Par notre envoyé spécial au Danemark, Abdel Aziz HALI Le 14 novembre 1891 naissait le Canadien Sir Frederick Banting, celui qui allait changer à tout jamais le traitement du diabète et l'un des découvreurs de l'insuline. Cent ans après, en 1991, la Fédération internationale du diabète (FID) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont fait du 14 novembre de chaque année une journée consacrée aux campagnes de sensibilisation au diabète suite à la croissance fulgurante de la maladie. La Presse s'est déplacée sur les lieux du plus grand site au monde de fabrication d'insuline, celui de Kalundborg du géant pharmaceutique danois Novo Nordisk A/S, pour vous faire découvrir le savoir-faire d'une entreprise pas comme les autres. Reportage. Au Royaume du Danemark, des entreprises comme le groupe Lego ou le célèbre armateur A.P. Møller-Mærsk, alias Mærsk, font de ce petit pays, dont la population ne dépasse pas les 6 millions d'habitants (5 581 503, estimation juillet 2015), un géant économique non seulement à l'échelle européenne, mais aussi mondiale. Mais qui dit innovation danoise, dit aussi Novo Nordisk A/S (depuis 1923), l'entreprise pharmaceutique, spécialisée dans les traitements contre le diabète, mais aussi dans l'hémostase, l'hormone de croissance et dans les traitements hormonaux et dont le boss, Lars Rebien Sørensen, a été désigné, en 2015, par le prestigieux Harvard Business Review comme étant le P-dg le plus performant du monde. Employant près de 41 mille personnes (contre 22.500, dix ans en arrière), dont 57% à l'étranger (repartis sur 5 continents), ce géant du génie pharmaceutique compte énormément sur la production de son site danois de Kalundborg, une ville portuaire située au nord-ouest de Seeland (Sjælland), la principale île du Danemark. Etalé sur une superficie d'un million de mètres carrés, soit l'équivalent de 92 terrains de football, ce site produit à lui seul 50% de l'insuline mondiale. Comment fabrique-t-on l'insuline ? En effet, la genèse de l'insuline s'appuie, essentiellement, sur un processus biotechnologique complexe où la machine joue un rôle central sous la supervision d'ingénieurs vigilants. Tout commence par une première phase dite de «fermentation» où les ingénieurs de Novo Nordisk S/A utilisent d'imposantes cuves en acier inoxydable pour cultiver une bactérie, extraite d'une levure, qui permet de produire de l'insuline. Ensuite, les cellules produites sont séparées à l'aide de gigantesques centrifugeuses. «Puis, on procède à la destruction des bactéries par le biais d'un produit désinfectant pour ne garder que l'hormone insuline. Cette phase est suivie d'une autre, dite "pilage", où un clivage enzymatique est opéré pour obtenir une insuline "concentrée"», explique M. Jens Kirkegaard Bæk, haut cadre et responsable de la production sur le site de Kalundborg. Le produit obtenu subit, ainsi, une opération de «purification» dans une colonne de chromatographie. Cette phase permet de supprimer les impuretés et séparer les différentes espèces présentes dans l'échantillon à purifier. «Enfin, l'insuline pure est cristallisée pour être, par la suite, transformée en poudre stockée à -20° pendant plusieurs mois. Ainsi, l'insuline produite sera diluée pour obtenir un liquide. Ce dernier sera conditionné dans des cartouches destinées à s'intégrer aux stylos injecteurs (ex : les séries Novopen, Novopen Echo, Novopen Junior, etc.) ou en fioles en verre pour ceux qui utilisent encore la seringue. Sachons que le cycle de production prend en moyenne 20 jours», ajoute le responsable. Contrairement à ses concurrents, grâce à une organisation sans faille et une logistique bien ficelée, selon Michael Hallgren, vice- président senior et responsable de la production des ingrédients pharmaceutiques actifs contre le diabète (API), la production sur ce méga-site est répartie sur 15 unités (usines) et se déroule en non-stop (7j/7 et 24h/24) à travers un dense réseau de tuyauterie, de colonnes et de cuves. Ce n'est pas un hasard que la production de ce site puisse satisfaire les besoins de 24 millions de patients atteints de diabète dans le monde et affréter chaque année plus de 6,600 t de marchandises à distribuer aux quatre coins du globe, fait savoir M. Hallgren. «Certes, le site de Kalundborg accueille 2.800 employés et 500 ingénieurs, mais outre l'aspect professionnel, le groupe accorde beaucoup d'importance au bien-être de ses employés en leur réservant 5 Km de pistes pour faire du jogging et un centre de loisirs ainsi qu'une restauration diététique et de très haute qualité», renchérit le haut cadre. Toujours selon M. Hallgren, en 14 ans (entre 2000 et 2014), 1.600 nouveaux postes d'emploi ont été créés, dont 250 nouveaux jobs seulement en 2015 (des chiffres qui ne collent pas avec la dernière annonce du groupe en septembre 2016 qui parle d'une suppression de 1.000 postes, liés à des résultats contrastés-Ndlr). Big brother is watching you ! Durant notre visite guidée des lieux, outre les consignes d'hygiène imposées par la direction (combinaisons, chaussettes et chaussures spéciales imposées aux personnels et surtout aux visiteurs-Ndlr), les ouvriers n'étaient pas nombreux dans les travées de l'usine. Cette remarque s'explique du fait que tout le site est totalement automatisé avec la présence des derniers cris de la nouvelle technologie et de caméras parsemées dans chaque recoin du complexe: big brother is watching you ! «Dans ce site, une salle de contrôle pilote toute la chaîne de fabrication. Derrière leurs postes d'ordinateur, nos ingénieurs peuvent superviser et visualiser en temps réel tous les paramètres de la production. Il suffit d'une seule anomalie ou d'un quelconque problème et les cuves ou les colonnes concernées sont tout de suite cernées et isolées du reste du dispositif. Pas de place à l'erreur», fait savoir notre guide, M. Jens Kirkegaard Bæk. De ce fait, sur le site de Kalundborg, l'intervention humaine se résume en trois tâches : supervision, maintenance et nettoyage du matériel. Nonobstant la crise économique mondiale ces dernières années, grâce aux performances du site de Kalundbrog, successivement, en 2014 et 2015, Novo Nordisk A/S a fini par occuper la deuxième place mondiale de l'indice de développement durable du Dow Jones (DJSI, un indice mondial largement considéré comme l'un des plus grands indice de développement durable au monde) dans la catégorie «Industrie pharmaceutique, biotechnologies et sciences de la vie», rappelle le P-dg sortant du groupe, Lars Rebien Sørensen, juste derrière «Roche Holding». Dans un autre registre, l'entreprise scandinave s'est, également, distinguée, en 2014, en étant la dauphine de «GlaxoSmithKline plc.» dans le dernier classement de l'«Access to medecine index» (l'indice de l'accès aux médicaments). Enfin, avec un nombre total de 415 millions de personnes atteintes du diabète dans le monde, en 2015, selon les chiffres officiels de l'OMS, et les prévisions de la Fédération internationale du diabète (FID) prévoyant un chiffre de 642 millions de diabétiques d'ici 2040, le business autour de l'insuline a encore un bel avenir devant lui.