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«La Tunisie a réussi à faire un pas très important, mais le plus difficile reste à faire» Interviews : Francesco Lo Iudice, responsable du comité des Italiens à l'étranger
«Qui payera le prix de la révolution tunisienne» ? C'est la principale interrogation de Francesco Lo Iudice, homme d'affaires et responsable du comité des Italiens à l'étranger, ainsi que d'autres associations. Il reconnaît tout de même que «la responsabilité est partagée par tous les opérateurs économiques, hommes d'affaires, travailleurs, consommateurs ainsi que l'Etat. Chacun de sa position est tenu de jouer pleinement son rôle pour construire un avenir meilleur. C'est notre pays, notre terre et notre culture et on doit défendre les acquis de la révolution. La Tunisie a réussi à faire un pas très important, mais le plus difficile reste à faire». A combien estimez-vous les dégâts des entreprises italiennes? On peut affirmer que la majorité des entreprises italiennes a été à l'abri des mouvements de violence et de vandalisme qui ont marqué les derniers évènements. D'ailleurs, on n'a constaté que quelques cas isolés de vol et d'incendie, générant de faibles dégâts. En effet, sur les 850 sociétés italiennes, seulement une dizaine ont été touchées, soit un taux timide de 11%. La situation n'est donc pas inquiétante. D'ailleurs, les hommes d'affaires italiens envisagent de constituer un fonds de soutien à ces entreprises pour compenser leurs pertes et les aider à reprendre leurs activités. Comment évaluez-vous la scène économique sous l'ancien régime ? Indépendamment de l'ancien régime, la Tunisie a assuré plusieurs avantages et incitations aux investisseurs étrangers et elle a tenté d'instaurer les bases d'une économie moderne et intégrée dans son environnement régional et international. La preuve est que je suis en Tunisie depuis une vingtaine d'années. Toutefois, l'on reconnaît que l'ancien régime a pesé lourd sur la qualité de la vie de la Tunisie. On était, à maintes reprises, contraints de payer des pots-de-vin pour faciliter notre circulation et le transport de nos marchandises. Ces dernières années, des familles bien connues ont eu la mainmise sur la majorité des secteurs et des grands marchés. Outre les activités verrouillées par la présence d'opérateurs privilégiés, appartenant à l'entourage de l'ancien président (on pense surtout au secteur automobile), on ne peut nouer certaines affaires sans le passage par l'un des «hommes forts» du clan du président déchu ou l'un de ses alliés. Quelles étaient les répercussions des derniers évènements de la révolte sur votre activité? On vit dans des conditions exceptionnelles. Couvre-feu oblige, l'activité de mes entreprises s'est réduite de trois équipes à une seule. En conséquence, on est dans l'impossibilité de réaliser les niveaux de production programmés et honorer ainsi nos engagements. Nos clients, de leur côté, sont très exigeants en matière de délais et on risque de les perdre définitivement. Cette baisse a été aggravée, également, par l'absentéisme et les grèves. Face à cette situation délicate, il est grand temps de travailler et non de revendiquer, même si toutes les demandes demeurent légitimes dans le cadre des négociations salariales. Par ailleurs, l'on pense tout de même que le retour à l'activité normale sera établi dans quelques jours après la levée du couvre-feu. Quels conseils donnez-vous aux entrepreneurs étrangers dans ces circonstances exceptionnelles ? Il convient de rappeler que les entrepreneurs ont souffert ces dernières années d'une crise mondiale structurelle, qu'on a dépassée, tant bien que mal. Par contre, cette situation n'est que conjoncturelle. Les promoteurs doivent miser donc sur le court terme et mobiliser leurs efforts pour retrouver les niveaux de production habituels. Certainement, lorsque le calme s'installe, la situation se rétablira. Inutile donc de paniquer. L'Etat, pour sa part, est appelé à intervenir activement, dans les plus brefs délais, pour préserver les intérêts des hommes d'affaires. Et quels conseils au nouveau gouvernement ? Retrouver la stabilité politique est la première priorité à court terme. Ce gouvernement aura pour tâche de négocier de nouveaux accords avec ses partenaires économiques et les institutions internationales, afin de répondre au mieux aux attentes du peuple, surtout des diplômés supérieurs dans les différentes régions du pays. Dans ce cadre, des investissements massifs sont nécessaires pour mettre à niveau les zones du développement régional, afin d'améliorer leur climat d'affaires. A mon avis, ce sont les grandes entreprises qui peuvent apporter les solutions aux besoins spécifiques de ces régions. D'où une révision du code d'incitations aux investissements pour mieux cibler ces opérateurs. En parallèle, je pense que plusieurs administrations méritent une mise à niveau pour répondre au mieux aux attentes des hommes d'affaires. Quelle image donnera une «Tunisie démocratique» pour les investisseurs étrangers ? Décidément une Tunisie démocratique sera davantage attrayante aux yeux des investisseurs étrangers. En réalité, les hommes d'affaires sont en quête d'un pays libéral qui offre des garanties réelles. En considérant sa proximité de l'Europe et son infrastructure moderne, la Tunisie démocratique dispose d'un avantage important par rapport aux pays concurrents, non seulement ceux de la rive sud de la Méditerranée mais aussi ceux de l'Asie. D'ores et déjà, un homme d'affaires italien m'a exprimé sa volonté de délocaliser, en Tunisie, son usine installée en Europe. Il est à noter que sa première visite en Tunisie a coïncidé avec les premiers jours de la révolution, et même si la situation était chaotique, le promoteur a estimé que c'est un pays structuré et sur la bonne voie. Il a insisté à ce qu'on trouve rapidement les solutions pour que l'activité retrouve son rythme habituel.