• L'enveloppe nécessaire pour relancer et pérenniser l'économie nationale s'élève à 25 milliards de dollars américains L'urgence de financer les réformes économiques pour assurer les bonnes conditions de la transition démocratique résume toutes les interventions des experts internationaux, présents lors du point de presse organisé, hier, au siège du Premier ministère. A cette occasion, M. Mustapha Kamel Ennabli, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, a été accompagné d'éminents experts, à savoir le prix Nobel Josef Stiglitz, Olivier Pastré de l'IM Bank et professeur à l'université Paris VIII, et Jean Louis Reiffers, professeur l'université du Sud (France). Le gouverneur a débattu avec ses hôtes, la situation actuelle, les priorités et les problématiques de l'économie nationale, pour pouvoir arrêter les éléments de la présentation de la Tunisie au sommet du G8, à Deauville (France), les 26 et 27 mai. Les experts ont appelé les dirigeants du G8 à soutenir la transition en Tunisie et plus précisément à soutenir une feuille de route qui serait élaborée et conduite par la Tunisie, qui identifierait clairement les acteurs impliqués et les montants à mobiliser. L'enveloppe nécessaire pour relancer l'économie et fonder les bases d'une démocratie est estimée à 25 milliards de dollars américains. M Olivier a précisé que «le coût du plan préconisé par les experts n'est que de 2 à 3% du coût de la réunification allemande et inférieur à l'enveloppe d'un à deux mois de la guerre en Irak». Une partie de ces fonds est assurée par les pays du G8. Historique, la révolution tunisienne a suscité un intérêt grandissant, la sympathie et le respect à l'échelle internationale. A cet égard, le Pr Stiglitz a précisé que «la succession des événements a été suivie de très près. Depuis, les professeurs tout comme les étudiants à l'université du Columbia multiplient les travaux et les études sur le modèle tunisien». En effet, la dynamique actuelle sera à l'avenir au moins aussi importante que la chute du Mur de Berlin. Les experts, chacun à son tour, n'ont cessé de rappeler qu'«il est essentiel que les membres du G8 saisissent toute l'importance de cet événement et fassent le nécessaire pour que la Tunisie demeure l'exemple du changement social, économique et démocratique pour l'ensemble de la région». Sur le terrain, la transition démocratique est en marche. Le peuple tunisien s'est engagé avec détermination dans la construction d'un Etat démocratique fondé sur des institutions pérennes. Toutefois, il convient de signaler que sur le plan économique, les transitions démocratiques engendrent souvent un fléchissement de la croissance économique, puis une reprise. En effet, pour cette année, l'économie tunisienne affichera une faible croissance. Pis encore, les actes de vandalisme ont pesé lourd sur l'économie, deux milliards de dollars, soit 4% du PIB. A cela s'ajoute la baisse des recettes touristiques et des exportations. Il s'ensuit que les besoins immédiats sont nombreux en termes d'assistance budgétaire, d'aides humanitaires et sanitaires pour les réfugiés de Libye, ainsi qu'en termes de soutien international pour le maintien du subventionnement des denrées alimentaires et de l'énergie. Faciliter l'accès aux marchés Selon l'expert américain, outre le financement, les pays occidentaux, notamment l'UE et les USA, seront appelés à faciliter l'accès des produits tunisiens sur leur marché, afin de stimuler les exportations. De même, il est opportun de réviser les dettes extérieures de la Tunisie. Toujours selon le prix Nobel, les acteurs de la société civile sont appelés à développer, en plus de leurs actions politiques, une plus grande contribution dans le domaine économique. En se référant à l'expérience des pays de l'Est, le Pr Jean-Louis Reiffers a rappelé que «le passage d'un capitalisme autoritaire à un capitalisme démocratique relève d'une démarche de longue haleine». Ce passage doit éradiquer les pratiques de corruption à tous les niveaux. Mettant l'accent sur le fiasco du processus de privatisation, l'expert a insisté sur la nécessité de transparence des appels d'offres des marchés publics. Dans les régions, la participation des citoyens et de la société civile est le seul garant de la réussite des plans de développement. «A l'heure actuelle, il faut trouver rapidement des projets concrets qui répondent aux attentes des acteurs de la révolution», a-t-il ajouté. M. Pastré, pour sa part, a mis l'accent sur l'urgence des actions et des financements. «Ça va se jouer dans les six prochains mois», a-t-il averti. L'économie tunisienne est, selon lui, victime de son succès. Malgré la confiance en la capacité de résistance et la réactivité de l'économie nationale, les vis-à-vis peuvent sous-évaluer les besoins de la Tunisie. Il a ajouté : «C'est aux médias de montrer convenablement l'image de l'économie». Enfin, les experts ont conclu qu'à moyen terme, le niveau d'éducation élevé de la population tunisienne est son principal atout pour devenir l'une des démocraties les plus dynamiques de toute la région.