes les parties prenantes doivent contribuer (composantes de la société civile, médias, personnalités nationales, spécialistes, etc.). Toutefois, nous n'avons pas de projet préétabli (en bloc), à prendre ou à laisser. Toutes les propositions doivent faire l'objet d'une discussion générale, notre objectif étant de parvenir à la meilleure synthèse possible dans un esprit de consensus et de coordination. Et en dépit des difficultés que nous rencontrons et qui sont normales en cette période de transition, nous considérons que nous sommes en train de réussir à faire migrer notre pays d'un système dictatorial et despotique vers la démocratie». Pour ce qui est de l'apaisement des rapports Ugtt - gouvernement, Ajmi Lourimi est convaincu que «c'est là une situation normale et que le dialogue, l'esprit de partenariat et le respect de l'Ugtt en tant que partenaire à part entière doivent primer. Les manifestations de contestation sont légitimes et s'inscrivent dans le cadre de la liberté d'expression». Il est persuadé que «le gouvernement répondra favorablement aux revendications logiques, respectera les conventions déjà signées par le gouvernement précédent, fera associer l'Ugtt à la réflexion sur les grands dossiers du développement. Aussi, le budget complémentaire ne sera soumis à l'approbation de la Constituante qu'après consultation des différents partenaires sociaux et politiques dont, en premier lieu, la centrale syndicale». Des débats artificiellement allongés De son côté, Naceur Brahmi, membre de l'ANC (CPR), pense que les constituants «n'ont aucun intérêt à faire traîner la rédaction de la Constitution et ils doivent faire preuve de responsabilité pour écourter au maximum la période transitoire. L'objectif qui nous réunit tous est de doter le pays d'institutions définitives et d'éclaircir le paysage politique national. Néanmoins, il se trouve, de temps en temps, et parfois d'une manière excessive, des débats artificiellement allongés de la part d'une certaine opposition qui, tout en prônant la célérité des travaux de la Constituante, fait tout pour instaurer la polémique permanente». Il revient à l'attitude des membres de l'opposition qui se sont retirés, jeudi dernier, de la séance «Questions au gouvernement» en signe de protestation contre la répartition du temps d'intervention entre les groupes parlementaires. Le Constituant pense, d'autre part, que «les décisions auxquelles a abouti la séance de travail gouvernement-Ugtt, tenue samedi dernier, ont déjà le mérite d'avoir détendu la situation qui semblait aller à la dérive. Les décisions dénotent de la part des parties concernées une maturité et une appréciation à la hauteur des difficultés et répondant aux attentes des citoyens, ce qui se répercutera positivement sur la vie quotidienne des citoyens».