Face à l'inertie des partis politiques traditionnels, pullulent, ces dernières semaines, les initiatives et les coordinations dites citoyennes et se proposant comme l'alternative tant attendue à l'occasion des prochaines élections. Sauf que les personnalités qui les composent ne sont pas aussi nouvelles qu'elles le prétendent Ceux qui ont dit que les Tunisiens ont divorcé d'avec la politique, que les prochaines élections législatives et la présidentielle connaîtront une désaffection populaire sans précédent et que les partis politiques, et par conséquent les politiciens de la post-révolution, seront boudés le jour des scrutins législatifs et présidentiel se doivent de réviser leur prophétie à la lumière de la multiplication, ces dernières semaines, de la création de coordinations citoyennes ayant pour objectif de sensibiliser les citoyens à la nécessité d'accomplir leur devoir électoral et se donnant pour ambition de supplanter les partis politiques en place auxquels on reproche une centralisation de décisions trop poussée et on impute la responsabilité de cette rupture citoyens-vie politique. Ces coordinations ou initiatives auxquelles on colle les étiquettes de citoyennes, progressistes et sociétales sont présentées à l'opinion publique comme constituant l'alternative unique au «désert politique» qui marque actuellement le paysage post-révolution où on a, de jour en jour, l'impression qu'entre les préoccupations et les ambitions des politiciens et les priorités et les attentes des Tunisiens, il existe un fossé qui se creuse de plus en plus au gré des affaires qui surgissent, à un rythme soutenu, sur la scène nationale et dont le traitement par nos politiciens est perçu comme un traitement à caractère partisan visant à préserver les intérêts des uns ou à marquer des points au profit des autres. La société civile au service des partis Et les appellations que ces coordinations choisissent de révéler une volonté d'introduire sur la scène politique nationale un nouveau lexique qui rompt avec le lexique ambiant et promet au citoyen un discours nouveau, avec des formules nouvelles, des pratiques innovantes et aussi des personnalités qu'on qualifie de nationales et qu'on présente comme étant «vaccinées contre les dérives» des partis politiques au pouvoir ou dans l'opposition. Idem pour les anciens ministres ou députés constituants qui ont quitté leurs partis ou y ont été écartés et qui reviennent aujourd'hui avec l'étiquette d'expert, de constitutionnaliste ou de compétence avérée dont le pays a maintenant plus que jamais besoin «pour sortir d'une crise qu'il n'a jamais connue au fil de son histoire». Ces sauveurs qui reviennent parce que la Tunisie a besoin de leur compétence, de leur savoir-faire et de leur crédibilité sont convaincus, comme ils le déclarent à l'instar de Mahmoud Ben Romdhane, ancien ministre nidaïste et actuellement coordinateur général du collectif «Qadiroun» (à traduire par capables), qui souligne que le paysage politique actuellement déséquilibré au profit d'Ennahdha a besoin «d'une large coalition politique, progressiste et démocratique misant sur une action différente au sein de ses structures». Mais comment le collectif «Qadiroun» va-t-il opérer pour prétendre accéder au statut d'une force politique? Et «Qadiroun», qui rassemble Néjib Chebbi (Parti du mouvement démocratique), Tahar Ben Hassine (Al Mostakbal), Al Massar et Mahmoud Ben Romdhane (dissident de Nida Tounès) de se contenter d'annoncer que «la prise de décisions sera exercée d'une manière démocratique, loin des tractations politiques sur la base d'un pouvoir décentralisé afin de permettre à chaque région de choisir son propre candidat aux législatives», comme le précise sa charte. Quant à la société civile qu'on présente comme à la base de telles initiatives ou coordinations, il n'est pas indiqué comment des personnalités comme Tahar Ben Hassine ou Néjib Chebbi vont se comporter avec des constitutionnalistes comme Sadok Belaïd ou Amine Mahfoudh ou un intellectuel comme Youssef Seddik, sans oublier Om Ziad et Kalthoum Kennou, l'ancienne présidente de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) et ancienne candidate à la présidentielle de 2014. Quand il sera question de choisir le candidat fédérateur de ces coordinations au palais de Carthage, l'on se demande quelles seront les procédures qui seront mises au point pour convenir de la personnalité qui aura la charge de concurrencer les candidats des autres partis. Pour le moment, les Tunisiens qui s'attendent à tous les scénarios possibles lors des législatives et de la présidentielle d'octobre et novembre 2019 voient les coordinations et les initiatives se multiplier et essayer de faire leur promotion en tant que meilleure alternative possible à la morosité dominant, pour l'heure, le paysage politique national. En attendant ce que leur réserve l'avenir.