Disons-le d'emblée : le nouveau gouvernement d'union nationale communique mal. Pour peu qu'il le fasse. Parce que, parfois, il ne communique pas du tout. Et c'est pour le moins étrange. Que l'on se soit — heureusement — passé de ministère de l'Information, ne signifie guère qu'on passe outre l'information. Et puis plusieurs membres de ce gouvernement communiquent mal, même lorsqu'ils parlent. C'est paradoxal mais c'est ainsi. Cela se vérifie également à l'échelle de la communication non-verbale. La prestation de serment des nouveaux membres du gouvernement a eu lieu dans une salle où, les images TV le montrent bien, des soldats armés étaient déployés. Franchement, on aurait pu s'en passer. C'est d'autant plus patent que l'armée tunisienne assume avec brio sa vocation d'instance neutre, apolitique, au-dessus des partis et garante de la souveraineté des institutions républicaines. Ensuite, on manque de points de presse quotidiens pour faire précisément le point de la situation. Les événements se succèdent, les rebondissements s'enchevêtrent. Le gouvernement se tait. Pourtant, il y a tant de rumeurs actuellement en Tunisie. Le pays ne dément pas une réputation qui était déjà la sienne du temps des Romains qui jugeaient que Carthage se distinguait par «la rumeur et les odeurs». Mais point de précisions du gouvernement sur des faits rapportés par Le Monde, Le Point, Kapitalis, France Presse ou Reuters. Qu'en est-il des 800 commandos fidèles à Siriati et prêts à se sacrifier pour lui, selon Le Monde ? Quid des 1,5 tonne de lingots d'or qui auraient été pris par Leïla Trabelsi à la Banque centrale ? C'est quoi l'histoire des six voitures de l'ancien ministre de l'Education? Qu'en est-il des Trabelsi et des conseillers du président fuyard ? Le Premier ministre a affirmé sur France 24 qu'il a parlé au «président Ben Ali» (sic). Grand émoi dans l'opinion. La nouvelle ministre de la Culture a parlé à une chaîne télé tunisienne intégralement en français. Levée de boucliers dans les milieux culturels. Le ministre de l'Intérieur a tenu une conférence de presse sans concéder la moindre question aux journalistes. Il y a, de surcroît, tenu un langage musclé, menaçant, réduisant la révolution à des «événements» et les martyrs à de simples «tués». Réprobation générale. Ne parlons pas de la cacophonie et du mélange des genres. L'un parle des dossiers de l'autre, tels autres sont désignés ministres sans qu'on ne les en ait informés au préalable. Par dépit, ils annoncent leur démission par voie de médias. Bref, le déficit communicationnel est de mise. Et la situation est tellement nouvelle et chargée de symbolique et de symboles que même la moindre discrète bévue est captée en tant que signal fort. L'opinion est fiévreuse, l'opinion traque et ausculte les moindres indices. Ce ne sont pas les bourdes gouvernementales qui lui transmettront le message d'apaisement adéquat. Il est vrai qu'en politique, le silence est parfois requis. Lorsqu'il s'agit surtout d'écouter les inquiétudes sourdes. Et les Tunisiens sont franchement inquiets des incuries de leur nouveau gouvernement d'union nationale en matière d'information. Les ères changent, les vieux réflexes demeurent.