Il est temps que le gouvernement attaque de front le fléau de la corruption La Tunisie occupe la 76e place dans le monde, en termes d'indicateurs de perception de la corruption pour l'année 2015, devançant ainsi l'Algérie, le Maroc et l'Egypte. Avec, en moyenne, 38 points sur 100, soit un taux sans précédent jugé encore catastrophique. Un chiffre jamais atteint depuis la révolution. Ce constat alarmant vient d'être révélé lors d'une conférence de presse tenue, hier matin à Tunis, par I Watch, jeune ONG reconnue être à l'affût de tout abus commis. Selon ces indicateurs, tels qu'avancés par « Transparency international », la Tunisie rejoint le cortège des pays les plus corrompus au monde. Un phénomène rampant qui n'a cessé de ronger le secteur public, en particulier. Le directeur exécutif de I Watch, Mouheb Garoui, donnant lecture quantitative et qualitative des chiffres éloquents, a qualifié l'évolution de ces indices de « catastrophique ». Cet état des lieux s'explique, d'après lui, par le fait de ne voir rien venir jusque-là, en termes des promesses électorales et des décisions gouvernementales. C'est qu'en 2014, les partis politiques au pouvoir n'ont pas tenu leurs promesses de lutte contre la corruption. L'instance constitutionnelle de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption a été mise en place mais n'a pas été dotée des moyens nécessaires pour assurer sa mission. Un cadre législatif mal en point, auquel s'ajoute l'initiative présidentielle portant sur la réconciliation économique. Un projet de loi controversé que I Watch considère comme un pas en arrière dans tout le processus anticorruption. Ce phénomène est d'autant plus répandu que l'incapacité des gouvernements successifs à y faire face a aggravé la situation et favorisé, par conséquent, l'impunité des corrompus. Et puis, le sentiment d'injustice sociale n'a pas manqué d'attiser le feu des protestations qui ont marqué le pays, ces jours-ci, suite à un cas de corruption signalé dans une liste de recrutement à Kasserine. Le premier délégué de la région a été limogé pour abus de pouvoir, accusé d'avoir obtenu un avantage indu (un nombre de bicyclettes-don présidentiel aux enfants de la région). Et là, M. Garoui a fait savoir que de pareilles affaires louches ont été aussi dénoncées à « Bourguiba School » à Tunis et au commissariat régional du transport à Kairouan. Pire encore, ces infractions sont restées sans suite judiciaire. Et d'ajouter que l'économie nationale ne saura reprendre son souffle dans pareil climat pourri. Pour lui, il n'a qu'un seul choix pour sauver l'honneur: faire face aux pratiques malsaines. Sur ce point, I Watch interpelle les trois pouvoirs pour combattre la corruption. Pour y parvenir, il y a urgence à agir. Il est, aussi, question de faire montre de volonté politique ferme, de permettre à l'instance de lutte contre la corruption de promulguer la loi garantissant la protection des personnes révélant sur les cas d'abus. Il s'agit, aussi, de procéder au retrait du projet de la loi sur la réconciliation économique, la réforme de la justice, le renforcement des ressources humaines et matérielles de la commission des analyses financières à la Banque centrale et de lui conférer un rôle anticipatif. Tout cela pour mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre la corruption.