Par Maher KAMOUN * Dès la «fuite désertion» de l'ex-président de la République, tout le dispositif institutionnel qu'il a conçu et minutieusement mis en place s'est trouvé, en quelques heures, ébranlé et quasiment anéanti. Le peuple tunisien en révolution lui a fait perdre sa légitimité et a finalement contraint, après de longues journées d'attente, les autorités publiques intérimaires à déclarer désuète la Constitution, à dissoudre les deux Chambres parlementaires ainsi que le gouvernement et à appeler à l'élection d'une Assemblée constituante. Durant les deux mois qui ont suivi ce changement profond et inattendu, puis, pendant les cinq autres qui précèderont l'élection de la nouvelle Assemblée et le temps qu'il faudra encore pour élaborer la Constitution, l'adopter et la mettre en application, qui a eu (et aura) la charge réelle et effective de garantir la pérennité de l'Etat ? Qui a défendu et défendra ses structures et a assuré et assurera la continuité des services publics ? Qui a bien sauvé la révolution et qui la sauvera encore et toujours ? Ce ne sont certainement pas les partis politiques, ni les organisations nationales, ni les divers corps professionnels. Ce n'est pas non plus la société civile avec toutes ses composantes et ses mouvances. Qui donc alors l'a fait dans le silence et le fera ? Deux corps de l'Etat ont en fait travaillé, sans relâche et souvent dans l'ombre, pour éviter que notre pays ne tombe dans le chaos. Deux corps qui, par leur sens civique et patriotique, méritent de nous, citoyens, le plus grand respect. Je voudrais dans cet article leur rendre un vibrant hommage. Ces deux corps ne sont autres que notre armée nationale et notre administration qui, malgré les tentations, sont restées dans leur ensemble saines et hors des jeux et des ambitions politiques et des manœuvres politiciennes. Elles ont mis l'intérêt de la nation au-dessus de tout et de tous et se sont dressées en tout professionnalisme contre toute manipulation malveillante intérieure et extérieure. Ces deux «grandes muettes» ont toujours, chacune en ce qui la concerne, ou en parfaite harmonie, répondu présent et lever les défis quand le pays s'est trouvé en danger. Je cite en passant le rôle qu'a joué l'armée lors des évènements sanglants de 1978 ou de 1984 ou lors de la «destitution» du président Bourguiba. Je cite aussi le rôle qu'a joué l'Administration quand l'économie du pays s'est retrouvée à genoux suite à de mauvais choix politiques ou à une conjoncture nationale ou internationale difficile. Lorsque je parle de l'armée, je ne vise pas seulement les officiers supérieurs, mais toute l'armée et tous ses corps confondus. De même pour l'administration, ce n'est pas uniquement son staff que je vise mais tous ses agents d'encadrement de maîtrise et d'exécution. Je vise aussi toutes les institutions qui leur sont rattachées et qui soutiennent ou prolongent leurs actions, et particulièrement les écoles de formation qui assurent le renouvellement de leurs valeureuses ressources humaines. A tous, je dis aujourd'hui bravo et recommande de rester fidèles aux valeurs de neutralité et d'abnégation dont ils sont imprégnés.