Par Kamel GHATTAS Les derniers résultats enregistrés à l'issue de la participation de l'équipe de Tunisie, aux Championnats du monde, ont été décevants. Décevants, non pas parce que nos représentantes n'ont pas fait l'effort qu'il fallait, mais tout simplement en raison des qualités intrinsèques des handballeuses tunisiennes qui ont toujours fait montre d'une combativité et d'une hargne exemplaires. De toute façon, lorsqu'on brasse son élite dans une masse insignifiante on ne peut pas s'attendre à plus. N'ayant franchement pas suivi tout le cycle de préparation qui a précédé cette participation, il serait déplacé de faire part de remarques qui pourraient jeter l'anathème sur des personnes qui ne la méritent pas. Les responsables directs de cette préparation sont à même de mieux cerner les insuffisances. Il est néanmoins important de faire remarquer que pour la préparation de nos différentes sélections, nous réempruntons les chemins maintes fois battus et qui ont prévalu lors des décennies précédentes. Nous avons à maintes reprises, sur ces mêmes colonnes, soulevé le cas de la prise en charge de nos féminines, dans toutes les disciplines sportives. Considérant que nos filles possèdent une formidable marge de progression par rapport à leurs camarades masculins, il est absolument nécessaire de saisir et d'exploiter ce filon à portée de main. Les résultats qu'enregistrent nos féminines en sports individuels devraient être un révélateur de nature à titiller les responsables à différents niveau. Il n'est un secret pour personne que tout est pour les sélections masculines aussi bien au niveau des clubs que des sélections. Bien sûr, on se mobilise, mais pas autant pour les uns que pour les autres. Mais indépendamment de cet aspect, c'est la base dans laquelle se recrute l'élite actuelle qui est en question. Dans certaines disciplines comme la natation, l'escrime, le tennis par exemple, les parents jouent un rôle extrêmement important dans la réussite de leurs enfants. Mais combien de jeunes filles ayant des qualités exceptionnelles, mais qui n'ont pas de parents en mesure de les accompagner aux entraînements, de leur acheter le matériel que les clubs sont incapables de leur fournir, de les alimenter pour récupérer et garder aussi bien la motivation que l'ambition de gravir les marches d'un podium ? Cela suppose que le sport féminin, toutes disciplines confondues, perd en route beaucoup d'énergie et de moyens, faute de logistique et de vision prospective. Pire que cela, il n'exploite presque rien de sa formidable capacité de mobilisation. Il perd ces atouts, alors qu'il possède une réserve exceptionnelle de jeunes filles qui se trouvent tout simplement au sein des écoles et collèges et que personne ne prend en charge. Certes, il y a des cours d'éducation physique et sportive, mais cela n'a rien à voir avec la compétition et la défense des couleurs nationales. A l'ère où on prêche l'égalité homme-femme, la moitié de la population tunisienne est ainsi privée de l'honneur de participer à l'essor sportif de son pays. Nous avions suggéré de trouver une formule pour faciliter la pratique du sport de cette masse de jeunes filles de tous les âges, en allant vers elles dans leurs écoles et leurs collèges, et en leur ouvrant les portes du sport civil, où la compétition est meilleure et les possibilités de progression beaucoup plus importantes. En ouvrant les compétitions civiles aux scolaires, on prospectera dans une masse plus vaste, plus fournie. En laissant les filles s'entraîner dans leurs établissements (on commencera par les établissements qui possèdent des installations appropriées), en recomposant les poules et les divisions, on évitera les longs déplacements, tout en attirant un potentiel à même de venir grossir le nombre de pratiquantes. En toute confiance, car les parents accepteraient mieux que leur fille pratique le sport au sein du collège ou du lycée. Le ministère des Sports n'a pas réagi et aucune fédération ne semble intéressée par cette suggestion qui, il est vrai, leur donnera du travail supplémentaire. Il est vrai que cette association directe entre scolaire et civil est l'atout sportif majeur d'un pays «sous-développé» comme les USA et de bien d'autres nations qui ont compris l'opportunité de cette alliance stratégique, des pays beaucoup plus avancés que nous et qui dominent dans presque toutes les disciplines sportives aussi bien au niveau mondial qu'olympique. N'est-il pas temps de penser à cet aspect du problème et cesser de verser des larmes de crocodile pour se lamenter face à des résultats produits par quelques centaines de pratiquantes, alors que le reste de toute une population est mis à l'écart, et desquelles on demande tout en ne leur concédant rien ? N'y a-t-il pas un seul président de fédération courageux et entreprenant pour briser ce tabou, ce verrou et montrer le chemin ? Faut-il solliciter un autre ministère pour mobiliser cette masse importante de jeunes Tunisiennes capables de révolutionner le sport dans le pays ? Ne pourrait-on pas commencer par inviter les fédérations dans une première étape de créer des Ligues féminines avec un budget indépendant qui leur serait versé directement par la tutelle, en fonction de leurs objectifs et non pas concédé au compte-gouttes par la fédération ?