Quand Oumaïma Al Khalil vole de ses propres ailes, c'est le public qui plane. Invitée de la soirée du 6 juin des Nuits de Carthage au Théâtre municipal, elle est venue avec son orchestre répondre à un appel renouvelé. Avec sa voix qui fait l'unanimité et son parcours, Oumaïma Al Khalil est un pari gagnant pour la manifestation. Elle fait, en effet, partie de ces artistes qui peuvent garantir une bonne présence des spectateurs, en termes de quantité et de qualité. En Tunisie, son nom est lié à celui de Marcel Khalifa qu'elle a accompagné pendant des années, et accompagne encore, pour former un duo libanais hors pair. Depuis les années 2000, elle est en duo avec un compositeur d'un autre genre, son mari Hani Siblini, avec qui l'aventure musicale a pris une tournure différente, marquée par la reprise du titre Ya habibi taâla ilhaani d'Ismahan, avant de sortir ensemble cinq albums aux influences colorées, entre rythmes orientaux modernes et musique latine. Cette chanson a, d'ailleurs, figuré dans le programme de la soirée de mercredi dernier, entamé par trois chansons de ses albums récents, devant lesquelles le public est resté presque de marbre. Ce n'est pas que la carrière post-Marcel Khalifa de Oumaïma Al Khalil ne soit pas au goût des Tunisiens, mais les derniers albums de la chanteuse n'ont pas été assez commercialisés et présentés dans nos contrées. Ajoutons à cela que les Tunisiens sont habitués à la voir dans un registre bien particulier, dont elle a du mal à se libérer, du moins face à ce public. C'est loin d'être juste des spéculations. Il fallait voir la transformation dans la salle tout de suite après, quand elle a interprété Ouhibouka akthar, suivie de Asfour. Ensuite, elle a adressé un mot aux présents pour saluer, à travers eux, la Tunisie, «inauguratrice des révolutions arabes nouvelles», ainsi qu'aux personnes qui ont sacrifié leurs vies pour la liberté. Ya habibi taâla ilhaani a donné des envies de nostalgie à Hani Siblini qui a proposé à Oumaïma Al Khalil d'interpréter une chanson datant de ses débuts et de son enfance, El helwaye. «Les membres du groupe ne s'en souviennent probablement pas», a-t-il remarqué avec humour. Composée de jeunes membres, la troupe est effectivement, à l'image de la musique proposée par le duo dans leurs albums, fraîche et vivace, avec des influences salsa et latinos en général. Les instruments orientaux (luth et qanoun, notamment) accompagnent d'autres, comme la trompette et la clarinette. C'est au niveau de la percussion que ce mariage est le plus éloquent. La darbouka et le doff côtoient les percussions afro-cubaines. Un mélange agréable et savoureux, dosé avec beaucoup de délicatesse, tout comme la voix d'Oumaïma Al Khalil. Cette dernière a servi au public un deuxième lot de ses chansons dont Chab ou sabiyé, avant de consacrer la dernière partie du spectacle à un hommage à Mahmoud Darwish et à la Palestine. Le poème Kayfa nochfa min hobi tounos, dont elle a récité une partie, fait le lien entre les deux pays, avec l'espoir de revoir la Terre de Palestine réunifiée. Un passage de Watanou al anbiâa du même poète a donné suite à Al wajh al akhar, titre phare chanté par Oum Kalthoum et écrit par Nizar Kabbani, avant de clore la soirée sur Ahlef bi samah. De quoi redonner aux cœurs le goût de croire à une cause et rallumer la flamme de l'espoir.