Parmi les points positifs enregistrés dans le contexte tunisien, l'adoption par le Parlement d'un projet de loi sanctionnant pénalement la discrimination raciale, entre autres formes de discrimination, un texte qui attend toutefois d'être promulgué Le Rapport d'Amnesty International vient de tomber. Fidèle à son habitude, il rend compte de la situation des droits humains dans le monde durant l'année écoulée. Outre les résumés régionaux, le document analyse au cas par cas la situation des droits de l'Homme dans 159 pays et territoires. Cet indicateur des souffrances des femmes, des enfants et des hommes présente, à travers des exposés détaillés, l'état des discriminations et répressions subies par une large partie de la planète. Il n'en reste pas moins que des progrès significatifs sont enregistrés en matière de protection et de sauvegarde des droits humains. Pour ce qui est de l'Afrique, le rapport démontre qu'en 2016, le continent a été le théâtre de nombreux mouvements et mobilisations de masse, exprimés et organisés le plus souvent par le biais des réseaux sociaux. Supports, faciles d'accès, réactifs et instantanés, pouvant de surcroît préserver l'anonymat. Les défenseurs des droits humains y ont trouvé des moyens suscitant un engouement nouveau pour lutter contre la répression. Cette année a été marquée en Afrique par les répressions violentes et arbitraires contre les rassemblements et les manifestations, se déclinant en interdictions de manifester, arrestations arbitraires, détentions, des passages à tabac et dans certains cas par des homicides. Dans une longue liste, Amnesty présente les mauvais élèves comme l'Afrique du Sud, l'Angola, le Bénin, le Burundi, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, l'Ethiopie, la Gambie, la Guinée, la Guinée équatoriale, le Mali, le Nigeria, la République démocratique du Congo (RDC), la Sierra Leone, le Soudan, le Tchad, le Togo et le Zimbabwe. Pourtant, nuance Amnesty, l'Union africaine a déclaré 2016 l'année des droits humains, mais de nombreux Etats membres n'ont pas su ou voulu traduire les discours et les principes en mesures concrètes. Une garde à vue de six à quatre jours La partie tunisienne commence à la page 451. Cette année encore, le rapport fait état des restrictions opérées sur les droits et libertés. Prétexte invoqué par les autorités, l'état d'urgence et les lois antiterroristes en vigueur pour «imposer des restrictions arbitraires à la liberté et au droit de circuler librement ». Des actes de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus ont été enregistrés, et des agressions sexuelles également, détaille encore le rapport. Certains détenus auraient été placés à l'isolement pendant de longues périodes. Parmi les points positifs enregistrés dans le contexte tunisien, l'adoption par le Parlement d'un projet de loi sanctionnant pénalement la discrimination raciale, entre autres formes de discrimination, un texte qui attend toutefois d'être promulgué. Le Parlement a également adopté en février des amendements au Code de procédure pénale, entrés en vigueur, pour renforcer les garanties contre la torture et les mauvais traitements. Ces réformes ont ramené de six à quatre jours la période maximale durant laquelle une personne peut être détenue sans inculpation. Les amendements ont accordé aux détenus le droit d'entrer en contact sans délai avec un avocat et avec leurs proches, et d'être assistés d'un avocat pendant les interrogatoires. Selon ces nouvelles dispositions, « le placement en détention doit être autorisé par un procureur, et les membres du parquet et de la police judiciaire doivent autoriser les détenus à recevoir des soins médicaux et à rencontrer un médecin si eux-mêmes, leur avocat ou leur famille en font la demande ». Des demi-vérités parfois Le rapport évoque la création de l'Instance vérité et dignité en tant qu'outil pour garantir la justice transitionnelle. L'IVD est chargée « d'examiner les crimes politiques, économiques et sociaux et pour enquêter sur les violations des droits humains commises entre le 1er juillet 1955 et décembre 2013 ». L'Instance a tenu ses premières audiences publiques le 17 novembre. Un bon compte rendu de la situation tunisienne, parsemée parfois de demi-vérités. Ainsi, les autorités ont annoncé en octobre la composition du nouveau Conseil supérieur de la magistrature, qui est chargé de sélectionner, désigner, muter, révoquer, sanctionner et former les juges et les procureurs. « La mise en place de cet organe a enfin permis la création de la Cour constitutionnelle », précise-t-il encore. Il se trouve que ladite cour n'est pas encore mise en place ni d'ailleurs le Conseil supérieur de la magistrature n'est opérationnel. Le gouvernement a nommé en mars les 16 membres de l'Instance nationale de prévention de la torture créée en vertu d'une loi de 2013, et exigée par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et que la Tunisie a ratifiée. Sauf que « le manque de transparence quant au fonctionnement et au financement de cette instance compromettait sa capacité à remplir pleinement son rôle », signale encore l'ONG. Droit des Tunisiennes Quant aux femmes, elles continuent de faire l'objet de discriminations dans la législation et dans la pratique, fait valoir le texte de plus de plus de 480 pages. Les Tunisiennes ne sont pas suffisamment protégées contre les violences sexuelles et les autres violences liées au genre. Le Conseil des ministres a toutefois adopté en juillet un projet de loi sur la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles, qui a été soumis au Parlement pour examen. Ce texte vise essentiellement, précise le rapport, à remédier aux lacunes de la législation et à celles constatées dans la pratique, et à améliorer l'accès des victimes à la protection et aux services d'aide. Pour ce qui est de la peine de mort, cette année encore, les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort mais « aucune exécution n'a eu lieu depuis 1991 ». Comme toujours, Amnesty International insiste en priorité sur les points négatifs. S'il est vrai que beaucoup reste à faire en matière de législation et de respect des droits et des libertés, mais faire respecter, protéger et instaurer les droits de l'Homme ne passe par uniquement par le droit, il faut faire évoluer les mentalités et faire changer les pratiques. C'est un travail de longue haleine.