Le thème de la justice transitionnelle et des mécanismes de son application ont fait l'objet d'un atelier de formation, tenu hier après-midi à Tunis, à l'initiative du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), en collaboration avec l'Institut du journalisme de guerre et de paix. Destiné aux représentants des médias nationaux afin de les aider à jouer un rôle déterminant dans la couverture des faits y afférents, cet atelier intervient au moment où la commission nationale d'investigation sur les abus et les dépassements s'apprête à remettre dans les jours à venir son rapport final. Preuves et données à l'appui, ce rapport prévoit de révéler les atteintes et les crimes commis pendant la révolution, afin de rendre justice aux justiciables. L'objectif consiste à instaurer les fondements d'une justice transitionnelle, susceptible d'engager un nouveau processus démocratique basé sur les valeurs des droits de l'Homme dans leur acception la plus globale. Et la justice transitionnelle, en tant que concept relativement nouveau en Tunisie, n'a cessé de stimuler le débat avec des avis et des points de vue aussi discordants que divergents. Entre jugement des criminels et passage souple à une conciliation nationale, une série de thèses et d'antithèses a vu le jour, créant, ainsi, une certaine polémique. Etant donné qu'il s'agit là d'un nouveau concept juridique, il serait nécessaire de mettre en place une plateforme institutionnelle et conceptuelle visant à mettre le sujet dans son contexte. M. Marwane Maâlouf, directeur du bureau dudit institut à Tunis et animateur de l'atelier de formation, vient de définir la justice transitionnelle en tant qu'ensemble d'approches méthodiques utilisées dans le jugement des symboles de l'injustices et de l'atteinte aux droits de l'Homme, dans le cadre de la loi et la démocratie. C'est là, a-t-il ajouté, une nouvelle forme de justice dont les approches dépendent du contexte sociopolitique de chaque pays et peuple. Selon lui, il y a une approche globale caractérisée par un engagement politico-socio-économique des poursuites judiciaires. Celle minimaliste qui vise à chercher la stabilité en favorisant une amnistie générale. L'approche modérée est celle adoptée par la Tunisie, consistant à former des commissions d'investigation pour donner les preuves d'un jugement équitable, alors que l'approche hybride est la réunion de tous ces éléments dans une composition intégrée. L'animateur a relevé que la mise en application de la justice transitionnelle est tributaire d'une volonté politique réelle, tout en prenant en considération l'aspect contextuel de chaque processus démocratique et les enjeux de l'étape à gagner. «Car, il n'y a pas un modèle de référence unique, mais il est question des modalités d'application propre à chaque pays», souligne-t-il. Il rappele que le gouvernement actuel a fait preuve de détermination pour aller de l'avant en vue de traiter cette question, et ce, à travers la création d'un ministère chargé de la justice transitionnelle et des droits de l'Homme. Cependant, selon lui, ce processus pourrait prendre du temps, vu la longue période du règne de la dictature qui s'est prolongée dans le pays plus de deux décennies, dans la mesure où il demeure aujourd'hui si complexe de rétablir tous les abus et les dépassements perpétrés dans l'impunité. Cela nécessite, à l'en croire, de réunir toutes les compétences requises et de redoubler d'effort en sollicitant toutes les composantes de la société, dont les journalistes, afin de mieux traiter ce dossier. Et partant, le rôle des médias s'avère significatif à plus d'un titre. Ainsi, leur apport dans l'investigation des faits d'abus et de malversation et la diffusion des informations y afférentes comptent beaucoup dans le processus de la réalisation d'une justice transitionnelle tranquille. Et l'institut du journalisme de guerre et de paix se propose, à travers son bureau à Tunis, de soutenir le développement du rôle des médias dans cette étape transitoire. Il s'est fixé comme objectifs primordiaux l'établissement de relations efficaces avec les différents supports médiatiques et l'appui des professionnels du métier, dont notamment les jeunes journalistes, à travers cinq régions, à savoir Tunis, Kairouan, Le Kef, Tataouine et Sidi Bouzid. Partant de l'idée que leur participation dans l'édification du processus démocratique est essentielle.