En matière de criminalité, la Tunisie se classe 10e dans le Monde arabe et 73e au niveau international. La police tunisienne et les services de douane sont confrontés à plusieurs problèmes dans l'exercice de leurs attributions et en matière d'équipements pour pouvoir faire face au crime transnational. L'augmentation du crime dans notre pays inquiète, notamment celui lié à la drogue qui touche nos jeunes à partir de l'âge de 15 ans, soulignent les experts de l'Ites et du ministère de l'Intérieur Après une stabilité relative enregistrée en 2015 et 2016, le taux de criminalité a augmenté en Tunisie sur fond d'une recrudescence préoccupante du chômage, de la violence et d'un sentiment de frustration qui hante de plus en plus les jeunes. Même les sécuritaires et les douaniers ne sont pas épargnés et subissent des actes de violence punis par la loi, et ce, au moment où l'on parle de prestige de l'Etat dans le discours officiel, a relevé le président de l'Ites, Neji Jalloul, dans son allocution d'ouverture des travaux de la conférence autour de la criminalité en Tunisie, organisée jeudi dernier à Tunis en collaboration avec la Konrad Adenauer stiftung. Tunis, Sousse, Nabeul et Sfax, les plus touchés par le crime Un million d'enfants se sont trouvés en dehors du système scolaire après la révolution, et un million sept cent mille personnes sont en dessous du seuil de pauvreté, alors que 50% des jeunes ne pensent qu'à quitter le pays en raison de ce sentiment de frustration. Ces facteurs sont catalyseurs de la délinquance et de la criminalité, sans toutefois oublier la dégradation du système éducatif et la violence qui domine le discours politique. En effet, 42% des détenus sont des jeunes et 73% des personnes poursuivies dans des affaires criminelles ont moins de 16 ans, selon des statistiques enregistrées en 2017. Dans ce même contexte, ce sont les gouvernorats de Tunis, Sousse, Nabeul et Sfax qui figurent aux premiers rangs du sinistre tableau de classement en matière de criminalité et en dernière position on trouve Tataouine en dépit d'un taux de chômage élevé dans ce gouvernorat. Autre mauvais constat, la Tunisie se classe 10e dans le monde Arabe et 73 au niveau international. Certes, les causes sont aussi multiples que complexes, souligne le président de l'Ites, mais les statistiques alarmantes méritent qu'on s'y arrête en sonnant l'alerte d'une manière urgente. Il préconise une panoplie de mesures, dont notamment la création d'un observatoire national de lutte contre la criminalité et la révision des prérogatives dans les postes de police. Les crimes de violence en nette augmentation De son côté, la directrice de la coordination régionale relevant du ministère de l'Intérieur, Najet Jaouadi, confirme l'augmentation de la criminalité dans le pays avec dans le top 10 des crimes, ceux liés à la violence. Si on réussit à endiguer ce fléau, les autres types d'infractions pénales régresseront inéluctablement et cela impactera même les actes terroristes. 25 mille affaires de violence ont été enregistrées durant ces six derniers mois par les unités de la police nationale, c'est-à-dire sans compter celles recensées par les unités de la garde nationale. Une augmentation de 36,4 % est à signaler à ce niveau par comparaison avec l'année 2017.Sur le plan national et pour les différentes catégories de crimes, cette augmentation atteint 93%. Le nombre des affaires recensées sur le plan national est estimé à 174.828 durant les dix premiers mois de l'année en cours. Les homicides volontaires ont connu une augmentation durant la même période, et sont passés de 170 pour les dix premiers mois de l'année 2017 à 326 en 2018. La violence sévit partout, à la maison entre les couples, dans les bureaux, dans la rue, les stades et les établissements scolaires, souligne-t-elle, déplorant à cette occasion l'absence d'une stratégie orientée vers la lutte concrète et efficace contre la violence. Les cas de suicides et de tentatives de suicides ont augmenté par comparaison avec l'année dernière avec 84 cas de