On peut affirmer, sans risque de se tromper, que la Tunisie est le seul et unique pays au monde où un syndicat détient les rênes du pouvoir de tout un ministère ! En l'occurrence le ministère de l'Education En vérité, c'est la Fédération générale de l'enseignement secondaire (Fges) qui fait la pluie et le beau temps (et, surtout, la pluie). Bien qu'elle relève de l'Ugtt, elle a fait savoir à tout le monde, y compris à l'Ugtt elle-même ainsi qu'au ministère, la société civile, aux représentants du peuple, etc.) qu'elle n'a d'ordre à recevoir de personne. Escalade sur tous les fronts Son programme est le même depuis plusieurs années. A chaque saison scolaire, les revendications fusent de toutes parts ne laissant aucune chance aux autorités de réagir ou de trouver les solutions. Aucune initiative venant des autorités n'a de chance d'aboutir. Même les aspects pédagogiques, réglementaires et pratiques sont rejetés en bloc acculant le département de l'Education à un attentisme fort préjudiciable au système éducatif. Les responsables de la Fges évoluent dans un espace qu'ils ont investi avec force et où personne ne peut leur disputer le monopole de l'action pour la « défense des intérêts des enseignants ». Du coup, tous ceux qui les critiquent ou essayent de s'opposer à leurs projets sont voués à la vindicte publique. Des accusations et des menaces sont lancées contre n'importe quel opposant. C'est, justement, pourquoi toute velléité d'attaque contre les comportements de la Fges est violemment vilipendée. A ce titre, on n'a pas manqué de voir que des quolibets auraient été même lancés à l'encontre du SG de l'Ugtt lors de la dernière « journée de colère » organisée par la Fges. C'est aussi au cours de cette marche que près d'une dizaine de journalistes ont été pris à partie par des participants à cette journée dont une journaliste enceinte. Selon ces agresseurs, les médias adoptent une attitude « hostile » à l'égard de leurs mouvements. Les journalistes sont traités de « mercenaires » à la solde des corrompus. En tout état de cause, le Tunisien et, notamment, les parents d'élèves, subissent la situation et ne savent à quel saint se vouer. Ils assistent, impuissants, à la détérioration irréversible de la situation et aux menaces imminentes qui pèsent sur l'avenir de près d'un million de collégiens et de lycéens. Leurs craintes sont d'autant plus fondées que c'est toute l'année scolaire 2018-2019 qui est en jeu. D'ailleurs, les responsables de la Fges ne s'offusquent guère d'assurer que tout sera fait pour que cette année ne se déroule pas de façon normale. Tous les moyens sont bons pour parvenir « à la satisfaction de leurs revendications ». Pour eux, la responsabilité de cette impasse est due aux autorités qui ne « respectent pas » leurs engagements. Aussi, affirment-ils à haute voix que la Fges ne reconnaît aucune ligne rouge dans sa « lutte légitime » pour les droits des enseignants. A cet effet, elle n'exclut pas une année blanche. Déjà, les consignes sont claires. Dans un récent communiqué publié hier, 3 janvier 2019, elle appelle tous les professeurs à ne pas remettre les notes (devoirs de contrôle, tests, notes d'oral, devoirs de synthèse, etc.) pour couper l'herbe sous les pieds de l'administration. Celle-ci a été, en effet, pressée par le ministère de réunir les conseils de classes pour évaluer le premier trimestre en prenant en compte, uniquement, les notes obtenues de façon effective. Impuissance Les directeurs des établissements sont « invités » par la Fges à ne pas suivre les directives de la hiérarchie et à ne pas organiser ces conseils de classes. De cette manière, la Fges compte faire obstruction totale à toute tentative de nouvelle médiation à la situation inextricable dans laquelle se trouve tout le système. Le syndicat va plus loin en prônant tous les boycotts possibles pour faire avorter les mesures qui ont été (ou seront prises) par le ministère. C'est pourquoi on envisage, même, le boycott des cours dans le cas où les autorités viendraient à prendre des mesures « contraignantes » contre les enseignants. D'ores et déjà, les responsables de la Fges ne s'en cachent pas : il n'y aura pas d'examens pour le deuxième trimestre. La même option ne serait pas à écarter pour le troisième trimestre. En somme, les élèves n'auront plus aucun enjeu. Comment vont-ils travailler sereinement s'ils savent d'avance que leurs efforts ne seront pas couronnés de succès et qu'ils ne seront pas évalués? Le plus grave c'est que les examens nationaux seront touchés par cette batterie de mesures prises par le syndicat du secondaire. En effet, c'est l'examen du Diplôme de fin d'études de l'enseignement de base (le concours de neuvième) et le Bac qui seront touchés. Du coup, c'est toute une année scolaire qui sera torpillée sans qu'aucune partie de la société civile, des parents, des autorités judiciaires, etc. ne bronche. Inertie totale, donc, face à une hydre qui avance à pas sûrs et menace l'avenir de toute une génération. Les prétextes ou les raisons des uns ou des autres ne peuvent, en aucun cas, justifier que l'on s'attaque de cette manière à ce qui fait le fondement de notre société. A savoir l'éducation et le savoir. Ce qui se trame, actuellement, du primaire au supérieur, en dit long sur les intentions des instigateurs de ces mouvements. On en veut pour preuve les sit-in entamés depuis le 2 janvier par les enseignants suppléants du primaire et le boycott des cours, les actions entreprises par la Fges et le boycott administratif imposé par l'union des enseignants universitaires chercheurs tunisiens qui se livre à un duel avec la Fgesrs (Fédération générale de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique) relevant de l'Ugtt. Pourquoi s'en prend-on, précisément, à l'enseignement en Tunisie ? Celui qui répondra à cette question comprendra les vrais tenants et aboutissants des mouvements qui sont menés par différentes parties.