Par Hmida BEN ROMDHANE La ville d'Hébron, au sud de la Palestine, est un concentré d'absurdités et d'horreurs engendrées par le conflit israélo-palestinien sur un demi-siècle. 3.000 soldats israéliens armés jusqu'aux dents sont mobilisés 24h sur 24 et 7j sur 7 pour protéger 500 colons, américains pour la plupart, qui ont choisi de vivre au milieu de 200.000 habitants palestiniens. On sait qu'Israël est un Etat hors-la-loi, un Etat-bandit qui continue de bénéficier de l'impunité la plus totale pour les abus et les exactions qu'il a commis et qu'il continue de commettre depuis 1967. Mais on reste pantois face à la futilité de cet Etat qui n'hésite pas à mettre à la disposition de 500 colons une véritable machine de guerre rien que pour leur permettre de concrétiser leurs caprices : vivre au milieu de 200.000 Palestiniens et transformer leur existence en enfer. Le calvaire quotidien vécu par la population d'Hébron trouve son origine dans une légende qui, 4.000 ans après, est toujours aussi tenace et aussi dévastatrice. La légende dit qu'il y a 40 siècles, un immigré mésopotamien connu sous le nom d'Abraham acheta à Hébron un champ et une grotte à un cultivateur cananéen pour y enterrer Sarah, son épouse décédée à l'âge de 127 ans, pas un jour de moins. Un peu plus tard, Abraham s'y fait inhumer à son tour. Par la suite, son fils Isaac en fait de même, ainsi que son petit-fils Jacob, et leurs épouses respectives, Rebecca et Léa... Aujourd'hui, 500 colons fanatisés à l'extrême accourus des Etats-Unis, d'Australie et d'ailleurs se présentent comme les « protecteurs des tombeaux des patriarches » et ont trouvé tout un Etat avec un appareil militaire et sécuritaire redoutable pour les protéger dans leur mission de « protection »... Le jeudi 24 mars 2016, le jeune Abdelfattah Yusri Sharif, blessé par balle, gisait sur le sol dans le quartier de Tel Rumeida à Hébron. Le soldat Elor Azaria s'approche de lui et l'achève d'une balle dans la tête. L'exécution d'Abdelfattah Yusri est enregistrée dans une vidéo visible sur Youtube. Selon l'ONG israélienne ‘'B'Tselem'', qui a posté la vidéo, quelques secondes avant l'exécution du jeune Palestinien, on peut entendre un colon très connu à Hébron dire aux soldats : « Ce chien est toujours en vie ». B'Tselem déclare sur son site que « les assassinats extrajudiciaires sont le résultat direct des remarques incendiaires faites par des hommes politiques et d'une atmosphère généralisée de déshumanisation ». Mais cette fois l'exécution de sang froid d'un jeune Palestinien n'est pas restée sans effets. Elle a provoqué une profonde division dans la classe politique israélienne symbolisée par les réactions contradictoires de deux des principales personnalités du pays : le Premier ministre Benyamin Netanyahu et le chef d'état-major de l'armée Y'air Golan. Après l'arrestation du soldat-assassin par la justice israélienne, Netanyahu n'a rien trouvé de mieux à faire que d'appeler le père pour le consoler et lui exprimer la solidarité du gouvernement avec son fils... Quant au chef d'état major, il a choisi le jour de la célébration de l'Holocauste en Israël pour affirmer : « S'il y a quelque chose qui me fait peur dans ce souvenir de l'holocauste, c'est la conscience que le processus horrible qui s'était produit en Europe en général et en Allemagne en particulier il y a 70, 80 et 90 ans est en train de se reproduire aujourd'hui parmi nous en 2016 ». Les propos du général Golan ont eu l'effet d'une explosion spectaculaire. C'est comme si le ciel est tombé littéralement sur la tête des Israéliens. Quoi ? Des traces de nazisme en Israël ? Des similitudes entre ce que les nazis ont fait hier aux Juifs et ce que les Israéliens font aujourd'hui aux Palestiniens ? Le journaliste israélien Uri Avnery n'hésite pas à répondre par l'affirmative : « Il n'y a qu'à voir, dit-il, le nombre de projets de loi racistes à la Knesset. Ceux qui sont déjà adoptés et ceux encore en discussion, ressemblent fortement aux lois adoptées par le Reichstag dans les premiers jours du régime nazi. Des rabbins appellent au boycott des boutiques arabes, comme jadis en Allemagne on appelait au boycott des commerces juifs. L'appel «Mort aux Arabes» régulièrement entendu lors des matches de football en Israël fait écho à l'autre appel ‘'Mort aux Juifs'' lancé par les nazis il y a 90 ans. Un membre du Parlement a appelé à la séparation entre les nouveau-nés juifs et arabes à l'hôpital, et des rabbins n'hésitent pas à déclarer que les Goyim (les non-Juifs) ont été créés par Dieu pour servir les Juifs. Les ministres de l'Education et de la Culture sont occupés à transformer les écoles et les domaines du théâtre et des arts en bastions d'extrême droite, un processus appelé Gleichschaltung par les Nazis. Enfin, il ne faut pas oublier la bande de Gaza qui est un énorme ghetto. » Face à un parallèle aussi consternant entre l'Allemagne des années 1930 et Israël d'aujourd'hui, même l'ancien Premier ministre Ehud Barak n'a pas hésité à sortir de son silence pour affirmer que « la politique israélienne est infectée par le virus du fascisme ». Mais ce parallèle ne semble guère déranger l'actuel Premier ministre Netanyahu. Il poursuit sa fuite en avant. Après avoir exprimé son soutien au père du soldat-assassin, il a démis de ses fonctions le ministre de la Défense Moshé Ayalon pour avoir exprimé son soutien au chef d'état-major, le général Y'air Golan. Et comme s'il voulait leur faire un pied de nez, il a nommé un véritable fasciste à la tête du ministère de la Défense en la personne de l'immigré slave, Avigdor Lieberman. Googlez-le et vous serez édifiés.