suicide et 628 tentatives, et ce en raison surtout des relations familiales marquées par les fissures et la violence, selon Mme Jaouadi. Absence de stratégie de prévention pour les crimes liés à la drogue Le grand danger provient des crimes liés à la drogue et qui sont en nette augmentation, et ce, pour la simple raison que notre pays n'est pas doté d'une stratégie de prévention à même de faire chuter les statistiques relatives à la consommation et à la vente de la drogue. Les jeunes commencent à consommer de la drogue à partir de l'âge de 15 ans. C'est par conséquent au ministère de la Santé, qui se trouve dans la première ligne de prévention contre l'addiction aux produits psychotropes, de se pencher sérieusement sur ce problème, car l'approche de la lutte ne pourrait se reposer uniquement sur le volet sécuritaire, confirme Mme Jaouadi. D'autre part, elle a averti qu'il existait un lien étroit entre la commercialisation de la drogue et le terrorisme. On parle aujourd'hui de crime transnational bien organisé qui ne concerne pas que la Tunisie, mais qui transcende aussi les moyens de lutte, somme toute dérisoires, sur le plan national, comme l'ont fait savoir certains intervenants lors de cette conférence. « Plusieurs intervenants ont appelé à la modernisation des équipements et des moyens d'investigation de la police et de la garde nationale. On continue encore à travailler avec des moyens désuets, la police tunisienne est confrontée à plusieurs problèmes dans l'exercice de ses attributions et il est urgent de la doter d'équipements ultramodernes pour lutter contre la criminalité qui menace la sécurité nationale du pays, a fait remarquer l'expert de lItes », Elmi Attia. Ce dernier a aussi appelé à une réforme au niveau des attributions et prérogatives des postes de police et à la séparation des tâches administratives et celles qui relèvent du domaine des affaires judicaires dans ces postes. De son côté, la présidente de l'Union nationale des femmes tunisiennes, Radhia Jerbi a pointé du doigt la violence exercée, l'égard des femmes comme en témoignent les statistiques à ce propos. En effet, 50% des femmes ont été la cible d'actes de violence en 2016 soit au foyer au travail ou dans la rue alors que le taux des actes de violence sexuelle à l'encontre des femmes est estimé à 70% dans certains gouvernorats. Mme Jerbi a expliqué aussi que la femme a longtemps gardé le silence devant l'inégalité hommes-femmes en matière d'héritage, ce qui est assimilé à un acte de violence, c'est pourquoi il est urgent de mettre en application le projet de loi sur l'égalité successorale. Le représentant de la direction générale de la douane a de son côté démontré la prolifération de la contrebande après la révolution. « La contrebande a nettement évolué et des bandes organisées sont très actives sur nos frontières. Derrière ces bandes, on retrouve des personnalités haut placées dans la société. C'est comme dans la Mafia », confie-t-il. Dans ce même contexte, il a déclaré qu'un lien étroit existe aujourd'hui entre la contrebande et le terrorisme et les bandes organisées qui opèrent aujourd'hui dans le trafic d'armes au profit des groupes terroristes ainsi que dans le trafic d'or. Il a déploré le manque de moyens dont disposent les unités de contrôle de la douane tunisienne ce qui nuit aux efforts de contrôle notamment sur les frontières. Lutte anti-terroriste Ramzi Kheder, représentant du pôle sécuritaire contre le terrorisme et le crime organisé, a signalé que depuis 2011, on a recensé en tout 63 opérations terroristes avec un pic en 2013(17), 2014(16) et 2015(14). Il a appelé à la création d'un organe unifié pour la lutte contre le terrorisme et l'application de la stratégie de lutte contre ce fléau, ainsi que le durcissement de la politique pénale à l'encontre des éléments terroristes. Nombre d'affaires criminelles 2015 :187562 2016 :173070 2017 :196848 Les dix premiers mois de 2018 :185617 Nombre des personnes impliquées 2015 :180420 2016 :166951 2017 :196989 Les dix premiers mois de 2018 :189189 .