Le projet de budget de l'Etat prévoit une augmentation des transferts de l'Etat pour les collectivités locales de 36 MDT, soit 430 MDT en 2018 contre 349 MDT en 2017 Bien que la décentralisation soit un principe qui a été inscrit dans la nouvelle Constitution tunisienne, cela reste encore un concept vague, surtout quant à son application effective. La décentralisation est un processus qui englobe un engagement de tous les acteurs dans la conception d'un nouveau modèle de société, qui se base sur le partage des responsabilités au niveau national et local et sur la lutte contre les inégalités régionales. Dans la conjoncture actuelle, caractérisée par des difficultés économiques accrues, le rôle du secteur privé dans le décloisonnement des régions intérieures devient crucial, pour investir davantage et booster le développement économique. En fait, le secteur privé fait face également à des obstacles en relation avec l'environnement des affaires dans les régions intérieures qui n'est pas toujours adapté à l'installation des entreprises privées, ne favorisant pas leur déploiement. Et pour celles qui s'y sont installées, elle souffrent de la lenteur administrative, des difficultés financières et de mise en concrétisation de leurs investissements faute d'infrastructures adéquates. Un contexte qui est en train d'être débattu pleinement, durant la 32ème édition des Journées de l'entreprise organisée les 8 et 9 décembre 2017 à Sousse par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace), ayant pour thème : «L'entreprise et la décentralisation : dynamisme et opportunités». Un événement qui a rassemblé des décideurs et responsables politiques et des chefs d'entreprise sur cette thématique, à quelques mois de la tenue des élections municipales. Inaugurant la manifestation, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a affirmé que le gouvernement est en train de parachever la mise en place des instances constitutionnelles, notamment le renforcement de l'autorité locale et la tenue des élections municipales prévues en 2018. Il a ajouté qu'un projet de loi organique relatif au Code des collectivités locales est en train d'être débattu au sein de la Commission spéciale à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), et ce, après l'adoption de la loi relative aux élections municipales. Il ajoute que le régime municipal a été généralisé avec la création de 86 nouvelles municipalités comptant 3,5 millions d'habitants. Système spécial M. Chahed a souligné qu'un CMR, tenu en octobre 2017, a décidé la prise en charge par l'Etat des dettes de 64 municipalités en difficulté ainsi que celles des entreprises publiques pour un montant de 100 millions de dinars. Ces dettes seront réglées en une seule fois en 2018, permettant d'alléger les charges supportés par les municipalités concernées et l'amélioration du niveau des services offerts aux citoyens. D'un autre côté, il a indiqué que le projet de budget de l'Etat prévoit une augmentation des transferts de l'Etat pour les collectivités locales de 36 MDT, soit 430 MDT en 2018 contre 349 MDT en 2017. Il ajoute qu'il a été procédé à la mise en place effective des nouvelles municipalités et des financements nécessaires à fournir pour la réalisation de projets de développement au profit de 86 nouvelles municipalités et 187 extensions de municipalités, pour un coût de plus de 750 MDT qui seront prêts au cours du Plan de développement 2016-2020. Le Chef du gouvernement a également souligné qu'un nouveau système d'investissement a été adopté pour les municipalités tunisiennes, depuis 2016, et ce à travers l'exécution du Programme de développement urbain et de gouvernance locale, pour une enveloppe de 1.220 MDT, dont 530 MDT au titre de l'aide de l'Etat. L'objectif est de réduire l'écart régional et de consolider l'infrastructure de base. Il ajoute également qu'il est prévu d'octroyer une prime d'Etat sur la base de critères objectifs tenant compte du nombre d'habitants des municipalités et de leurs capacités fiscales, en adoptant les indicateurs de développement local consacrant le principe de discrimination positive. Un processus dans la pratique de la démocratie De son côté, Ahmed Bouzguenda, président de l'Iace, a précisé que la décentralisation est à la fois une orientation internationale, un processus et un examen dans la pratique de la démocratie et de la gestion publique. Cette orientation internationale est adoptée par les grandes puissances mondiales comme les Etats-Unis et la France, dans le cadre de la concrétisation des principes démocratiques. Elle est un processus puisqu'elle consacre le passage d'une autorité gouvernementale centralisée à des autorités locales ayant leurs ressources propres et une indépendance, réduisant le fardeau sur l'autorité central et veillant à instaurer l'équilibre politique entre l'autorité centrale et les régions. La décentralisation est un examen pour la Tunisie pour montrer son aptitude à réussir la transition démocratique. M. Bouzguenda a affirmé que ce concept présente plusieurs avantages quant à sa capacité à mobiliser une administration réactive, se rapprochant des préoccupations des citoyens et à concevoir des politiques locales en concordance avec les ressources et la nature des régions. Ainsi, il a signalé que l'Iace a réalisé, en collaboration avec la Banque Mondiale, une étude traitant les chaînes de valeur relatives à l'huile d'olive, les plantes aromatiques et médicinales dans les régions du Nord-Ouest. Cette étude a permis de fixer la liste des intervenants et les possibilités de coordination, les postes d'emploi à pourvoyer ainsi que les opportunités d'investissement et les possibilités d'exploitation afin de promouvoir la région. Il a ajouté que l'Iace a procédé également à élargir l'Agenda National des Affaires pour qu'il englobe l'aspect régional, permettant la mise en place d'un cadre permanent pour le dialogue entre le secteur privé et le secteur public dans les régions. Il vise ainsi à proposer des réformes et des projets de loi et la mise en place des possibilités de facilitation et de simplification des procédures administratives dans trois gouvernorats pilotes qui sont Sousse, Bizerte et Zaghouan. M. Bouzguenda a également souligné que la décentralisation engendre un coût économique à prendre en considération et nécessite la mise en place d'un terrain favorable, à savoir des politique sectorielles et une vision claire pour les chaînes de valeur. Il ajoute que la réussite du modèle décentralisé est conditionné par la disponibilité des compétences et des ressources humaines nécessaires, et appelle à une révision des systèmes de formation professionnelle pour répondre aux besoins du marché local. Ajoutons à cela l'impératif de mette en place les bases du dialogue entre les secteurs privé et public au niveau local. Il a aussi appelé à la révision du cadre de la fonction publique qui ne permet pas la flexibilité et la mobilité entre le système central et le système local et aussi entre le privé et le public.