KHARTOUM (Reuters) — Environ quatre millions d'habitants du Sud-Soudan, majoritairement des chrétiens ou animistes, s'apprêtent à voter, à compter de dimanche, pour la partition avec le Nord du pays, principalement musulman. L'issue de la consultation, prévue par des accords de paix qui ont mis fin en 2005 à un demi-siècle de guerre civile, ne fait pratiquement aucun doute et le Président Omar Hassan Al Bachir a semblé se résigner à cette sécession mardi lors d'une visite à Djouba, la future capitale du Sud. "Notre préférence est l'unité, mais, au bout du compte, nous respecterons le choix des citoyens du Sud", a promis Al Bachir lors d'un discours prononcé devant les autorités sudistes. "On sera triste de cette séparation mais toutefois heureux d'assister à la paix", a-t-il ajouté en offrant l'assistance du Nord au futur nouveau pays. Mais des questions cruciales irrésolues ont été différées au lendemain du vote, qui ont trait à la citoyenneté, au partage des revenus du pétrole, dont le Sud possède 70% des gisements, au tracé exact de la frontière et au sort de la zone litigieuse d'Abyeï, dont les deux parties se disputent la souveraineté et où un référendum séparé est prévu. Même le nom du futur 54e membre de l'Union africaine (UA) et 193e pays du monde, dont le statut est revendiqué par les indépendantistes, n'est pas une affaire encore réglée. Parmi les appellations envisagées: Nouveau Soudan, Equatorie, Djouwama et République du Nil. "L'absence, pour le moment, de tout accord sur les dispositions à prendre après le référendum accroît le risque d'une remise en cause du résultat et d'une relance du conflit entre les deux parties", estime l'expert électoral Aly Verjee de l'Institut de la vallée du Rift, cercle de réflexion régional. Selon lui, l'impréparation et la fragilité qui caractérisent les arrangements entre le Nord et le Sud depuis les accords de 2005, notamment ceux conclus en dernière minute, menacent par avance la coexistence pacifique entre les deux Etats qui naîtront de la division du plus vaste pays du continent. Ni le Nord ni le Sud ne peuvent se permettre un retour à la guerre et ils devront s'entendre sur une forme de partage des richesses pétrolières, dont ils dépendent tous deux. Si le Sud recèle 70% des gisements, toutes les infrastructures se trouvent dans le Nord, aussi les royalties dépendent-elles de bonnes relations bilatérales. Mais les investisseurs restent sur leur garde, au vu des points d'interrogation qui subsistent quant aux modalités de la partition et à la minceur des accords de fond conclus entre les deux parties à la veille de ce référendum à l'issue prévisible. Les manœuvres dilatoires du Nord pour retarder l'échéance de la partition ont échoué car la commission chargée d'organiser le référendum a fait des miracles, avec l'aide de la communauté internationale, pour mettre sur pied cette consultation en moins de six mois. Mais nombre d'observateurs prédisent que le gouvernement central de Khartoum retardera le plus possible son acceptation du résultat de la consultation — attendu avant le 15 février — car il a d'ores et déjà fait état de fraudes aux inscriptions sur les listes électorales et les a portées devant la Cour constitutionnelle, dans l'espoir de retarder le processus. Le Sud espère quant à lui être en meilleure position de négociation après la proclamation du résultat du référendum et ne plus avoir le couteau sous la gorge pour discuter des modalités de son divorce avec le Nord. Une fois les lampions des festivités d'indépendance éteints, il va bien falloir toutefois que les dirigeants des deux Etats distincts s'assoient à une même table pour prendre des décisions dans l'intérêt mutuel de leurs populations et de leurs économies respectives. Le rôle de la communauté internationale sera crucial à cette étape. Si la plupart des pays donateurs concentreront leur aide et leur attention sur le Sud, pour prévenir l'échec du nouvel Etat, handicapé par sa pauvreté, la communauté internationale devra aussi éviter que le Nord ne glisse vers le radicalisme islamique. "Nous proposons des incitations économiques pour encourager le Nord à une gouvernance plus pluraliste et ouverte après la sécession", a précisé à ce propos un haut diplomate occidental, mais les analystes les estiment insuffisantes. L'inculpation d'Al Bachir par la Cour pénale internationale de La Haye pour génocide et crimes de guerre au Darfour demeure l'obstacle majeur à la véritable incitation que constituerait la levée des sanctions commerciales décrétées par les Etats-Unis contre Khartoum et à l'effacement de sa dette extérieure. Aussi, si le résultat du référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan ne fait guerre de doute, les problèmes du Soudan sont-ils loin d'être résolus.