L'affaire des abattoirs et de la viande avariée a fait l'effet d'une bombe au sein de la profession «De la viande avariée, de la viande bovine contaminée par la tuberculose, ainsi que d'autres provenant de cadavres sont distribuées et vendues aux casernes, aux internats et aux foyers par une grande société de distribution de viandes. C'est un réseau qu'on a pu démanteler. Des vétérinaires, des agents de contrôle sanitaire ainsi que des agents de contrôle des abattoirs municipaux y sont impliqués. Ils estampillent toute cette viande insalubre à la consommation afin qu'elle soit consommée», a déclaré le président de l'Inlucc, Chawki Tebib, le 9 août, lors de son intervention dans une émission de radio privée. Un coup de tonnerre qui a ébranlé le corps des médecins vétérinaires. Les médias se sont acharnés à enquêter sur l'affaire. Des vidéos montrant l'abattage illégal dans des abattoirs municipaux, d'autres démasquant des vétérinaires qui estampillent de la viande dans des conditions hygiéniques lamentables, ont fait le tour sur les réseaux sociaux, suscitant ainsi la colère et la révolte des internautes et de l'opinion publique. Mis au banc des accusés, les vétérinaires ont vite crié au complot. «Le Conseil national de l'ordre des médecins vétérinaires s'indigne contre les campagnes de diabolisation qui souillent la réputation des vétérinaires qui assurent le contrôle sanitaire du secteur des viandes rouges», a précisé le communiqué publié par le Cnomvt. A cet égard, ledit conseil a organisé un point de presse, ce mardi 3 octobre, et ce, dans le but de «démêler le vrai du faux», selon le même communiqué. «Un état des lieux catastrophique» Les membres du conseil ont déclaré, lors de la conférence, que la situation des abattoirs en Tunisie est catastrophique. Ils ont affirmé, qu'aucun abattoir municipal n'est accrédité, sachant que la Tunisie compte, actuellement, 138 abattoirs municipaux. Ils ont affirmé que 50 % de la viande en vente sur les marchés provient d'un abattage illégal. Ils ont précisé qu'en 2010, un décret gouvernemental a édicté une mise à niveau des abattoirs municipaux et que, jusque-là, celle-ci n'a pas eu lieu. Les vétérinaires exerçant dans le secteur des viandes ont été assignés à effectuer le contrôle dans des abattoirs qui ne répondent aucunement aux critères sanitaires et hygiéniques exigés par la loi, toujours selon leurs dires. «Les vétérinaires membres du Cnomvt tiennent à appliquer la loi et à respecter la déontologie du métier, en dépit des conditions insalubres dans lesquelles ils pratiquent. Afin de protéger la santé du citoyen contre les maladies transmissibles à l'homme, les vétérinaires ont été acculés à travailler dans des abattoirs non accrédités», a expliqué le conseil des vétérinaires. Les vétérinaires qui étaient présents dans la conférence imputent ce dépassement à un laxisme de l'exécutif, qui, selon eux, est seul habilité à appliquer les réglementations en vigueur. Des vétérinaires entre le marteau et l'enclume «Moi, en tant que vétérinaire responsable du contrôle de la dépouille dans les abattoirs, j'ai refusé formellement de travailler dans de telles conditions catastrophiques. En 2005, je me suis rendu chez le gouverneur et je lui ai remis la clé de l'abattoir. Le lieu est resté fermé à clé jusqu'à nos jours», a lancé un vétérinaire retraité présent à la conférence, provoquant un brouhaha dans la salle. Le secrétaire général du Cnomvt, Dr Faïçal Hmani, a, par ailleurs, affirmé que selon la loi de la protection du consommateur, le vétérinaire peut intervenir dans la fermeture d'un abattoir, si ce dernier ne répond pas aux exigences sanitaires de base. Il est à signaler qu'en 2015, le ministère de l'Agriculture a appelé tous les Crda à lui rendre des comptes sur l'état des abattoirs municipaux. «Le corps des vétérinaires ne peut pas à lui seul assainir le secteur de la production, de la vente et de la distribution de la viande en Tunisie. Nous voudrions que chaque vétérinaire corrompu soit condamné et que le jugement soit rendu public», a déclaré une vétérinaire qui était présente au point de presse.