La non-admission des aveux obtenus sous la torture, la lutte contre l'impunité des auteurs d'actes de torture et la protection des victimes et des témoins d'actes de torture sont les principales recommandations du Comité onusien des droits de l'Homme Les récentes audiences publiques télévisées organisées, les 17 et 18 du mois écoulé, par l'Instance vérité et dignité (IVD) et les témoignages choquants qui y ont été livrés, courageusement et non sans émotion, par les victimes de l'ancien régime n'ont laissé personne indifférent. Beaucoup de Tunisiens ont, pour la première fois, découvert les vérités de la vie carcérale et l'horreur des supplices que pouvait subir un détenu derrière les barreaux. Le lourd impact de la torture fait, aujourd'hui, parler plus d'un, la stratégie de lutte n'étant qu'à ses débuts. Et encore ! Où en est la Tunisie dans sa politique anti-torture ? C'est l'une des questions abordées lors du séminaire tenu, hier matin à Tunis, autour des pas franchis sur ce chemin. Intitulée « Lutte contre la torture en Tunisie, réalités et défis », cette manifestation, organisée à l'initiative de l'Institut danois contre la torture (Dignity), avec le concours de la société civile nationale et certains organismes onusiens basés dans notre pays (Pnud, Hcdh...), met en relief ce qui est, déjà, acquis et ce qui devrait être encore réalisé, en termes de moyens préventifs et punitifs. Dans ce sens, le ministre de la Justice, M. Ghazi Jeribi, le seul ministre ayant répondu présent à l'ouverture des travaux, s'est quasiment limité à passer en revue le cadre législatif qui inspire les bonnes volontés à mettre un terme à ce mal nommé torture, le qualifiant de la plus atroce forme d'atteinte aux droits de l'Homme, dans leur acception la plus large. Il a rappelé, entre autres, la convention des Nations unies sur la lutte contre la torture que la Tunisie a été parmi les premiers pays à avoir signée en 1988. Mais, sans qu'elle soit, jusque-là, suivie d'effet. De même, le protocole facultatif y afférent n'a été ratifié qu'après la révolution en 2011. Ce nouvel engagement, dit-il, a donné lieu à la promulgation, deux ans plus tard, de la loi 43 portant création de l'Instance nationale de prévention de la torture (Inpt), qui a traîné en longueur avant d'être élue il y a huit mois. Ces nouveaux garants Et le ministre d'ajouter : « La prévention de la torture fait partie des priorités du gouvernement », faisant valoir que ce séminaire se veut une opportunité pour évaluer les progrès et renforcer les actions futures en la matière. Sur la même lancée, M. Jeribi est revenu sur les autres garanties, en l'occurrence la constitution, l'Inpt et bien évidemment la révision du code pénal dans son article 13 bis favorisant la présence obligatoire d'un avocat avec le détenu en garde à vue. Autant d'acquis établis à la faveur des recommandations du comité onusien, faisant suite au 3e rapport périodique de la Tunisie remis et examiné en avril dernier. D'ailleurs, Mme Terese Ritter, représentante de « Dignity », a mis l'accent sur trois principales recommandations à tenir en compte : « la non-admission des aveux obtenus sous la torture lors des procédures judiciaires, les étapes pour assurer la lutte contre l'impunité des auteurs d'actes de torture et l'importance de la protection des victimes et des témoins d'actes de torture ». Et de renchérir que ces nouvelles orientations servent d'une feuille de route claire pour la voie à suivre dans la lutte contre la torture en Tunisie. « Leur mise en œuvre étant primordiale, tout en se basant sur les progrès réalisés lors de ces dernières années », a-t-elle déclaré, soulignant que la torture est la négation absolue de la dignité humaine. Notons que cet Institut danois s'est, aussi, engagé, depuis 2013, dans une relation de partenariat avec la société civile tunisienne et le ministère de la Justice. Ce dernier a bénéficié des sessions de formation destinées à 150 juges dont 80 sont devenus formateurs en la matière. En lieu et place de M. Mehdi Ben Gharbia, ministre délégué chargé de la Relation avec les Instances constitutionnelles, la Société civile et des Droits de l'Homme, Mme Mouna Thabet a prononcé une brève allocution, sans vraiment rien ajouter à ce qui a été évoqué. Sauf de faire valoir le rôle que la société civile doit jouer, en tant que force de pression et de proposition et de partenaire à part entière dans ce combat contre la torture. Le rôle du médecin légal De son côté, Dr Nabiha Borsali Falfoul, directrice générale de la santé au ministère de tutelle —la ministre de la Santé étant elle aussi absente— a tenu à aborder la question de la torture du point de vue déontologique. Elle a évoqué l'apport de la médecine légale dans l'identification des preuves de torture corporelle, ce qui est de nature à éclairer la lanterne des magistrats et leur montrer le bon sens des procès. D'autant plus que ce phénomène tel que présenté nécessite davantage de réflexion et de débat. Et d'ajouter que l'examen médical lors de la période de garde à vue demeure, juridiquement, légal, conformément aux conventions internationales dans ce domaine. « C'est pourquoi il importe, désormais, d'assurer au médecin l'indépendance requise, la formation adéquate et faire en sorte que les rapports médicaux soient aussi clairs que précis», conclut-elle. L'intervention de Mme Hamida Dridi, présidente de l'Instance nationale de prévention de la torture, s'est focalisée sur les difficultés d'ordre organisationnel et financier auxquelles fait face l'instance, huit mois après sa naissance. Confinée dans son quartier général à Montplaisir, l'Inpt a du mal à exercer ses fonctions, avec un budget dérisoire, loin de ce qui a été sollicité. Soit un million de dinars pour l'exercice 2017. L'ingérence du pouvoir exécutif est également fortement pointée du doigt.