Hier, Tunis a accueilli une conférence de haut niveau destinée à assurer le soutien effectif de la communauté internationale à la reconstruction de la Libye. La Tunisie réaffirme son soutien à Fayez Al-Sarraj. Elle devrait aussi mieux se positionner dans la perspective de la reconstruction de la Libye, notamment dans les 174 projets définis par le programme humanitaire des Nations unies pour la Libye On a longtemps reproché à la Tunisie «ses tergiversations» à propos du dossier libyen et plusieurs politologues et experts se disant au parfum de ce qui se passe en Libye n'ont pas hésité à accuser la diplomatie tunisienne d'user d'un double langage et de tout faire pour contenter, à la fois, le gouvernement de Tobrouk, soutenu par la communauté internationale, et celui de Tripoli qui a refusé de reconnaître les résultats des dernières élections législatives et de céder le pouvoir aux vainqueurs. Maintenant que le gouvernement Fayez Al-Sarraj a réussi à s'installer doucement et sûrement en Libye et qu'il commence à gagner le soutien des tribus libyennes mobilisées contre les daechistes, il faut penser à reconstruire la Libye et ce sont les pays voisins, dont en premier lieu la Tunisie et l'Algérie, les deux pays les plus exposés à l'hydre daechiste agissant sur plusieurs régions du territoire libyen, qui sont appelés à proposer leur expertise et leur savoir-faire afin que les frères libyens puissent surmonter les difficultés politiques et économiques dans lesquelles la Libye s'est enfoncée depuis la chute de Kadhafi. Et la communauté internationale d'assumer également la part de responsabilité qui lui échoit en la matière à travers la mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul). Hier, plus de 40 pays arabes et occidentaux et aussi des organisations financières et internationales se sont donné rendez-vous à Tunis pour apporter leur soutien au gouvernement Fayez Al-Sarraj. Le choix du consensus et du dialogue Khemaïes Jhinaoui, ministre des Affaires étrangères, est tranchant : «La Tunisie, qui a réussi à rassembler l'ensemble des frères libyens, continuera à jouer ce rôle. Elle appelle les différents protagonistes à privilégier le dialogue et le consensus pour résoudre les problèmes en suspens». Il ajoute : «Il faut placer les besoins urgents du peuple libyen au rang de toute action de soutien futur à la Libye sous l'égide de la Manul». Et ces besoins urgents (Jhinaoui ne les définit pas, estimant que c'est aux Libyens de le faire) figurent déjà dans le programme humanitaire des Nations unies pour la Libye. Leur nombre s'élève à 174 projets, comme l'a révélé, hier, Moussa Al Kouni, vice-président du gouvernement libyen d'entente nationale. Et Al Kouni d'insister : «La stabilité de la Libye est cruciale aussi bien pour les Libyens que pour les pays du voisinage». La question que l'on ne peut s'empêcher de poser : quels dividendes pourra tirer la Tunisie de l'opération reconstruction de la Libye sous l'égide du gouvernement Al-Sarraj et des Nations unies ? En plus clair, comment la Tunisie doit-elle agir pour que sa part dans la reconstruction de la Libye ne soit pas négligée ? Pour Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, sécuritaires et militaires, «il est évident que la Tunisie cherche à ce que la situation se stabilise en Libye. D'ailleurs, il n'échappe à personne — même si le gouvernement ne le déclare pas publiquement — que l'on est en train de négocier actuellement avec le gouvernement libyen la meilleure stratégie possible pour préserver les intérêts nationaux quand sonnera l'heure de reconstruire le pays voisin. Autrement dit, la Tunisie ne sortira pas les mains vides et exigera que sa part soit consistante». Elle ajoute : «L'engagement de la Tunisie ne se limite pas à la dimension officielle puisque la société civile y joue également un rôle de rapprochement effectif des protagonistes libyens du gouvernement Al-Sarraj, afin de lui accorder le soutien dont il a besoin sur le terrain. Le centre que je préside organise, le 3 mai prochain, une conférence sur le rôle du conseil supérieur des tribus et des villes libyennes dans la résolution de la crise avec la participation des régions de l'Est et de l'Ouest. Et d'après mes premiers contacts avec les chefs de tribu qui prendront part à la conférence, l'idée générale est de soutenir le gouvernement Al-Sarraj et de pousser le Parlement à lui accorder sa confiance. Il reste, cependant, une ligne rouge que les tribus ne veulent pas franchir : l'armée libyenne ne doit, en aucune manière, s'ouvrir aux milices armées. L'armée, constituée par les tribus dont celles restées fidèles à Kadhafi a déjà rejoint les troupes conduites par Khalifa Hafter même si certaines tribus expriment quelques réserves à l'égard de son comportement et de ses alliances».