C'est manifestement une crise sectorielle généralisée qui vient de s'emparer de l'économie tunisienne, alors que, depuis des mois, plusieurs secteurs sont montés au créneau pour signifier qu'ils connaissent des difficultés à répétition et qu'ils sont prêts à l'escalade si le gouvernement ne les écoute pas et n'entame pas des négociations avec eux. Dernier secteur en date à manifester sa colère, les producteurs agricoles ont tenu, hier, 3 mai, une rencontre avec les médias pour leur exposer leur situation et leurs revendications. Les éleveurs vendent leurs vaches ! «Affamer l'agriculteur est une arme de destruction massive qui met en péril l'avenir de l'agriculture et qui équivaut à une franche destruction de l'économie nationale. Aujourd'hui, l'agriculteur vit un problème fondamental lié au coût de production dans toutes les filières (viande, lait, céréales, fruits et légumes...). Les coûts de production ont flambé et le produit agricole n'a pas augmenté de prix au niveau du producteur alors qu'il a beaucoup augmenté pour le consommateur», regrette Karim Daoud, président du Synagri. Selon notre interlocuteur, il s'agit à l'origine d'un problème de désorganisation des circuits de distribution. Pour étayer son propos, il nous expose l'exemple du lait qui est singulièrement révélateur. Aujourd'hui, le prix d'un litre de lait est fixé à 766 millimes au départ chez l'éleveur, alors que le coût de production se situe à 950 millimes, ce qui veut dire que l'agriculteur perd dans l'opération environ 200 millimes au litre ! «Ces prix sont fixés par le gouvernement qui ne veut pas les réviser à la hausse. Par conséquent, les éleveurs ne peuvent plus tenir financièrement et ils sont obligés de vendre leurs vaches, et ils ne vont donc plus produire durant les années à venir. Et cet exemple est générique, car ce qui est vrai pour le lait l'est aussi pour la plupart des secteurs. Même hausse des coûts et même stagnation des prix fixés pour les producteurs», commente le président du Synagri. «Ce que nous demandons, c'est une véritable politique de liberté et de vérité des prix au niveau de la production en fonction des coûts. Il faut également noter que si la filière du lait est organisée, ce n'est pas le cas pour le reste des secteurs qui connaissent une situation encore plus critique», ajoute-t-il. Une situation qui risque de se compliquer si le gouvernement tarde à réagir, au moins à écouter ce que les producteurs agricoles ont à dire. Karim Daoud a lancé un appel à son adresse : «Nous sommes aujourd'hui là pour dire que les différents secteurs de production agricole sont en souffrance et que le métier d'agriculteur est en péril pour l'avenir ; nous demandons qu'il y ait une véritable politique agricole qui prenne en considération la réalité des difficultés de nos secteurs et de la compréhension du fait que s'il n'y a pas de filière là où se construit l'avenir de la production, il n'y a pas d'avenir clair pour la disponibilité des produits».