Par Jalel MESTIRI L'invisibilité dans les rouages sportifs et dans les médias est extrêmement significative. Une chose est sûre : les inégalités des sexes dans le sport relèvent de l'institution, des modes d'organisation du sport, des choix politiques attestés par des textes et des lois. Si des conditions sociales et géographiques produisent des inégalités, la place de la femme dans les pratiques sportives est en même temps tributaire du niveau institutionnel et politique. Toute l'histoire du sport s'est construite par et pour les hommes. En particulier dans les activités dans lesquelles les femmes sont peu nombreuses et que le mythe et la culture ont dévolues aux hommes. C'est-à-dire des activités jugées tout simplement «non féminines». De tout temps, le sport a été pensé et organisé pour former les hommes à la masculinité et à la virilité, pour qu'ils deviennent de «vrais hommes». Hommes et femmes sont certes différents, mais ces différences, entre autres morphologiques, étaient pensées et incorporées comme une infériorité naturelle, alors qu'il s'agit d'une construction culturelle et sociale. Et c'est sur ces différences naturalisées que se sont ancrées, socialement et politiquement, les inégalités et les discriminations tout particulièrement dans le sport. Aux Jeux olympiques de Barcelone, c'était une Chinoise qui avait gagné le concours mixte de tir aux clays, discipline olympique peu connue, mais juste après les Jeux, on avait changé les règles et scindé la discipline en deux catégories : hommes et femmes. Preuve que le machisme était, et est toujours, ambiant. Ces inégalités et ces discriminations entre les sexes perdurent à tous les niveaux de la pratique sportive : accès à la pratique et aux diverses disciplines sportives, place dans le sport de haut niveau, accès aux postes de responsabilités, invisibilité ou présence conditionnelle dans les medias. Certes, des déclarations de principe sur la mixité, et au mieux la parité, existent depuis longtemps, mais toutefois sans effet voyant sur les faits ainsi qu'on peut l'observer chez nous. L'histoire du sport tunisien a pourtant prouvé que les femmes peuvent prendre part à tous les sports. Elles sont même capables d'y exceller. Il y en a qui sont montées sur les plus hautes marches des podiums. Mais dans les faits, il y a toujours très peu de femmes dans des sports considérés comme «masculins», les sports de force, de combat rapproché, les sports à risque et motorisés. Elles y sont minoritaires et surtout encore très malvenues. La pratique féminine dans le sport tunisien reste cantonnée à quelques disciplines. Elle fait figure de parent pauvre. Le plafond de verre est omniprésent dans notre monde sportif qui draine l'essentiel de l'attention médiatique. Les inégalités et discriminations prennent souvent la forme d'un procès de virilisation incessant. Nombre de sportives performantes tunisiennes sont interpellées quant à leur identité de «vraies femmes». Il existe une vraie inégalité sexuelle dans les instances qui pensent le sport tunisien. Evidemment, cela conduit à un univers largement centré sur des modes de pensée très masculins. L'invisibilité dans les rouages sportifs et dans les médias est extrêmement significative. Une chose est sûre : les inégalités des sexes dans le sport relèvent de l'institution, des modes d'organisation du sport, des choix politiques attestés par des textes et des lois. Si des conditions sociales et géographiques produisent des inégalités, la place de la femme dans les pratiques sportives est en même temps tributaire du niveau institutionnel et politique. Il faut inlassablement rendre visibles ces inégalités et discriminations. En dépit des revendications et de vigilance, les changements concernant les conditions de vie et activités des femmes sont décevants. Quand on laisse faire les choses, les pratiques dominantes ont toutes les probabilités de se reconduire, les logiques de distinction et de discrimination tendent alors à se reproduire. Les recommandations de toutes sortes existent et ne font pas défaut, mais elles demeurent très souvent au rang de principes évocateurs. Plusieurs leviers peuvent contribuer à un nécessaire rééquilibrage : la politique du ministère des Sports, les actions conduites par les fédérations en direction des femmes, les initiatives qui peuvent être intéressantes de la part d'autres instances, ainsi que le rôle positif du sport à l'école qui constitue un précieux laboratoire de la parité et de la mixité. Les démarches volontaristes sont également nécessaires ; les lois et textes existants, incitatifs, voire anti-discriminations doivent être appliqués sous peine de sanctions. Les exploits des sportives peuvent également constituer un formidable exemple pour réfuter les stéréotypes sexués qui cantonnent les femmes à certaines activités, et faire ainsi progresser l'égalité entre les femmes et les hommes dans le sport. L'égalité est une question de traitement, de considération, tant au plan des lois que des pratiques. L'égalité est donc politique. C'est surtout un combat sportif. Le sport n'est, par essence, de nature ni féminine ni masculine.