Par Hassen KLAI D'après nos grands-pères, le verbe d'action «fabriquer» est polysémique. Il est employé dans deux situations : Dans son sens premier fabriquer, c'est créer (en anglais, to make). Et puisque seul Dieu est le Créateur, donc on n'est plus capable de fabriquer. Dans son second sens (familier), «fabriquer» c'est faire. Mon grand-père l'utilise souvent quand il est énervé, dans cette interrogation : «Qu'est-ce que tu fais là?» Pour nous Tunisiens et Tunisiennes, ce deuxième sens nous convient très bien. Nous l'utilisons alors comme il a été utilisé dans la psychologie de nos ancêtres. Un touriste blanc, que mon pays a beaucoup égayé, m'a questionné innocemment sur le sens propre de ce mot fabriquer : «Qu'est-ce qu'on fabrique chez vous‑?». Je lui réponds sans crier au mensonge : «On fabrique tout, tout-tout. Missiou: des bonbons, du cousse gousse… jusqu'à hrissa harraa». Tunisien fabricant, comme je le suis, eh bien, je trouve le sens fort de mon mot pour l'inviter à revister mon pays les poches pleines de portables pour les lui faire réparer ici. Alors, j'ajoute en toute franchise‑: «Chez nous, on bricole aussi : on fait des joints étanches, des joints si colons et on fait des trous dans l'eau troublée ou trop salée. On répare des voitures qu'on n'a pas fabriquées, on conserva de la confiture et on conserve notre président durant toute sa vie et on conserve ses statuts et ceux des membres de sa famille, sans crier gare. Malgré les conditions contraires, nous devons travailler à la conservation de nos présidents et de leurs prototypes, ils restent toujours agrafés dans nos cravates et sur nos vastes, dans nos bureaux et nos toilettes. Mais vous avez fait une révolution ! vous n'avez pas de partis politiques ? Mais si, et nous n'avons pas un président conservé, il est pourrie ce président à l'âge de 23 ans sur le trône qu'il a bricolé et conservé, j'espère qu'il sera décomposé en Arabie Saoudite et pourri en prison en Tunisie». Après ce dictateur conservé, puis bricolé dans la mafia, agrafé dans les cravates de ses partisans et enfin pourri. Qu'est-ce qu'on va fabriquer ? Une réponse parmi de réponses : on bricolera les paroles, on parle, on crie. Avant, seuls les murs parlent, maintenant seuls les politiciens parlent et reparlent mais ils ne se parlent jamais, ils parlent de la laïcité, de la citoyenneté, de la religion, en se tournant le dos, ils parlent, pa…rient. Le peuple est esquinté dans une mauvaise politique, il est bosselé, bousillé, estropié et surtout son avenir est saboté, il est traîne-savates. Qu'est-ce qu'on fabrique enfin ? On fabrique des partis politiques qui bricolent la démagogie dans tous les sens interdits pour avoir accès à la mondialisation et pour participer à la déformation de notre personnalité. Et pour avoir cette cié, on est obligé de délaisser notre culture arriérée et faire sauter nos âmes et les enterrer. Les politiciens bricolent dans des usines sophistiquées la démagogie et font appel à des assemblées de personnes afin de gagner leur adhésion, accepter leur harcèlement afin d'augmenter leur popularité. Laissant de côté l'essentiel, ces politiciens n'ont aucun projet puisqu'ils manquent d'imagination et de créativité. La société civile souffre de leur démagogie, et encore de la violence, des actes des voleurs de brebis et des maisons, de la conduite des bandits et de leurs paroles blessantes et aussi des idéologies des salafistes et de ceux qui prônent la laïcité. Société déchiquetée, manifestement blessée par les dents des gens de la politique, eux mêmes victime d'une désertification politique d'une longue durée…et ils ressemblent aujourd'hui aux coiffeurs qui «apprennent le métier sur la tête des orphelins». Vous allez voir nos chers «compatriotes !»