La Tunisie, malgré son emplacement géographique, n'a pas la triste réputation d'être une plaque tournante pour le trafic des personnes, même si le phénomène existe Une conférence internationale portant sur la lutte contre la traite des personnes a été inaugurée hier à la banlieue nord de Tunis. Rencontre qui a vu la participation de pas moins de deux ministres, en plus d'une présence massive de représentants de la société civile. Co-organisée par l'Organisation internationale pour les migrations relevant du l'Union européenne, nombreux experts internationaux y ont pris part. Evénement important en soi, il coïncide avec la discussion du projet de loi à l'Assemblée, « cette nouvelle loi, si elle est adoptée, aura pour effet de protéger les femmes et les enfants, cibles privilégiées de la traite des personnes, mais également de renforcer la législation existante qui comporte des failles, déclare à La Presse Samira Maraii, ministre de la Femme et de l'Enfant. Il se trouve que même les intermédiaires qui font le commerce des petites filles recrutées comme aides-ménagères seront poursuivis, a-t-elle commenté. Amor Mansour, ministre de la Justice, en précisant que c'est une commission qui relève de son département qui s'est attelée à préparer la nouvelle loi, ajoute que la traite des personnes représente un crime odieux qui touche à la dignité de la personne et s'exprime par différents relais, c'est pourquoi le monde s'y intéresse. « Nous avons déjà signé un protocole d'accord à cet effet. Cette conférence atteste de l'adhésion de la Tunisie aux efforts internationaux moyennant un projet de loi en discussion en ce moment à l'ARP ». Un champ de plus en plus large A priori, et selon l'acception initiale, le trafic de personnes est associé aux réseaux transnationaux de prostitution. Or, selon la définition présentée par Thierry Rostan, chef de Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime, celui-ci couvre un circuit de plus en plus large. La traite des personnes se décline à travers des actes comme le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes. Deuxièmement, elle use des moyens, comme la menace ou le recours à la force ou d'autres formes de contraintes par l'enlèvement, la fraude, la tromperie, l'abus d'autorité ou une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de payement ou l'avantage d'obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre. Enfin, elle vise des objectifs aux fins d'exploitation et de prostitution d'autrui, ou par d'autres formes d'exploitation sexuelle, tel le travail, les services forcés, l'esclavage et les pratiques analogues, la servitude ou le prélèvement d'organes. Le consentement d'une personne victime de la traite n'est pas pris en compte, dès lors qu'elle est exploitée. En outre, est considérée victime de la traite des enfants, toute personne âgée de moins de 18 ans. Le migrant clandestin n'est pas une victime Répondant à notre journal, Mme Lorena Lando, cheffe de mission de l'Organisation internationale pour les migrants, précise que la Tunisie pourrait être une destination potentielle pour certains réseaux sévissant en Afrique subsaharienne, notamment pour des victimes de pays francophones potentiellement attirées par la situation géographique proche de l'Europe, par la langue, et un niveau de vie moyen. « C'est surtout dans le travail domestique qu'on peut en trouver», a-t-elle alerté. Il faudra ajouter à cet effet que les passeurs ne sont pas considérés par la loi comme trafiquants ni les clandestins comme victimes, « ils seront jugés pour acte illégal de trafic de clandestins mais non de traite des personnes ». La nuance est de taille puisque la volonté fait la différence entre les deux cas de figure. A partir du moment où un migrant clandestin exprime la volonté et paye de l'argent pour aller vers une destination précise, il n'est pas victime de traite. Mais une fois arrivé, s'il est retenu de force pour travailler même dans l'agriculture, il devra être protégé par les conventions internationales». Mme Lando indique que la Tunisie n'est pas le seul pays de la région à avoir pris conscience du phénomène, l'Egypte a franchi un cap important sur le plan de l'artillerie législative. Par ailleurs, durant les premières années postrévolution, le Liban a été un pays d'accueil pour des Tunisiennes victimes d'exploitation sexuelle, apprend-on. Des rumeurs persistantes ont été, souvenons-nous, colportées faisant état de traitements inhumains et dégradants subis par ces personnes. Phénomène qui semble avoir été circonscrit depuis. Plusieurs jeunes femmes ont été à l'époque et selon les informations fournies par la police des aéroports interdites de quitter le sol. Ainsi, la Tunisie, malgré son emplacement géographique, n'a pas la triste réputation d'être une plaque tournante pour le trafic des personnes, c'est un fait. Même si le phénomène existe à une échelle réduite. Par contre, l'enrôlement des petites filles comme aides-domestiques est un fléau national très répandu. D'autant que ces victimes, très jeunes parfois, dépourvues de moyen d'autodéfense, livrées à elles-mêmes et maintenues dans l'anonymat, sont privées de leurs droits les plus élémentaires comme d'aller à l'école. Une pratique totalement indigne d'une Tunisie qui se dit opérer sa transition démocratique.