Au-delà des statistiques publiées, mettant en valeur les projets réalisés et le saut qualitatif des conditions de vie des habitants de la région, le potentiel du gouvernorat de Siliana demeure, tout de même, sous-exploité. Riche en ressources naturelles et pauvre en investissements, ce paradoxe s'est illustré par un taux de chômage élevé et un exode massif vers la capitale et les zones côtières. On reconnaît, en fait, que la région souffre d'un faible rythme de création d'entreprises. En effet, jusqu'à ce jour, des lots de terrain sont encore vacant à la zone industrielle de la ville de Siliana. «Cette phase nécessite la multiplication des associations de développement pour sensibiliser, encourager, financer et accompagner les promoteurs, démunis de ressources financières et de culture entrepreneuriale», estime M. Mondher Chroudi, administrateur conseiller au gouvernorat. Il convient de rappeler que ce ne sont pas les richesses naturelles qui manquent au gouvernorat. Loin s'en faut. C'est plutôt une question de valorisation. Il suffit de s'arrêter sur le volet agricole pour s'en convaincre. En effet, la région est dotée des terres les plus fertiles et des ressources en eaux abondantes. Mais le niveau d'exploitation des terres et leurs rendements demeurent en deçà de leurs potentiels. A cet égard, le responsable avance que «l'implantation d'une unité industrielle de transformation des produits agricoles est de nature à dynamiser les champs de proximité». En effet, ces industriels apporteront une garantie de commercialisation des récoltes. Mieux encore, dans le cadre des contrats programmes, les agriculteurs bénéficieront d'une assistance technique et même d'un soutien financier. Sur un autre plan, les zones frontalières avec les autres gouvernorats peuvent développer, in extenso, les cultures, ayant déjà montré leur preuve. «Déjà les champs de pommiers se multiplient à la délégation d'Errouhia, adjacente à la délégation de Sbiba», souligne-t-il. Toujours d'après le responsable «la révision de l'allocation des sociétés agricoles de mise en valeur est de nature à mieux valoriser ces exploitations et à créer davantage d'emplois, surtout pour les diplômés». Volet tourisme, le gouvernorat souffre d'un manque flagrant d'unités hôtelières et de prestations touristiques. A la ville de Siliana, on ne compte qu'un seul hôtel en activité et un autre fermé depuis des années. Toutefois, le gouvernorat est doté d'un riche héritage culturel, d'une longue histoire et de la beauté de la nature. «On peut concevoir plusieurs circuits du tourisme culturel autour de nombreux sites archéologiques et des ruines des romains et des byzantins, notamment Zama, Misty, Maktaris…», relève-t-il. De même, les forêts qui couvrent Jbel Bargou et les vues imprenables offrent une assise propice au développement du tourisme écologique. L'éco-tourisme permet un meilleur positionnement de la destination tunisienne et de séduire de nouveaux marchés. Mieux encore, ces produits résistent à la saisonnalité. A toutes les saisons, la forêt garde son charme. La région est connue, également, par sa richesse en réserves de substances utiles, à savoir l'argile, silice, marbre… Malgré les quelques exploitations de marbre à Makther, plusieurs gisements attendent encore les investisseurs. Outre l'extraction, ces ressources naturelles offrent des opportunités d'investissements dans les activités de valorisation qui s'y rattachent. M. Mondher a évoqué qu'à «chaque patelin du gouvernorat est caractérisé par un métier spécifique». D'ailleurs, la proximité des matières premières et le savoir-faire hérité de père en fils ou de mère en fille sont les principaux atouts. Du tissage à la poterie en passant par les métiers du bois, ces activités manquent du soutien financier et risquent l'extinction. A la zone industrielle (Z.I.) de Siliana 2, à l'instar de plusieurs autres Z.I, on remarque que plusieurs lots sont encore vacants. Pis encore, quelques investisseurs étrangers travaillent en veilleuse. «Sous prétexte d'une faible activité, ils refusent d'honorer leurs engagements», précise-t-il. Trouver des repreneurs tunisiens paraît une solution qui pourrait arranger tout le monde. A seulement 130 kilomètres de Tunis, soit deux heures de route, ni les coûts ni les délais de transport supplémentaires ne seront des obstacles à l'implantation dans cette zone. La frustration des jeunes Au-delà des potentialités, les jeunes et les étudiants de la région ont évoqué leur mécontentement, voire leur frustration de l'inégalité des chances de travail et d'études entre leur gouvernorat et les autres régions. Dans un café du centre-ville, on a rencontré des jeunes qui discutent de tout et de rien. Zied, titulaire d'un diplôme de technicien en laboratoire, note qu'«après les études, j'ai travaillé à Tunis. Mais, au bout de quelques mois, avec un salaire dérisoire et un rythme de vie tendu, la situation s'est avérée insupportable». C'est ainsi que «de retour à ma ville natale, j'ai retrouvé ma famille, mes copains, mais je suis en chômage». Conscient de la difficulté de trouver un emploi, le jeune semble regretter son job. Son copain, Maher, chômeur, ne s'en plaint pas moins : «Tellement mon programme journalier est figé entre le café, jeux vidéo et Internet que je n'ai pas le temps pour travailler. Tout changement troublera ma vie entière!». Certes, soutient-il, «je n'ai pas de diplôme, ni d'expérience. Mais ce n'est pas un problème. Même les diplômés n'ont pas de boulot ni de chance à travailler». Mais notre jeune homme garde toujours l'espoir‑: «J'espère qu'après la révolution, on nous trouve des emplois dans le secteur public». Un peu plus loin, à l'ISET, Yosra, étudiante en terminale reconnaît que «pour réaliser mon projet de fin d'études, j'ai dû chercher un stage au sein d'une entreprise à Tunis. Pour la documentation, je me suis adressée aux facultés de Tunis. En visitant ces instituts, je me suis rendue compte de l'écart entre étudier à Tunis et ailleurs».