Dans toutes les interventions des organisateurs indiens, l'ombre du Mahatma Gandhi continue de planer et imprégner les textes et les esprits Dans le cadre de la Journée mondiale des femmes que la planète entière célèbre aujourd'hui, un workshop portant sur la contribution de la femme indienne à promouvoir la paix, et comme modèle politique, a été organisé hier à Tunis. Une rencontre tenue sous l'égide de l'ambassade de l'Inde, avec la contribution du Centre international des études sécuritaires et militaires. La société civile y était présente en nombre avec certains représentants officiels. Badra Gaâloul a pris la parole en premier pour mettre en avant les combats successifs que la femme tunisienne a menés, en tant que militante associative ou des partis politiques, et, comparativement, les maigres fruits récoltés. La présidente du Centre des études sécuritaires a pris pour exemple le sit-in du Bardo, toutes les manifestations organisées au moment de la rédaction de la constitution, ainsi que les campagnes électorales précédant les élections d'octobre 2014 ; « la femme était de tous les discours politiques », a-t-elle ironisé. C'est encore la Tunisienne, par son engagement sans limites, qui a porté le candidat Caïd Essebsi au palais de Carthage. En retour, regrette l'intervenante, elle a été reléguée aux oubliettes. Mme Gaâloul met en cause le poids de l'héritage culturel sur les mentalités. « On rechigne à voir une femme occuper des postes politiques de premier plan », accuse-t-elle. Quoique, élément rappelé par la salle, le cabinet de Youssef Chahed compte des femmes ministres des Finances et de l'Energie et des mines, et pas seulement à la tête des départements qui lui sont historiquement attribués, à l'instar de la Femme et de la Famille, la Culture et accessoirement la Santé. De par son champ d'investigation qui porte sur les questions sécuritaires, la responsable du centre évoque la femme utilisée comme appât pour recruter les jihadistes au sein du groupe terroriste, Etat islamique. La femme tunisienne n'est pas en reste, malgré les nombreux acquis dont elle peut se prévaloir, comme l'instruction ou les lois en sa faveur, elles ont été facilement embrigadées. En témoignent ces Tunisiennes à la tête de groupes jihadistes en Irak et en Syrie. D'autres, au nombre de 200, seraient incarcérées dans les prisons tunisiennes pour participation à une activité, notamment logistique, d'un groupe terroriste. Dans le cadre des expériences comparées, le modèle indien est orignal en soi. L'intervenante, Mme Riba Fasdiforn, s'est chargée de présenter l'expérience indienne avec à la clé quelques chiffres édifiants. Le sous-continent indien compte plus d'un milliard d'habitants dont près de 700 millions de femmes. La femme rurale en représente la composante dominante à hauteur de 70%. Celle-ci est la principale source de production agricole. La cellule familiale dans laquelle l'indienne joue un rôle déterminant est le noyau dur sur lequel s'érige la société indienne. Ce qui n'empêche pas la large féminisation de la pauvreté. D'un autre côté, la diversité ethnique à laquelle correspondent une diversité dialectale et une grande variété culturelle est enrichissante pour les Indiens eux-mêmes, d'abord. L'Inde peut se targuer d'une grande variété culinaire avec plus de 10 mille plats. Dans toutes les interventions des organisateurs Indiens, dont en premier celle de l'ambassadeur de l'Inde à Tunis, l'ombre du Mahatma Gandhi continue de planer et imprégner les textes et les esprits. Les valeurs prônées par l'icône, la non-violence, certes, mais aussi l'égalité entre les individus, l'implication des femmes ont été sans cesse célébrées. Dans un tout autre registre, l'industrie du cinéma, Bollywood, est évoquée en tant que diffuseur de la culture, de l'art de vivre mais également des différents modèles de femmes indiennes. Des femmes politiques ou militantes célèbres localement ou à l'échelle internationale qui ont marqué leurs époques et leurs environnement immédiats ont été données en exemple. Outre le volet socioculturel, l'Inde compte un immense corps électoral estimé à 600 millions d'électeurs. La durée du mandat politique y est de cinq ans. De plus en plus de femmes acteurs politiques y jouent un rôle déterminant. L'obstacle majeur du manque d'instruction entrave toutefois ce processus d'intégration féminin. Héritières issues de familles puissantes Le débat suivant son cours, les modèles des femmes politiques indiennes et tunisiennes ont été soumis à l'examen de la salle avec leurs points forts et leurs faiblesses. Alya Baccouche Landolsi, membre du bureau exécutif de Nida Tounès, a appelé de tous ses vœux les femmes tunisiennes à être solidaires entre elles, « nous devons nous entraider pour constituer une force de proposition et une force tout court et pouvoir briguer des postes politiques importants », a-t-elle préconisé. La question de La Presse portait sur le parcours des femmes politiques indiennes mais aussi des Etats de l'Asie du Sud qui ont été chefs d'Etat ou chefs d'opposition, mais en leur qualité d'héritières issues de familles puissantes et politiquement influentes, « en se demandant si aujourd'hui des femmes « normales » accèdent elles aussi aux strates intermédiaires du pouvoir, comme députées, cheffes de parti politique, et non pas en bénéficiant d'une sorte d'héritage » ? S'il est vrai que c'est une donnée fondamentale inscrite dans la conscience collective et les pratiques de ces contrées que les filles, les veuves accèdent à l'investiture suprême, il n'en reste pas moins que de plus en plus de femmes non privilégiées de par leur milieu social et familles peuvent occuper des postes politiques importants. Il est à constater, in fine, que partout dans le monde et même, relativement, dans les vieilles démocraties, le paysage politique reste l'un des fiefs dominés par les hommes, timidement investis par les femmes. Ce n'est qu'une affaire de temps, l'enthousiasme observé hier laisse présager une future féminisation du personnel politique, du moins, tunisien.